Nous avons clôturé notre saison des festivals belges en déposant nos sacs à dos aux Fêtes des Solidarités. La quatrième édition de ce festival qui prend place dans le cadre idyllique de la citadelle de Namur a été une franche réussite. Plus de 43 000 festivaliers ont vibré aux sons d’artistes débutants et confirmés, le tout sous une chaleur cuisante.
Après l’incroyable plan incliné et la sublime place des palais, il nous restait à mettre les pieds dans l’un des monuments les plus réputés de Belgique : la citadelle de Namur. C’est dans cette forteresse d’un autre temps que les fêtes des Solidarités ont pris place. Rien n’a été laissé au hasard lors de cet évènement. On peut bien sur saluer la réactivité face à l’alerte canicule, mais en dehors de ça, il faut également féliciter la détermination de l’organisation à faire de ce weekend un pur moment de fête. L’audace de la programmation a joué pour beaucoup sur ce record d’affluence. Il semblerait que les têtes pensantes des Solidarités affinent de plus en plus leur ouïe pour contenter tout le monde et ne léser aucun public.
Peut-on dire qu’il s’agit d’un festival familial ? Certainement. Mais il faut retirer au mot « familial » la connotation bébête et passe-partout qu’il insinue parfois. La force des Solidarités est de faire cohabiter des milliers d’enfants friands de manège et d’animations de rue, avec une jeunesse fan absolue de rap venue acclamer la scène montante de la musique urbaine.
Samedi 27 Août
Le rap, justement, a été mis à l’honneur durant la première journée des Solidarités. Sous un soleil de plomb, Georgio a donné le ton en enflammant un public immense pour un début d’après-midi. Le dernier concert de son Bleu Noir Tour a été une folie sans précédent. Georgio fait officiellement partie de la grande et belle nouvelle génération du rap qui annonce une longue vie à cette poésie.
Les couleurs de cette famille étaient aussi portées par le grand Alpha Wann venu défendre son fameux Alph Lauren 2. Cet EP, dont on ne vante plus la qualité tant les ovations pleuvent de tous côtés, a une fois de plus conquis la foule. Et c’est avec l’aide du grand Caballero que l’impertinent membre de l’Entourage a fait grimper la température. Dans une sorte de sphère aride et poussiéreuse, Alpha Wann a imposé son style au public belge qui s’en est très bien accommodé. Vivement la sortie de son premier album.
Toujours dans le même registre musical, il faut bien sur parler des deux artistes les plus attendus de la journée. Abd Al Malik et Nekfeu ont répondu aux attentes des milliers de gens venus expressément pour eux.
Abd Al Malik nous a ravi avec un show audacieux et assumé. Le slameur de toujours est revenu à ses premiers amours en y ajoutant une pointe de modernité. Il nous a servi le plus beau mélange des genres en alternant ses nouveaux titres issus de l’album Scarifications (produit par Laurent Garnier), avec ses tubes déjà âgés de dix ans. Daniel Darc, Gibraltar, Les Autres, Allogène, A Contretemps, autant de chansons qui sont ou qui deviendront des classiques du genre.
Nekfeu quant à lui livré l’indémodable show du Feu Tour, tout en flammes et lumières. On ne présente plus le succès du jeune rappeur issu du S-Crew, très connu pour être l’un des six génies de 1995. Est-il vraiment utile de revenir sur sa prestation hors du commun quand tout le monde connaît cette énergie qui caractérise le jeune Ken ? Toutes les éloges ont déjà été faites. Il ne reste qu’à ajouter que Nekfeu a le mérite de ne jamais oublier d’où il vient. Sur scène, il a convié tous ses frères et ses compagnons de route. Ainsi le public a pu profiter de quelques titres d’un S-Crew déchainé.
Le second style qui nous a frappé lors de la première journée du festival est ce qu’on appelle communément la musique du monde. C’est une appellation passe partout qui veut tout dire tout et son contraire à la fois. Il est donc important de mentionner quelles cultures et quelles ethnies nous ont charmé.
