SOCIÉTÉ

En Afrique, entre Chine et Japon, le porte-monnaie balance

Les 27 et 28 août dernier s’est tenue la Conférence Internationale de Tokyo sur le Développement de l’Afrique (TICAD). Le Premier ministre japonais Shinzo Abe et plusieurs membres de son gouvernement ont participé à celle-ci, ainsi qu’une délégation de quelque quatre-vingts patrons et autres personnalités nippones. L’édition 2016 se distingue des autres puisqu’elle marque une forte volonté d’augmenter la présence japonaise en Afrique par le biais de ses entreprises privées, une concurrence directe avec la Chine qui tente également d’asseoir son influence sur le continent.

Source : lexpansion.lexpress.fr ©

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TICAD ?

La TICAD est une initiative lancée en 1993 par le gouvernement du Japon afin de promouvoir un dialogue politique entre les dirigeants africains et leurs partenaires dans le domaine du développement. Le Bureau du conseiller spécial pour l’Afrique de l’Organisation des Nations Unies, du PNUD, et la Banque mondiale sont également des acteurs clefs dans ce projet qui se concentre principalement sur la croissance économique, la question de la sécurité humaine, et les problèmes environnementaux liés au changement climatique.

Lors de la dernière conférence, en 2013, le Japon avait promis 3200 milliards de yens d’assistance sur cinq ans (28 milliards d’euros au cours actuel), dont 1400 milliards de yens d’aide directe. 67 % de l’objectif était rempli à la fin 2015.

Bilan de l’édition 2016

Pour cette nouvelle édition, soixante-treize accords commerciaux ont été signé avec presque tous les pays du continent. La promesse très médiatisée de 30 milliards de dollars de 2016 à 2018 comprend trois volets.

Tout d’abord, la nécessaire industrialisation du continent africain afin de préparer le terrain pour l’arriver des entreprises privées japonaises notamment. Dix milliards de dollars seront affectés aux infrastructures dites de qualité tandis que les réseaux de transports urbains seront également améliorés. De même, Tokyo souhaite s’engager davantage et a promis la formation de 30 000 personnes en ressources humaines ainsi que 20 000 enseignants en sciences naturelles et mathématiques.

Deuxième volet, la santé. Il s’agit d’un secteur clef pour l’Afrique étant donné les récents évènements liés aux épidémies qu’elle a connu. Tokyo s’est engagé à former 20 000 experts dans le domaine de la santé, tout en assurant 500 millions de dollars afin de traiter les problèmes liés à la sécurité alimentaire.

Enfin, troisième volet, la stabilité sociale. 500 millions de dollars vont être levés pour pouvoir assurer la formation professionnelle de plus de 500 000 personnes. 1,8 milliards de dollars seront quant à eux affectés à la formation de 4000 personnes dans les domaines de l’énergie, et ce dans le but de lutter contre le changement climatique. Ce dernier point est un enjeu crucial en Afrique où les pays reposent énormément sur les plantations et l’agriculture traditionnelle mais sont souvent victimes des crises de sécheresses.


Une session originale

L’originalité de cette édition 2016 : c’est la première fois depuis sa création que la TICAD s’est tenue sur le continent africain. Cette nouveauté démontre une envie croissante, de la part des états africains, de prendre davantage d’initiatives.

Côté japonais, une nouveauté est également à noter. Jusqu’à présent, les investissements émanaient principalement de l’État, le Japon a cette fois-ci montré son envie de faire participer ses entreprises privées.

Le Japon à la conquête de l’Afrique

Il est vrai que la TICAD est une immense opportunité pour l’Afrique d’attirer des capitaux japonais afin d’accélérer son développement. Mais elle est tout aussi importante pour Tokyo puisque cette conférence lui permet de consolider sa position sur le marché africain et de relancer une partie de son économie. Les entreprises privées se préparent en effet à une forte implantation sur le marché africain. Panasonic envisage notamment de fabriquer des smartphones spécialement adapté au continent tandis que Nissin, fabriquant célèbre de nouilles instantanées, a créé des variantes aux goûts des Africains en collaboration avec une université kényane.

La TICAD est également une opportunité nouvelle pour Tokyo de concurrencer son voisin chinois. En effet, en 2014, la part des investissements en Afrique dans le volume mondial du Japon à l’international s’élevait à seulement 1,2 %. Soit environ quatre fois moins que la Chine. En 2015, les échanges commerciaux entre le Japon et l’Afrique s’élevaient à 24 milliards de dollars contre 179 milliards de dollars d’échanges avec la Chine.

Ces batailles économiques prouvent bien évidemment l’enjeu que représente le continent africain pour les deux géants asiatiques. c’est un combat aussi bien économique que politique et stratégique qui se déroule. Afin de se démarquer et d’asseoir son influence face à l’immensité des investissements chinois, le Japon joue sur son image de prestataire de meilleure qualité.

Source : youtube.com ©

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Un changement de politique pour le Japon : moins d’éthique, plus de yens ?

Bien que les investissements de Tokyo et sa concurrence avec Pékin soient louables, l’édition 2016 de la TICAD pose des problèmes d’ordre éthique. En effet, parmi les chefs d’États invités les 26 et 27 août, de nombreux présidents coupables d’abus de droits de l’homme, dont le mandat a été contesté, étaient présents.

Jusqu’à récemment, Tokyo n’investissait que dans des pays transparents et démocratiques, comme l’Afrique du Sud ou le Kenya, une attitude bien différente de son rival chinois. Cependant, la politique japonaise a subit un revirement attribuable à l’arrivée au pouvoir de Shinzo Abe en 2012. En effet, déjà en mars dernier il s’était attiré les foudres de nombreuses personnes en accueillant avec les honneurs Robert Mugabe, président du Zimbabwe. Dommage, le Japon aurait pu montrer l’exemple, mais il semble que comme toujours, la nécessité économique a pris le dessus sur les principes moraux.

Attachée de presse de cinéma et blogueuse, je fais partie de l'équipe de Maze depuis plus de quatre ans maintenant. Le temps passe vite ! Je suis quelqu'un de très polyvalent: passionnée d'écriture ("j'écris donc je suis"), de cinéma (d'où mon métier), de photo (utile pour mon blog!), de littérature (vive la culture !) et de voyages (qui n'aime pas ça?). Mon site, www.minimaltrouble.com, parle de développement personnel, de productivité, de minimalisme mais aussi de culture :)

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