ARTLITTÉRATURESOCIÉTÉ

L’esthète des esthètes au Petit Palais : une exposition sur Oscar Wilde à ne pas manquer

Il a un peu du poète, de l’esthète, du dandy, de l’Irlandais, du Français, de l’Anglais, du prophète… Journaliste à succès, conférencier brillant, critique d’art réputé, grande figure de la haute société, élève de John Ruskin, auteur de contes, de nouvelles, romancier reconnu… Oscar Wilde fut un homme total. 

C’est au Petit Palais, lieu exceptionnel de Paris (construit à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1900) que se déroule cette exposition tout aussi exceptionnelle, que la France consacre à l’Irlandais Wilde. D’emblée, on pénètre dans une ambiance bleutée, à l’ombre d’une tapisserie imitation XIXème, à l’anglaise, dans la première salle qui nous raconte ses débuts et nous rappelle l’homme raffiné qu’il était. S’en suit un rouge vif, qui agresse l’œil. Sur le mur, des critiques tout aussi vives, glorifiant les peintres Richmond ou Watts mais aussi des critiques acerbes attaquant Tissot qui « peint de façon dépourvue d’intérêt des objets tout aussi dépourvus d’intérêt » et bien d’autres. Avec ce rouge, on voit alors déjà poindre l’image de l’homme sulfureux. S’en suivent d’autres salles et d’autres couleurs, comme autant de nuances sur la palette du polyvalent Oscar Wilde. Toutes ces salles sont ornées d’aphorismes sur les murs tels que celui-ci :

« The telling of beautiful untrue things, is the proper aim of art. » (Dire des choses belles et fausses est le véritable but de l’art).

On vagabonde dans sa correspondance (Mallarmé, Goncourt,…) avec délice au fil de ses lettres en anglais ou en français, on s’exclame devant une faute d’orthographe française, on apprend qu’il a été, parmi toutes ses autres casquettes, le rédacteur en chef d’un magazine féminin, on sourit devant ses portraits d’époque datés, où Oscar Wilde trône affublé d’une fourrure imposante et d’un chapeau exubérant et l’on pense alors aux lignes du Portrait de Dorian Gray (1890) qui constitue un morceau de bravoure de la littérature mondiale, un hymne à la jeunesse et à la beauté :

« La beauté est la seule chose qui mérite qu’on la possède. […] On dit parfois que la beauté n’est que superficielle, cela peut être, mais tout au moins elle est moins superficielle que la Pensée. Pour moi, la Beauté est la merveille des merveilles. Il n’y a que les gens bornés qui ne jugent pas sur l’apparence. Le véritable mystère du monde, c’est le visible, et non pas l’invisible… »

C’est encore la transgression, le renversement de ce qui paraîtrait être la norme qui fait mouche chez Wilde. Ce passage traduit en français peut s’écouter très agréablement au détour des déambulations, dans un coin tranquille sur un banc, un livre audio étant diffusé via une enceinte sortant du plafond. L’exposition est dense, riche, pleine de petits détails, on y aperçoit notamment une très belle affiche peinte datant de 1895 représentant Loïe Fuller, la Fleur de rêve, « La Danseuse » dont le biopic est sorti il y a peu au cinéma grâce à Stéphanie di Giusto et qui fait l’objet d’un article dans le numéro d’octobre de Maze Magazine. Des échos se créent, des liens à l’actualité… Dans la salle consacrée à Wilde le dramaturge, il est possible d’admirer de nombreuses représentations de sa pièce Salomé, projetées tour à tour sur le sol de 1920 à 2011 et qui permet de voir combien l’art voyage dans le temps en épousant plusieurs formes et plusieurs vies.

Mais si l’auteur de génie est glorifié par cette exposition, il n’a pas toujours été le Sphinx du Père Lachaise (son tombeau prend la forme d’un Sphinx) : on plonge également dans sa douleur. Durant ses heures sombres passées en prison injustement pour cause d’homosexualité mais dont il est ressorti un des plus beaux textes sur la douleur que l’humanité aie porté intitulé De Profundis et que l’on s’empresse d’aller (re)lire une fois sorti de l’exposition. On part interloqué(e) en pensant qu’on peut être à la fois un artiste extraordinaire et bafoué, rejeté par la société, tordu de douleur mais la douleur peut être sublimée par l’art et la création peut faire de la boue de l’or, pour reprendre l’expression baudelairienne. La culture est là pour nous élever. Alors, l’aphorisme du portique de sortie prend tout son sens :

« We are all in the gutter, but some of us are looking at the stars. » (Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles).

Oscar Wilde, L’impertinent absolu, du 28 septembre 2016 au 15 janvier 2017 au Petit Palais. 

Rédactrice Maze Magazine. Passée par Le Monde des Livres.

You may also like

More in ART