Après avoir reçu le Grand Prix en mai dernier au festival de Cannes, on attendait impatiemment la sortie du nouveau film au casting cinq étoiles de celui qu’on surnomme le prodige québécois. Here we are !
Xavier Dolan revient avec un film bien différent de ses précédents avec Juste la fin du monde, son adaptation de la pièce de théâtre de Jean-Luc Lagarce, écrite en 1990 lorsqu’il était atteint du sida. En choisissant d’adapter cette œuvre, le réalisateur traite une fois de plus de sujets qui le touchent : la relation mère-fils et l’homosexualité. Dans la séquence d’ouverture du film on découvre Louis (Gaspard Ulliel), 34 ans, dans un avion. Narrateur, il nous annonce qu’il retourne chez sa famille qu’il n’a pas vue depuis douze ans pour lui annoncer sa mort. On le suit alors s’y rendre en taxi. Dans la rue, tous les regards sont tournés vers lui, les gens le regardent comme un étranger, étranger qu’il est face à cette campagne qu’il n’avait pas vu depuis des années. Il retrouve alors Suzanne (Léa Seydoux), sa sœur, sa mère (Nathalie Baye), son frère Antoine (Vincent Cassel) et rencontre sa belle-sœur Catherine (Marion Cotillard). Malaise. Tous le contemplent, à l’exception d’Antoine qui ne se réjouit pas de sa venue, reste sur la défensive et lui tourne souvent le dos.
Va s’en suivre une longue après-midi où les personnages sont incapables de communiquer entre eux. On aurait presque envie de leur arracher les mots de la bouche. Sans cesse ils reformulent ce qu’ils viennent de dire. Cela dit, les portraits des personnages un peu clichés sont tout de suite bien dressés. Les jeux de regards sont très importants – ils amènent, cela dit, quelques longueurs – et c’est pour cela que Xavier Dolan filme ce huis clos dramatique en gros plans. Certains diront qu’il en abuse… Mais on ne peut pas lui en vouloir tant ils sont beaux. En revanche, on peut le dire, il sait mettre en avant la beauté de ses acteurs, et sait glisser des symboles ça et là tout au long du récit. Il joue sur le hors-champ, les silences, les cris, les regards et nous tient en haleine de cette façon. Il utilise même le regard caméra un instant, en gros plan sur Louis qui nous regarde, comme s’il essayait de trouver une échappatoire. Frissons.
Étant donné que le film se passe quasiment au même endroit (à l’exception du voyage de Louis et d’une ballade en voiture), Xavier Dolan rythme Juste la fin du monde avec quelques flashbacks. D’une part il y a ceux qui illustrent les propos de Suzanne qui parle beaucoup (on a là de véritables monologues) et puis ceux de Louis. Ceux de Louis sont plus longs, ils prennent un peu la forme de clips, toujours avec la touche personnelle du réalisateur qui en fait peut être un peu trop. D’ailleurs on remarquera qu’il n’a pas pu s’empêcher d’apparaître dans son œuvre : il incarne Louis adolescent. Cependant, la B.O est géniale comme toujours, on se retrouve même à savourer un Dragostea din tei d’O-Zone en plein milieu du film ; et ces flashbacks un peu “clippesques” nous permettent de changer de décor et d’ambiance l’espace d’un instant, avant de revenir à la triste réalité, celle de Louis, celle de sa mort imminente. Le cadre étouffe les personnages, la canicule étouffe les personnages et les personnages s’étouffent entre eux. D’ailleurs chacun a besoin d’aller fumer une cigarette ou un pétard pour décompresser, pensant que ça les aidera à dire ce qu’ils ont à dire. En vain.
Xavier Dolan avait mis la barre très haute avec Mommy, qui avait fait l’unanimité. Son esthétisme n’est plus à prouver mais Juste la fin du monde divise, et c’est normal car on est sur un tout autre type de film. On ne peut pas en vouloir à Vincent Cassel de ne pas aligner une phrase sans être énervé, à Marion Cotillard d’être trop farouche ou bien reprocher aux personnages d’en faire trop, d’être dans l’exagération car c’est une adaptation et Xavier Dolan a certainement voulu rester fidèle aux rôles de la pièce. Ce n’est pas surjoué ; les acteurs sont justes, et très bons. Les fans des premiers films du québécois s’ennuieront peut-être, et n’apprécieront que les flashbacks en musique. Les fans de Mommy, eux, les apprécieront peut être moins, découvrant un côté trop intime. Mais les vrais fans de cinéma sauront apprécier Juste la fin du monde à sa juste valeur.