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Rencontre avec le Perfect Hand Crew – “La musique te donne une énergie, et quand tu prends le mic faut envoyer”

C’est dans la chaleur de cette fin de vacances estivales, au Cabaret Vert, que nous avons rencontrés Tasty Took et Billy, les deux MCs qui avec leur DJ producteur, Mago, forment le Perfect Hand Crew (PHC). Tous mordus de Hip-Hop, c’est grâce à ses valeurs de partage et d’ouverture que les trois montpelliérains importent en France la grime, style musical strictement anglais à l’origine. Leurs flows incisifs se posent sur des productions énervées, mélange de rap, UK garage, de trap et de rap. Ils apparaissent donc comme étant plutôt à part dans le paysage du rap hexagonal et apportent une nouvelle énergie. De l’énergie ils en ont à balancer, démente et surtout résolument hip-hop.

Vous deux, MCs (Tasty Took, Billy) en plus de votre DJ Mago, formés le Perfect Hand Crew. Racontez nous comment tout cela a commencé ?

Tasty Took : Moi c’est Tasty, un des deux MC du PHC, accompagné de Billy, l’autre MC. La configuration c’est donc deux MCs et un DJ producteur, Mago, notre DJ, mais qui produit aussi, fait des instru et des beats. On fait de la musique depuis quelques années maintenant. On a commencé le projet PHC comme un hobby en 2007 entre potes. Et puis la musique c’est venu naturellement. Mago lui, il a toujours fait du solfège et fait des productions de son côté, et nous on faisait du yaourt. Y avait des parties chantées où Billy était plus à l’aise que moi. Et puis ça s’est fait tout naturellement sur des prod qu’étaient initialement électro, hip-hop avec des influences un peu caribéennes. On appelait ça du « Hip-Hop électropical ». Ensuite on a vite commencé à faire des soirées grâce à un réseau d’ami, on était sur des évènements sur Perpignan et Montpellier alors qu’on avait jamais rien sorti. Petit à petit ça a fait son bout de chemin. Notre réel point de départ ça été en 2012. Moi je revenais d’Angleterre, où j’ai vécu un peu là-bas, à Manchester. Là-bas Mago avait également mis en place son label Los Santos, en plus de faire quelques activités musicales perso. Donc en 2012 on est reparti, avec les Level, 1, 2, 3, avec les concours des années suivantes comme les Eurocklab – qu’on a gagné –, puis le Printemps de Bourges l’année d’après (DATE). On a fait pas mal de choses entre 2012 et 2016.

Billy : Au tout début, on a commencé sur une scène un peu underground. On faisait tout nous-mêmes, on avait pas accès à la professionnalisation du projet. On a construit nos armes sur cette base. Et à partir de 2012, on s’est vraiment pris au jeu des tremplins et du réseau pro. On a commencé à entrer dans ce réseau, ce qui nous a permis de faire pas mal de dates, en plus du fait d’être encadrés aujourd’hui par Paloma, une SMAC [Scène de Musiques Actuelles] de Nîmes. Elle nous accompagne au quotidien, que ça soit dans la stratégie, dans la mise en place de matos, etc. Ça nous aide beaucoup dans la création et dans le développement de notre projet.

Tasty Took, t’es donc parti quelques temps en Angleterre. Votre musique semble justement influencée par le UK garage ou encore par la grime venue de là-bas, un style notamment répandu par le rappeur (origine) Skepta. Il fait clairement partie de vos influences. Dites-en plus sur ce qui vous inspire dans votre travail.

