ART

“Sport is Art” (Petr Volf)

Dans ce contexte où, à tour de rôle, l’Euro et les Jeux Olympiques ont envahit notre quotidien, comment faire l’impasse sur le lien qui existe entre l’art et le sport ? Quelle est la place de ce dernier dans le quotidien contemporain ? “Sportu Zdar ! All Hail Sport !” est le nom de la nouvelle exposition du musée pragois le Dox. Un musée d’art contemporain ouvert et dynamique qui existe depuis 2008 dans le quartier Tchèque de Holešovice. Une exposition riche pour un sujet complexe.

Est-ce que l’art est un sport, est-ce que le sport est un art, par où commencer ? Comme l’art, le sport est un phénomène universel dans le temps et dans l’espace et nombreux ont été les artistes à se pencher sur le sujet.
L’exposition débute avec les œuvres de l’artiste Petr Holub. Ses sculptures contemporaines font échos aux sculptures de l’Antiquité qui rendaient hommage et sublimaient le corps humain. L’artiste met ici l’accent non pas seulement sur le corps, mais le corps dans l’action, le corps dans sa puissance, l’acte sportif. Rappelons que, durant l’Antiquité, le sport était considéré comme la culture du corps, et les arts, la culture de l’esprit. L’alliance idéale.

Petr Holub – Photographie de Lola Fontanié

Plus loin dans l’exposition, nous découvrons Linda Pelclova. Cette artiste peint des terrains de sport. Elle déplace notre regard sur ces espaces, les considérant comme une composition picturale avant tout.

Le sport, tout comme l’art, est lié à ce concept du “beau”. À travers le corps des athlètes, toute l’esthétique qui les entoure (maillots, couleurs, stades, stratégies, mouvements, etc.), mais également dans l’attente du spectateur d’être ébloui. Il n’y a qu’à écouter les commentaires des spectateurs du tour de France 2016 : trop peu d’action, pas d’actes extraordinaires, ennuyeux. Le public s’attend à être surpris, à voir du sublime, de l’exploit, tout comme dans un musée.

Au fur et à mesure que l’on traverse le Dox, l’ambiance de l’exposition semble changer. Les artistes tendent à évoquer d’autres aspects du sport et de l’évènement sportif. Comme avec cette installation Superstar des artistes Kamera Skura et Kunst-Fu.
L’athlète est représenté comme étant Jésus, suspendu à deux poignées, comme crucifié à son sport. Les sportifs s’apparentent parfois à des martyr, on ne compte plus les images et vidéos montrant la blessure de Samir Aït Saïd, gymnaste français.

Linda Pelclova – Photographie de Lola Fontanié

Les évènements sportifs reviennent à des dates connues, attendues. On y retrouve ses idoles, il y a une cérémonie d’ouverture, de clôture, une épreuve, une réussite ou un échec, une récompense. L’évènement sportif s’approche du rituel, une communion à échelle nationale, voir mondiale. Ils ont un caractère sacré pour ses spectateurs. Les supporters sont très souvent plus qu’investits, et quelque fois ont des réactions extrêmes. Durant l’Euro 2016, après le match opposant la Russie à l’Angleterre le 11 juin à Marseille, 43 supporteurs russes ont été arrêtés à la suite de violences qui ont fait 35 blessés.

Toute une salle de l’exposition a été réservée à un personnage en particulier, Zatopek, athlète tchèque qui remporta quatre titres olympiques. L’un des artistes, David Cerny, donne à voir des jambes sans tête qui courent, coincées dans la partie haute d’un mur. Le mouvement est devenu absurde et infini, sans but. L’homme devient une machine à prouesse physique. Brohm disait « Ils (les sportifs) sont réduits à l’état de chose, chosifiés, réifiés. »

Le sport aveugle et détourne des problèmes sociaux contemporains, favorisant un mouvement hystérique de masse à la critique et à la pensée individuelle. Il a été un outil majeur dans la manipulation de la jeunesse par le régime nazi et stalinien. L’Euro a totalement étouffé le scandale de la loi El Kohmri. « Le sport comme “phénomène de masse”, par opposition à l’activité physique libre, est un nouvel “opium du peuple”, qui sert à masquer la lutte des classes et développe le chauvinisme et le nationalisme les plus étroits » écrivait Brohm.

Malgré les scandales sur le dopage des sportifs, malgré les déplacements de population au Brésil pour les Jeux Olympiques, malgré la quantité astronomique d’argent dépensé, l’évènement sportif reste nécessaire dans les esprits. Pourquoi ? Le sport est d’abord lié au jeu, à l’amusement, où est le plaisir lorsque l’acte prend cette dimension ?

Si le sport nous renvoie parfois à notre faiblesse physique il nous prouve également que l’on arrive à se surpasser. Tout comme l’art, il abaisse les limites du corps et de l’esprit. Cependant, l’emprise du politique et de l’économie se fait de plus en plus sentir et ces deux disciplines, à l’origine d’un épanouissement personnel et collectif, deviennent des outils de manipulation de masse. Le sport s’apparente de plus en plus à ce que l’on pourrait appeler du “sport-spectacle”, alors qu’il est plus que cela. N’oublions pas qu’il est un marqueur social, qu’il est un marqueur d’identité culturelle et qu’il peut également devenir “porte parole” d’une culture de contestation.

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