Au milieu de l’après-midi, c’est le jeune chanteur liégeois Baloji qui a fait des étincelles. Fier de ses origines, c’est avec ses chansons teintées de la musique traditionnelle congolaise qu’il a su faire bouger la foule sans qu’elle ne puisse s’arrêter. Il a déclenché une sorte de furie incontrôlable dans les gradins du Théâtre des Verdures. Aucun autre concert du weekend n’a autant fait danser la foule que celui de Baloji.
Un peu plus tard, dans l’écrin de verdure qu’est le Maquis, nous avons fait la connaissance de Xamanek. Ce groupe familial originaire du Chili a lui aussi fait danser le public, mais dans un tout autre style. Qui dit Chili dit Amérique Latine et musique latino bien entendu. Une fois les premières notes entamées, les derniers rayons de soleil qui filtraient au travers des arbres se sont mêlés aux douces voix de Xamanek pour créer une ambiance hors du temps. En fermant les yeux, on avait tout bonnement l’impression d’être dans le Chili pré-dictatorial, où l’insouciance et la bonne humeur régnaient en maitre. Toute la beauté de la musique de Xamanek se situe dans l’équilibre entre la joie de vivre et la peur du basculement. Ces accents de nostalgie et cette conscience de la race humaine font parties intégrantes de la musique du groupe. On ne sait s’ils sont engagés politiquement, mais on ressent tout l’amour de leurs racines dans chacune de leurs chansons.
Enfin, et contre toutes attentes, Omar Souleyman a réuni un millier de personnes pour le dernier concert de la nuit. Cet ovni de la musique syrienne a offert un show électro pour le moins… surprenant et hypnotisant. Il est difficile de décrire la prestation de Souleyman, il faut le voir pour le croire, il est inégalable.
Dimanche 28 Août
L’entrée en matière de la deuxième journée était déjà colossale puisque Mustii était le premier à chanter sur l’Esplanade. Nous avions déjà adoré sa prestation trois semaines auparavant à Ronquières. Il faut croire que plus le show est rodé, plus Mustii se bonifie. Le temps ne lui fait que du bien. Il avait toujours cette même fougue, cette poésie, cette gestuelle que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Ses concerts, comme ses chansons, ou encore ses apparitions cinématographiques et télévisuelles, sont à consommer sans aucune modération.
Au Théâtre des Verdures c’est l’adorable GrandGeorge qui nous a accueilli à bras ouverts. La dernière fois qu’on l’avait vu, c’était il y a plus de deux ans, et on peut sans aucun doute dire qu’il a parcouru beaucoup de chemin depuis. Son trac a disparu, son aisance scénique a grimpé en flèche et son sourire est toujours plus resplendissant. Tous les gradins du théâtre étaient remplis. Il faut croire que la bonne musique finit par attirer un public connaisseur et demandeur de chansons feel good si simples et si jolies à la fois.
En basculant vers l’Esplanade c’est l’époustouflant Fefe qui nous a surpris. Il a démarré son concert dans la foule, pour être au plus près du public et pour lui faire entonner ses titres solos. Elle est loin l’époque du Saïan Supa Crew, le jeune rappeur a su imposer son style et se faire aimer d’une population aussi diversifiée qu’immense. Il est aussi à l’aise une guitare à la main que seul avec ses pas de danse endiablés. Pour couronner le tout, Fefe a la qualité d’être drôle et accessible, ce qui fait que chaque personne présente à son concert se sent proche de lui, comme si l’on assistait au concert d’un ami plutôt qu’à celui d’une superstar.
Enfin, on retiendra les deux dernières prestations de l’après-midi. L’inimitable Giedré et sa vulgarité cachée sous un sourire d’ange, et le hip hop inattendu de Starflam qui a repris au pied levé le concert annulé de Tiken Jam Fakoly.
Les premières Solidarités de Maze ont été un vrai moment de plaisir, de partage et de découvert. Nous avons autant appris à ouvrir notre esprit aux musiques du monde entier qu’aux sujets de société défendus lors des deux jours de festival. Nous reviendrons avec plaisir fêter le cinquième anniversaire de ce jeune festival aux idées neuves et engagées.