SOCIÉTÉ

Baccalauréat, niveau en baisse ?

On entend souvent dire que le niveau du bac baisse, que les élèves sont de moins en moins bons, voire que les générations qui arrivent sont de plus en plus abruties. Souvent, on accuse d’ailleurs un laxisme de l’éducation et un formatage par la technologie et les écrans. Mais est-ce fondé ? Pouvons-nous vraiment dire que plus le temps avance, moins les générations sont brillantes ?

Zoom sur le diplôme du baccalauréat

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Quelques statistiques

En 2016, le bac a encore battu tous ses propres records. Il y a eu en juin 715 200 candidats au baccalauréats toutes filières confondues, soit une hausse de 1,7 % par rapport à 2015. Sur tous ces candidats, 88,5 % ont réussi les épreuves, ce qui représente une légère hausse par rapport à l’année précédente. Aujourd’hui nous atteignons 78,6 % de bacheliers dans une génération.

Le bac général est toujours celui qui réunit le plus de participants (357 777 candidats présents pour 91,4 % de réussite). La série S domine encore très largement le tableau avec un peu plus de la moitié des candidats et un taux de réussite légèrement supérieur aux deux autres. La série la moins peuplée est la série L, bien qu’elle connaisse cette année une légère hausse du nombre de ses candidats. Ceci n’est cependant pas représentatif de la tendance au long terme de la série qui a vu le nombre de ses candidats diminuer de près de moitié depuis 1995.

Le bac technologique quant à lui retrouve un taux de réussite stable après une très forte hausse entre 2005 et 2014. Les 139 449 candidats ont donc réussi les épreuves pour 90,7 % d’entre eux. Il faut cependant noter que toutes les filières ne sont pas égales ; le domaine tertiaire, de service, reste dominant.

Enfin le bac professionnel cette année voit le nombre de ses candidats en baisse, avec 1300 candidats de moins que l’année passée. Il réunit tout de même 218 000 candidats avec un taux de réussite de 82,2 % (+1,9 % en un an), ce qui représente en 2016 28 % des bacheliers. A l’instar du bac technologique, ce sont les services qui dominent.

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Que peut-on en tirer sur le niveau ?

Avoir ces statistiques est bien beau, que pouvons-nous en tirer ? Pour mieux les mettre en perspective et déterminer leur signification quant au niveau de notre éducation, élargissons un petit peu notre vision et voyons l’évolution du baccalauréat depuis 1851.

Le bac, un diplôme qui évolue

Depuis 1851, le baccalauréat a beaucoup évolué. A l’origine il était un diplôme d’excellence, récompensant les élites, avec 0,6 % de diplômés dans une génération. Ce taux est resté assez stable pour ne dépasser les 2 % que dans la seconde moitié des années 1920.

Les 10 % d’une génération diplômés du baccalauréat n’ont été atteints que dans les années 1960. Le bac technologique a ensuite fait son apparition en 1969. Dès l’année suivante, le taux de bacheliers dans une génération dépasse les 20 % pour ne jamais retourner en-dessous. La fin des années 1980 voit l’arrivée du bac professionnel et le passage des 30 %. La même dynamique continue alors, de plus en plus rapidement. En 1990, ce sont 43,5 % qui obtiennent le baccalauréat dans une génération. 61,7 % l’obtiennent en 2000, et aujourd’hui ce sont donc 78,6 % de bacheliers dans une génération.

Le baccalauréat est donc passé d’un diplôme très élitiste, ouvrant une voie d’honneur à ses détenteurs vers les hautes sphères de la société et les postes de dirigeants, à un diplôme populaire. Aujourd’hui, le baccalauréat, qu’il soit général, technologique ou professionnel, est presque un passage obligé vers la vie active. Ceci est d’autant plus vrai depuis que CAP et BEP disparaissent petit à petit au profit du bac pro. Dans le même temps, le certificat d’études, en sortie de primaire, a été supprimé (officiellement en 1989) et le Brevet des Collèges ne donne plus accès à grand chose si ce n’est le lycée.

De même il convient d’observer qu’à l’origine réservé à une élite sociale, il est aujourd’hui accessible aux masses. Les aides de l’état sont en partie responsable de cet élargissement des catégories sociales des diplômés. A cela s’ajoute l’élargissement de l’offre de formation. On observe cependant une conservation de ces écarts dans les taux de réussite et l’obtention des mentions.

Les autres diplômes aussi évoluent

Enfin, aujourd’hui, des dizaines de diplômes différents existent dans le supérieur, avec pléthore de spécialités et domaines distincts. Travailler avec uniquement un baccalauréat général en poche est presque mission impossible. Il ne constitue presque plus qu’une porte d’entrée vers le supérieur. Il existe de plus aujourd’hui des passerelles depuis les filières technologiques et professionnelles vers des formations du supérieur.

Ainsi, comparer le niveau du baccalauréat entre 1851 et aujourd’hui est bien entendu ridicule car les savoirs, sociétés, et candidat.e.s étaient alors complètement différents. Mais même comparer le baccalauréat des années 1970 voire 1990 et d’aujourd’hui ne nous mènera pas très loin tant le diplôme est en constante évolution dans sa cible, et dans sa symbolique. On peut imaginer qu’à terme il représente le même passage quasiment obligé que le brevet des collèges.

Des changements corrélés à ceux de la société

Pour finir, il convient de regarder les causes et effets de tous ces changements. En France aujourd’hui, très peu de contrats sont décrochables sans avoir la moindre qualification. Les travaux ouvriers sont en perte de vitesse avec la désindustrialisation et la délocalisation des entreprises encore en place. Les techniciens deviennent de plus en plus spécialisés et leurs tâches demandent des connaissances de plus en plus étendues. Tous ces facteurs mènent à un déplacement des domaines élitistes qui ne sont plus dans l’obtention d’une mention au baccalauréat mais plutôt au niveau des universités et grandes écoles. Le temps d’études moyen s’allonge. Et, en témoigne l’âge moyen du premier enfant pour les femmes (28 ans en 2010 avec une forte hausse), on retarde davantage l’installation.

Dans ces conditions, un diplôme peu formateur comme le baccalauréat perd en signification. De même, retardant les échéances, celle de l’entrée dans l’élite arrive plus tard aussi. Comment un examen passé en moyenne à 18 ans pourrait tenir une symbolique aussi forte alors que les études continuent encore pour une vaste majorité de la population ? Pour toutes ces raisons, il est très peu pertinent de parler du niveau du bac. Plutôt que d’alimenter la tendance au “c’était mieux avant”, posons-nous les bonnes questions. Que veut dire aujourd’hui le bac ? Quelle est son incidence sur les étudiants ? Est-il inclusif et favorable à l’intégration du plus grand nombre ?

Sources

http://etudiant.aujourdhui.fr/etudiant/resultats/bac/diplome/admis.html IMPR

http://www.e-orientations.com/actualites/l-evolution-du-taux-de-reussite-au-bac-et-des-mentions-dans-le-temps-10538

Cliquer pour accéder à 5479.pdf

http://www.math93.com/index.php/112-actualites-mathematiques/532-evolution-des-resultats-au-bac-de-1970-a-2013

http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1419#inter1

Je suis un ingénieur créatif, étudiant en curiosité, vadrouilleur de l'Internet amateur de culture.

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