CINÉMA

Mean dreams : la fuite comme seul espoir

Le long-métrage du Canadien Nathan Morlando, en compétition au 42ème Festival de Deauville, explore un pan sombre de l’Amérique profonde. Dans un monde cruel d’adultes désillusionnés ou pourris jusqu’à la moelle, la jeunesse n’a qu’un rêve : s’échapper.

Jonas vit dans la ferme de ses parents, dans un coin perdu et pluvieux où rares sont les perspectives d’un avenir excitant. Casey vient d’emménager avec son père Wayne, dans la maison voisine. Casey et Jonas pourraient vivre une amourette adolescente semblable à des milliers d’autres. Malheureusement pour eux, le père de Casey est un agent de police pourri baignant dans le trafic de drogue, porté sur la boisson et sur les violences en tous genres – du meurtre à main armée aux coups répétés qu’il porte sur sa famille et qui ont fini par tuer sa femme. Lorsque Jonas vole un sac plein d’argent issu du trafic, la fuite devient la seule et unique solution pour sauver sa bien-aimée des griffes de son père et s’arracher à ce bout de terre où les attendait une vie toute tracée et peu d’espoir.

Le film s’emballe au rythme effréné de la course poursuite entre les deux jeunes personnages et leurs intraitables poursuivants. Les moments de complicité et de doutes, caractéristiques de l’amour naissant qui unit Casey et Jonas, alternent avec des passages de thriller musclé. Casey et Jonas sont des Roméo et Juliette qui mettent tout en œuvre avec la force du désespoir, pour échapper à un destin funeste. Les armes sont toujours aux poings et la mort ne rôde jamais loin de ces protagonistes entraînés par une histoire aux airs de tragédie classique, transposée dans l’Amérique profonde. La conclusion percutante du film arrive en confirmation de ces inspirations tragiques, tout en offrant une fin nuancée qui met en relief la complexité de la psychologie des personnages.

Les deux jeunes acteurs crèvent l’écran et ne trichent pas avec leurs personnages, qu’ils campent avec une honnêteté désarmante. Mention spéciale à Sophie Nélisse (également à l’affiche de History of Love, film présenté en avant-première au festival), à qui on prédit un avenir prometteur. On pourra peut-être regretter que le personnage de Wayne, incarné par Bill Paxton avec une froideur terrible, soit un peu trop manichéen. Cependant, le fait qu’il s’apparente presque à un vrai méchant issu d’un conte, sans concessions ni rédemption possible, sert finalement l’histoire d’amour et de violence que nous livre Nathan Morlando. Mean Dreams se présente comme une implacable fuite vers l’avant , sublimée notamment par la BO incisive du talentueux Son Lux, passé maître dans l’art de la musique de film, ce qui ne gâche rien.

Etudiante en cinéma à la Sorbonne Nouvelle, passionnée d'art et de culture, et aimant en parler.

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