Tasty Took : Comme on le disait tout à l’heure, à l’origine on faisait plutôt de la musique pêle-mêle, avec du hip-hop, électro. On fait aussi du dubstep en 2008-2009. Après Britney Spears et les autres en ont fait la musique qu’elle est aujourd’hui… On s’est ensuite orienté de plus en plus vers la musique anglaise, à savoir la grime et tout ce qui gravite autour : le UK garage, UK funky, la bassline, le dubstep… De la musique typiquement anglaise. C’est venu après que Mago et moi on est partis un été à Londres. C’était pas du tout un voyage dans un but musical dans un premier temps, mais là-bas on est resté perché sur cette musique. Nous on est des amoureux de hip-hop US à la base mais on s’est dit qu’Outre-manche y avait des choses vraiment folles qui se passaient. Tout le monde connait la pop et le rock anglais, mais la grime pas encore très bien. D’ailleurs la grime c’est pas du hip-hop. Ses racines c’est la jungle, le break beat, la Drum and Bass. Pas du tout le hip-hop. Ils ont du hip-hop anglais comme il y a du rap français, du rap anglais, toujours très influencé par ce qui se fait aux Etats-Unis. La grime c’est purement anglais. C’est pour ça que des artistes comme Skepta, qu’on écoute depuis longtemps, on est content de voir ce qu’il fait aux Etat-Unis, au Japon, en Europe. Il y a quelques années la grime ça sortait pas d’Angleterre. Même pas avec des artistes comme Dizzee Rascal, Wiley, qui sont les pères de la grime.  Et puis concernant nos influences MC, en plus de Skepta, il y a Boy Better Know, Frisco, JMI, Roll Deep, Wiley, Scratchy, D Double E. Et il y a aussi les DJ, parce que dans la grime tous les producteurs sont aussi des DJ qui jouent leurs propres morceaux. Finalement on écoute autant producteurs, émissions de radio sur insefM ou la BBC, que de MC.

Billy : Et puis à la base ce style-là vient des radio-pirates. Ça passait pas en radio FM classique. Dans ces radio-pirates, les DJ jouaient des vinyls, remixaient des morceaux. Les MC, eux, venaient pour hoster, ambiancer le set. Petit à petit ils ont commencé à écrire des lyrics. Du hosting c’est passé au rap en fait. En plus de cette influence, y a celle des Etats-Unis aussi, celle de de notre jeunesse. Moi personnellement, c’est la West coast, avec ce qui a découlé du funk vers le hip-hop, ce courant G-Funk avec Snoop Dog, Nate Dogg. Mago je pense c’est un peu près pareil pour lui, en plus de George Clinton, etc. C’est ça aussi qu’on retrouve dans notre musique, ce côté funky, joyeux, dansant, qui lui aussi nous a inspiré.

En plus de l’identité underground, qui a l’air de vous plaire…

Tasty Took : Carrément ! La grime par exemple, plus aujourd’hui mais il y a quelques années, dans les soirées underground de l’époque, entre 2003 et 2005, c’était pas communautariste mais par exemple y avait pas de meuf, c’était de la musique de « coons » comme ils disent là-bas. Des mecs style « caillouze », c’était vénère comme son. Mais dans cette musique y a aussi cette énergie, cette osmose qui fait que chaque session est différente. Nous on est vraiment resté perché là-dessus. Moi qui suis un fan de flow, je me suis dit des gars comme Busta Rhymes c’est pas les meilleurs rappeurs du monde en fait. Outre-manche y a des mecs qui sont beaucoup trop chauds. Et puis d’ailleurs, dans les années 2010, nous on se reconnaissait un peu moins dans le hip-hop qui venait des States. C’était bling bling ou gangsta, mais nous on est pas des gangsters, on est des gars normaux qu’aimons la musique. On a de la créativité, quelque chose de novateur dans le flows et l’énergie.

Justement, le Perfect Hand Crew cultive une certaine différence par rapport au reste du rap français, principalement par le fait que vous chantez en anglais. On reproche d’ailleurs souvent aux artistes français de chanter en anglais par facilité, vous concernant comment se passe l’écriture de vos lyrics ?

Tasty Took : Un facilité, en quoi ? Nous on fait de la grime, la grime c’est en anglais. La possa nova c’est en portugais, la messe c’est en latin (rires). L’anglais ouais c’est rond, c’est une langue plus musicale que le français. Si on avait dû faire du Brassens ou du Brel, on l’aurait fait en français. Que ce soit facile ou pas de rapper en anglais, nous on a toujours fait cet exercice en anglais, c’est naturel pour nous.

