MUSIQUE

Adrien Soleiman – « Quand j’écris, je retrouve le plaisir d’une certaine naïveté musicale »

Vous l’avez peut-être découvert dans les pages de notre numéro 49 il y a quelques mois : Adrien Soleiman dévoile le 23 septembre son premier album, Brille, sur le label Tôt Ou Tard. Un opus personnel et mélodieux, dont il a accepté de nous dévoiler les secrets de préparation.

Tôt Ou Tard

© Tôt Ou Tard

Adrien, nous avions déjà échangé une première fois en mars dernier, interview durant laquelle tu nous annonçais ta signature sur le label Tôt Ou Tard, et la sortie de ton premier album. Alors qu’est-ce qui a changé en six mois ?

Dans le concret, j’ai trouvé un partenaire qui m’a accompagné dans la construction de mon disque, et dans tout ce qu’il y a autour, les clips les photos, etc. Là-dessus, la différence est énorme, quand on vient comme moi de l’auto-production. On est libres ici, on a pas de contraintes d’image, Tôt Ou Tard respecte l’artiste en tant que tel, et on avance ensemble.

Et puis il y a évidemment des changements psychologiques, le fait de te sentir considéré, reconnu quelque part, qu’on t’aide à développer ta musique, à prendre confiance. Et puis on se dit “voilà maintenant c’est du sérieux, j’ai les outils pour développer ma musique”, il y a une pression en plus, qui ne me dérange pas, qui ne me fait pas peur.

Tu parlais de liberté, c’était une condition pour signer sur un label ?

Une condition… Oui, sans l’imposer parce que c’est pas comme ça qu’on entame les rendez-vous avec les maisons de disques (rires). Mais vu mon parcours, je n’aurais pas pu signer avec un label qui m’aurait dit comment faire ma musique, d’ailleurs personne n’a tenté. L’approche de Tôt Ou Tard, cet esprit de famille, m’a tout de suite plu, parce que c’est comme ça que je travaille. La liberté m’a été offerte directement, sans que j’ai besoin de la demander, et ça n’aurait peut-être pas été le cas ailleurs. C’est important qu’il reste des producteurs et des artistes pour faire de la musique sincère.

Tu évoquais ton parcours, tu n’es pas un novice dans le milieu musical, tu as fait partie d’un groupe de jazz qui a pas mal tourné, tu as une grosse formation musicale. Cette fois-ci tu es auteur-compositeur-interprète, c’est un album assez personnel finalement ?

Cet album, c’est le mélange de chansons de différentes périodes. Ça c’est fait de façon très instinctive, d’écrire et composer, sans que je ne me dise au début que j’allais en faire un projet musical, c’était vraiment écrire pour moi. Ça peut parler de moi, ou d’autres, mais l’album n’a pas été pensé pour avoir un message particulier. Chacun peut s’identifier, j’essaie d’écrire des chansons qui parlent à tout le monde. Je chante des chansons, parce qu’on m’a encouragé à le faire. Elles parlent de sujets assez classiques, la vie, la mort, l’enfance, les souvenirs… J’essaye de me concentrer sur le chant, et l’écriture, moi qui suis saxophoniste de base, c’est nouveau pour moi. C’est une nouvelle performance, où je ne suis pas forcément à 100 % de mes moyens, où il n’y a pas de calculs. Quand j’écris, je retrouve le plaisir de la naïveté, alors que les musiciens sont dans l’analyse permanente, ils écoutent, ils font attention à tout. Et je ne veux pas retomber dans ces calculs, j’espère pouvoir continuer à travailler à l’instinct, dans cette naïveté.

Les quatre chansons présentes sur le premier EP Rue des Étoiles sont présentes sur l’album, et ont été pas mal réarrangés. Comment s’est fait ce travail ?

Sur l’album, j’ai fait venir un batteur, Arnaud Biscay, j’avais dit à Tôt Ou Tard que par rapport à l’EP je voulais tout de suite intégré une batterie, pour revenir à quelque chose de plus organique, plus vivant, un côté live. C’était une envie liée aussi à mon passif de jazz aussi. Sur l’EP, c’était fait avec des machines, que l’on avait sur le moment. Du coup on a pu intégré tout ça pour les concerts, maintenant on est cinq sur scène, avec Arnaud, qui apporte une dynamique, que tu ne peux pas avoir avec des machines.

