ART

Robert Mapplethorpe au coeur de l’effervescence new-yorkaise

La ville de New-York est connue pour avoir porté sa part d’ombre, entre criminalité importante et économie stagnante, dans les années 1960 à 1980. Dans cette part d’ombre, la ville a connu aussi un grand éclat de lumière grâce à l’émergence d’une scène culturelle et artistique immense, dont Robbert Mapplethorpe est l’un des principaux acteurs. Son travail actuellement exposé au Musée des Beaux-Arts de Montréal nous donne une occasion idéal de nous (re)plonger dans le monde de l’artiste et sur son histoire. 

Celui qui est considéré comme l’un des plus grands photographes que ce monde ait connu, porte rapidement un grand intérêt pour les ready-made de Duchamps et commence ses débuts créateurs avec des bijoux et des assemblages d’objets. Mais c’est avec ses collages qu’il se fera d’abord remarquer. La photographie se révèlera ensuite à lui comme le médium contemporain idéal dans sa quête de la perfection des formes.

“J’ai choisi la photographie car elle m’est apparue comme le véhicule parfait pour commenter la folie de notre existence.” Robert Mapplethorpe

Two men dancing, 1984, Robert Mapplethorpe

Il s’intéresse très vite à la contre-culture et aux modes de vie alternatifs dans cette ville déjà en pleine effervescence. Parce que la Grosse Pomme dans ces années-là, c’est aussi et surtout une scène artistique et culturelle qui explose, notamment avec la Factory de Warhol, avec le Chelsea Hotel alors refuge d’artistes avant-gardistes, et aussi William S. Burroughs et Allen Ginsberg avec la Beat generation. New York à partir des années 1960 c’est la peinture, l’écriture, la poésie, les expositions éphémères, le théâtre expérimental, les films indés, le punk, le journalisme gonzo et aussi… la photographie. Et alors que dans ces années de bouillonnement artistique, la photographie n’est pas encore reconnue comme étant un art à part entière, contrairement à la peinture et à la sculpture, Robert Mapplethorpe va largement contribuer à changer ce regard. D’ailleurs ses photographies d’hommes noirs souvent dénudés ne sont pas sans nous rappeler les œuvres des plus grands sculpteurs, à l’exemple de Michel-Ange qui était l’une de ses inspirations.

Robert Mapplethorpe

Parrot tulips, 1988, Robert Mapplethorpe

Une rencontre déterminante

Il est impossible d’écrire sur Robert Mapplethorpe sans parler de Patti Smith. Ils se sont rencontrés à 20 ans, avec l’ambition et les rêves qui viennent avec la jeunesse. Des rêves qu’ils ont décidés de réaliser ensemble. Tout au long de leur relation, de jeunes amoureux, à amis pour la vie ensuite, ils se sont énormément encouragés, soutenus, élevés l’un et l’autre, et ce jusqu’au décès du photographe à l’âge de 42 ans.

Patti Smith 1979 Robert Mapplethorpe 1946-1989 ARTIST ROOMS Acquired jointly with the National Galleries of Scotland through The d'Offay Donation with assistance from the National Heritage Memorial Fund and the Art Fund 2008 http://www.tate.org.uk/art/work/AR00495

Patti Smith, 1979, Robert Mapplethorpe

Patti et Robert ont longtemps vécus ensemble et elle fut naturellement sa première modèle. Il l’a énormément photographiée, notamment au début de sa carrière, car il voulait affiner sa technique, se perfectionner. Il avait ce regard qui portait l’obsession du détail. Cela se vérifiait d’ailleurs avec sa façon de ranger les objets et Patti Smith aime à raconter qu’il avait une façon très catholique d’organiser les choses. Elle croyait beaucoup en lui et en son talent, et se fut également le cas du photographe pour elle. Ces deux icônes se sont liées par l’amour et l’art pour toujours.

Des thèmes qui permettent de voir la différence

Le photographe a traité de nombreux sujets, entre les fleurs et les corps, habillés ou nus, il a photographié des célébrités, des inconnus. La sexualité occupe une place importante dans la vie et dans l’art de Robert Mapplethorpe. Il a commencé avec des collages pris dans des magazines pornographiques gay, puis s’est initié à la sous culture sado-masochiste gay. Pour le photographe, “SM” voulait dire “sexy” et “magique”.

Entrejambe en cuir - Robert Mapplethorpe (1980)

Entrejambe en cuir – Robert Mapplethorpe (1980)

Certaines photographies sado-maso sont certes parfois difficiles à regarder, mais toujours réalisées avec beaucoup de raffinement. Il travaillait avec ses modèles comme il travaillait avec des fleurs, deux sujets où l’on retrouve érotisme et sensualité. Il a aussi beaucoup travaillé sur l’identité et voulait brouiller la frontière du genre, notamment avec ses photographies de Lysa Lyon, bodybuildeuse et top modèle américaine.

The perfect moment

Dans les années 1980, les Américains remettent en cause leur identité, entre conservatisme profond et progressisme. Des thèmes importants sont mis en avant et débattus tels que l’homosexualité, l’avortement, l’art et la censure. Une censure qui a bien eu lieu avec le travail du photographe car la retrospective The perfect moment fera l’objet d’une très forte polémique sur le financement de l’art public aux États-Unis. Elle sera annulée par The Corcoran Gallery deux semaines et demi avant son lancement.

L’artiste décédé il y a maintenant 27 ans nous a laissé un héritage immense, construit à force de travail, d’acharnement et de croyance en ce qu’il faisait, en l’art. L’exposition au Musée des Beaux-Arts de Montréal se poursuit jusqu’au 22 janvier et nous offre à voir plus de 250 photos et une cinquantaine d’objets personnels de l’artiste.

Amoureuse de photographie, curieuse, passionnée par l'infinité du monde de l'art et aussi très intriguée par la complexité du monde politique.

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