Non, le titre de cet article n’est pas celui d’un roman à l’eau de rose mais le surnom donné à Denis Mukwege, gynécologue congolais spécialisé dans la prise en charge de femmes victimes de viols collectifs au Congo. Portrait.
Denis Mukwege était l’invité du 28 minutes d’Arte mardi 25 octobre pour parler de son livre autobiographique intitulé Plaidoyer pour la vie publié par les éditions l’Archipel. L’occasion pour nous de vous présenter ce médecin congolais fils de pasteur et son combat dans un pays dévasté par la guerre civile.
Denis Mukwege obtient son diplôme de médecin en 1983 à l’hôpital Lemara de Bukavu, province de la République Démocratique du Congo (RDC), puis part en France pour se spécialiser en gynécologie obstétrique à l’hôpital d’Angers. Il revient dans son pays d’origine pour prendre la direction de l’hôpital Lemara en 1989 avant que ce dernier soit détruit lors de la Première Guerre du Congo en 1996. Réchappé de peu à la mort, le gynécologue fonde en 1999 l’hôpital Panzi à Bukavu.
Denis Mukwege lutte pour la paix dans un pays qui connaît une succession de guerres depuis une vingtaine d’années et qui n’a de démocratique que son nom puisque l’élection présidentielle qui devait avoir lieu en 2015 a été repoussée à 2017 par l’actuel gouvernement de Joseph Kabila, alors même que la Constitution congolaise indique de façon précise que le Président de la République est élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois.
Le corps de la femme comme champ de bataille
De retour en RDC avec l’objectif de combattre la mortalité maternelle, le gynécologue est loin d’imaginer ce qui l’attend. Le premier cas auquel il a affaire est une femme d’abord violée par six soldats qui tirent ensuite sur son bassin, détruisant ainsi son appareil génital. Malheureusement, cette patiente est la première d’une longue liste. Les viols sont utilisés comme des armes de guerre par les divers groupes militaires qui s’affrontent au Congo, ils sont effectués méthodiquement et sont propres à chaque groupe armé. Régulièrement, environ deux cent femmes d’un même village sont violées dans une seule nuit, devant maris et enfants. Parfois, ce sont également de jeunes filles ou des bébés qui sont les proies de ces violeurs. En tout, quarante-deux mille victimes sont passées par l’hôpital de Panzi.
« Nous voyons ce que même un œil de chirurgien ne peut pas s’habituer de voir. »
Le fait de s’attaquer à la femme, de s’appliquer à détruire ses organes génitaux n’est pas un acte anodin puisque c’est la mère qui donne la vie. De plus, les mères ne sont pas les seules victimes : la famille tout entière est visée et peine à se reconstruire après un tel acte de barbarie. Enfin, la perte de cohésion au sein de la cellule familiale s’étend à la communauté toute entière. Ces viols collectifs et massifs participent à détruire le tissu social et facilitent la prise de pouvoir par ceux qui les commettent. Le travail de Denis Mukwege est d’abord chirurgical, il répare ces vagins mutilés, mais la réparation est aussi d’ordre psychologique. D’autant plus que la justice congolaise condamne peu les violeurs voire les protège, notamment s’il s’agit de soldats.
Gynécologue au péril de sa vie
Denis Mukwege est devenu une personnalité influente au Congo ainsi que dans le monde entier. Ce dernier se bat pour la reconnaissance du viol comme acte de guerre et a été récompensé à de nombreuses reprises pour sa lutte. Il a par exemple obtenu le prix des droits de l’homme des Nations Unies en 2008 ou le prix Sakharov en 2014. Toutefois, cette popularité n’est pas unanime : le « docteur miracle » a échappé à plusieurs tentatives d’assassinat et vit aujourd’hui sous la protection des Nations Unies.
Nombreux sont ceux qui souhaiteraient voir Denis Mukwege en Président de la RDC. Cependant, il affirme que l’objectif de son combat n’est pas la prise du pouvoir mais l’obtention de la paix dans son pays, une paix source de vie, comme le titre de son ouvrage l’indique.