Ça devenait donc évident de réenregistrer les titres déjà existants. À la base, on enregistre des choses, puis on les digère. On se dit “ah j’aurais peut-être dû faire ça plutôt comme ça”, faut le faire le deuil assez vite, et je n’ai pas trop de problèmes avec ça, je tergiverse pas, je ne passe pas des mois en studio sur une chanson. Et c’est vrai que ces quatre titres ne sonnent plus pareil, et les gens qui m’entourent ont eu du mal à s’habituer à ce nouveau son au départ.

C’est d’ailleurs tout l’intérêt de cet album, le fait d’accomoder des rythmes classiques, un peu jazz, avec des touches électroniques beaucoup plus modernes. C’était évident cette association ?

Les rythmes en soi ne sont pas forcément jazz, mais c’est plus une philosophie, comment on joue de la musique ? Arnaud est un batteur de jazz, que je connais depuis plus de dix ans, on a beaucoup joué ensemble. Du fait de nos formations de jazzmen, très solides, très techniques, très élitistes, et de fait ce n’est pas difficile pour nous, sans aucune prétention, de s’adapter à d’autres styles de musique. Pour l’enregistrement, c’était important pour moi de savoir que les musiciens allaient être à l’aise sur les morceaux, et allaient donc proposer des choses autour. Ce qu’on entend et qui peut ressembler au jazz dans l’album, c’est la finesse, l’esprit qui a été le nôtre pendant les enregistrements.

Ce qui frappe, c’est la qualité sonore de l’album, très propre. De qui t’es-tu entouré ?

On avait parlé avec le label de plusieurs réalisateurs pour l’album. Et personnellement je suis fan de Metronomy, et plus particulièrement de l’album Love Letters. Je me suis renseigné, et j’ai vu que le réalisateur de cet album était un jeune garçon, qui s’appelle Ash Workman, un Anglais. J’en ai parlé au label, on l’a contacté et il a dit oui tout de suite. Je savais que Love Letters avait été enregistré à l’ancienne, sur bandes, seule la musique comptait, il n’y avait pas de fioritures. Je ne voulais pas travailler avec un Français, parce que j’avais peur que ma musique résonne trop chez un Français, qu’il tire ça vers quelque chose d’un peu trop variété. Je voulais garder ce côté alternatif, on s’est très bien compris et entendu avec Ash. On a cherché un son où tout était justifié, où il n’y avait de surenchère, pas de multiplication des couches d’instruments. Il est partant pour le deuxième disque (rires), on y est pas mais j’y pense déjà ! J’ai aimé sa façon non protocolaire de faire de la musique, il n’a jamais dit non à quoique ce soit, on a essayé tout ce qu’on voulait.

Dans notre première interview avec toi, on avait mis en exergue cette phrase : “Le live est une liberté que j’aimerais développer”. Tu as fait quelques concerts depuis, notamment Rock en Seine. Alors tu en es où de cette liberté du live ?

Eh bien on est au début ! Rock en Seine c’était le premier concert de cette formule à cinq sur scène avec Arnaud, et ça se passe très bien, le set prend une ampleur gigantesque ! On est plus sous le joug des machines, on peut profiter de nos skills de musiciens pour s’éclater, pour improviser. On a tous assisté à des live trop collés au disque, où les mecs jouent même les morceaux dans l’ordre du disque. Là on va pouvoir fêter les morceaux, jouer avec les tempos, avec les nuances, c’est super excitant et j’ai hâte que la tournée commence.

Tu fais partie de ce qu’on commence à appeler “la nouvelle chanson française”. Est-ce que tu écoutes les groupes et artistes de cette nouvelle scène ?

Bien sûr, et je suis même pote avec certains ! Je suis relativement proches des gens de Bagarre, Grand Blanc, Olivier Marguerit (O), Ricky Hollywood, Halo Maud… J’écoute, je m’informe, je vois le renouveau. C’est une petite scène, on se croise tous, on se connait tous plus ou moins, on collabore, et c’est bien, on a besoin de serrer les coudes, c’est pas les Jeux Olympiques entre nous (rires).

Brille d’Adrien Soleiman, Tôt Ou Tard, sortie le 23 septembre.

Adrien Soleiman sur scène :

  • Le 7 novembre au Nouveau Casino à Paris
  • Le 10 novembre à Saint-Lô pour les Rendez-Vous Soniques
  • En première partie de Philippe Katerine le 22 novembre à Blagnac, le 1er décembre à Boisseuil, le 9 à Villejuif et le le 10 à l’Opéra de Rennes
  • En première partie de Lescop le 2 décembre à Strasbourg

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