Donc vous écrivez directement en anglais ?

Tasty Took : Direct. On pense en anglais, on écrit en anglais. Si t’essaie de traduire ce que tu penses en français, tu perds tout, l’impact surtout. Après chacun sa technique !

©PerfectHandCrew

De gauche à droite : Billy, Tasty Took et Mago, lors du tournage du clip “Winter is coming” en Bulgarie

Dans l’un de vos derniers clips, “Winter is coming“, vous êtes lookés URSS. Pourquoi ? Est-ce un autre style que vous cultivez pour vous démarquer ?

Billy : On cultive pas ce look URSS. Ça été l’idée d’un clip qu’on a voulu faire. Pour ça on est parti en Bulgarie. L’ambiance URSS collait au morceau et à ce qu’on voulait retranscrire. Mais on s’habille pas comme ça tout le temps. C’était une époque. On a fait d’autres clips où on est habillé différemment. Donc non y a pas de culture russe ou communiste.

Tasty Took : Comme dis Billy c’était vraiment l’histoire d’un clip, « Winter is coming ». On est allé en Bulgarie [au monument de Buzludzha, ndlr], on aurait pas pu être habillé comme dans la vie de tous les jours. La musique c’est aussi ça, se raconter des histoires, se mettre dans la peau de personnages. Là ça collait complètement avec l’esthétique du clip, avec le morceau et son atmosphère.

Ça montre peut-être aussi à quel point vous êtes ouverts sur pleins de cultures différentes…

Tasty Took : Carrément. C’est une mentalité hip-hop, l’ouverture !

Comme vous le disiez plus tôt, le PHC a directement commencé à se produire sur scène, plutôt que de s’enfermer d’abord dans un studio. C’est une façon assez atypique de procéder dans le rap. Quel est votre relation avec la scène et cette manière de création assez direct ?

Tasty Took : C’est naturel en fait. La musique elle te met dans un état second, te donne une énergie, et quand tu prends le mic faut envoyer. On demande pas à notre public de s’asseoir et d’allumer les briquets. Quand y a des drops il faut envoyer. C’est notre esprit. La musique elle part, on est parti !

Billy : On arrive aussi à garder cette énergie même quand on est sur des scènes où ça joue plus tôt, quand les gens sont pas forcément prêts pour ce genre de son. Malgré 8h du soir, à balancer des trucs énervés, je pense qu’on arrive petit à petit à les amener dans notre univers. C’est aussi ça être sur scène, réagir en fonction du public. Nous on fait notre show, on le connaît, mais faut aussi s’adapter aux réactions. L’enjeu de la scène il est vraiment là. C’est vraiment de pouvoir partager. Pour nous c’est là que ça se joue ! En studio tu peux pas reproduire la même chose. Tu vas passer 4h à bosser ton couplet, alors que la scène c’est juste un moment. Moi personnellement je prends beaucoup plus de plaisir sur scène, c’est là qu’y a un partage avec les gens et ça c’est cool.

Quels sont vos projets à l’avenir ? Continuer à enchaîner les festivals et les perf’ ?

Tasty Took : Carrément ! Faut toujours enchaîner les dates. Et puis on a aussi pas mal de cartouches. Bientôt, on va partir tourner un gros clip en Ecosse. C’est une info exclue ! Ça va être très lourd. Avant la fin de l’année on sortira tout, de la matière, des morceaux, de la vidéo. Ça fait longtemps qu’on a pas sorti de son mais c’est pas les cartouches qui manquent. On aime juste pas se figer avec une date. La musique c’est pas ça. Si c’est prêt, ça sort. Pour l’instant c’est vrai ça sort pas mais parce que c’est l’été aussi, c’est pas le bon choix. En attendant on fait du son, on kick. Avant fin 2016, là ça va être très très lourd.

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