MUSIQUE

Rencontre avec Yalta Club : “On a appris la musique grâce à la scène”

Trois ans après leur premier album éponyme, le groupe Yalta Club composé de six nantais, est de retour avec son nouvel EP Midas dans lequel il revisite le mythe grec. Le chanteur du groupe nantais, Julien, nous a parlé du travail et des choix, pour la réalisation de cet EP. Un premier pas vers le deuxième album qui devrait sortir début 2017. 

Pourquoi avoir choisi de revisiter le mythe de Midas ?

On a toujours été fasciné par cette histoire qui est une métaphore assez simple et juste du monde dans lequel on vit. Midas, c’est quelqu’un qui est constamment dans une fuite en avant pour essayer d’avoir toujours plus de richesses et qui fonce dans le droit dans le mur. La métaphore avec le monde actuel est assez évidente. Mais derrière ce constat qui peut paraître assez péjoratif, le mythe a une touche optimiste. Midas décide finalement de se débarrasser de ce pouvoir. Il y a toujours une porte d’ouverture. On ne voulait pas être dans la tragédie, mais dans le constat.

Comme dans le mythe, en quoi le monde actuel s’effondre ?

On a l’impression qu’on est dans la fin d’un cycle, que le gros empire est en train de s’effondrer. Au regard de l’histoire, on voit que ça a souvent été le cas, comme pour les civilisations, celle des Incas par exemple. Sauf que là, ce n’est plus pareil. La civilisation dont on parle, c’est le monde entier. Avec la globalisation, on a une situation inédite de chute globale. C’est une nouvelle fois un constat assez pessimiste. Sauf qu’on voit bien au quotidien, il y a plein de petites initiatives locales qui permettent de se retrouver. Ensuite, il faut que ça prenne de l’ampleur.

Sur les morceaux de l’EP, on retrouve beaucoup de thèmes d’actualité. Notamment sur Exile qui aborde la question des migrants.

Quand on entend les discours actuels, on a l’impression que le mot migrant est un portrait-robot. On a l’impression que ce sont tous les mêmes. Avec le groupe, on s’est dit qu’on allait raconter l’histoire d’une personne, d’un migrant. C’est un moyen de réindividualiser une personne. On veut s’éloigner du stéréotype d’un ensemble de migrants venant d’un pays imaginaire qui feraient tous la même chose. Les migrants, ce sont avant tout des personnes individuelles, avec des gens biens et des sales cons, comme partout. C’est une manière de dire : « On vous voit en tant que personne, pas en tant qu’ensemble désindividualisant. »

Love que vous avez écrit après les attentats de Charlie est aussi au coeur de l’actualité. Pourquoi le choix de la position naïve ?

Ce morceau  est venu assez spontanément. Ce n’était pas morceau écrit dans la réflexion. On avait besoin de nous débarrasser de notre colère et de la tristesse qui étaient nos premières réactions après les attentats contre Charlie Hebdo en janvier 2015. Ecrire une chanson plus légère était une façon de ne pas tomber dans la haine et la vengeance mais plutôt de se dire qu’on pouvait sortir quelque chose de positif de tout ça. Quand les attentats on à nouveau frappé la France le 13 novembre. Ca a été de nouveau dur pour tout le monde. On l’a sortie juste après ces attentats, c’était nécessaire. Il fallait qu’on partage avec les gens.

Love en réaction aux attentats, Exile sur les migrants, The Door sur la violence sexuelle, trois morceaux assez forts. Est-ce que vous vous considérez comme un groupe engagé ?

Nos engagements respectifs, on les a construits chacun de notre côté. En groupe, on reste assez prudents avec le terme « engagé ». On a pu voir que l’engagement en tant que groupe est à double tranchant. C’est assez délicat et ça peut faire parfois plus de mal que de bien aux causes défendues. Après individuellement, on a des valeurs en commun et certains de nos membres sont engagés dans des associations. Nicolas est très engagé avec son festival Smmmile (premier vegan pop festival ndlr) et Corinne est dans l’association SOS Méditerranée. Mais pour porter une parole politique forte en tant que groupe, il faut être capable de l’assumer dans tous ses actes. Si ce n’est pas le cas, ça fait plus de mal que de bien. On ne veut pas jouer aux moralisateurs.

Vous avez travaillé avec Florent Livet et Pavle Kovacevic, qui ont travaillé respectivement avec Phoenix et Sébastien Tellier. Que vous ont-ils apporté dans la création de l’album ?

C’est notre ancien label Atmosphérique qui nous avait mis en relation. La rencontre avec Florent fut un petit coup de foudre réciproque musicalement et humainement. Il a tout de suite adoré les maquettes. Il a un vrai côté de réalisateur à l’anglo-saxonne et grâce à ça il a donné une vraie impulsion à l’enregistrement. Ca a été un apport artistique important, il nous a bousculé et nous a poussé à aller chercher ce qu’il y avait de meilleur pour que l’album nous ressemble vraiment. Il n’a jamais hésité à nous dire « Ca pourrait être n’importe qui ! » en écoutant nos maquettes. On avait 50 maquettes, on a gardé 12 morceaux. Quand on est six dans un groupe, ce n’est pas facile de prendre le temps pour réfléchir. Il a été un peu comme le papa du groupe qui aide à donner le tempo.

Pavle Kovacevic est un arrangeur qui a une connaissance encyclopédique des sons de synthé. Sur nos maquettes, on avait justement une touche un peu plus électro. On a voulu creuser le monde du synthé. Il a insufflé sa science des claviers pour pousser tous les arrangements. Quand on compose sur l’ordinateur, ce n’est pas évident, c’est plus dur d’aller créer sa propre patte. Le risque est d’avoir le même son que tout le monde. C’est pour ça que grâce à ces deux personnes qui nous ont bien entourés, on a réussi à préserver notre empreinte.

Il y a énormément d’influences musicales étrangères dans vos morceaux. Pourquoi ce choix ?

On est six dans le groupe donc forcément, on écoute tous des musiques différents. On est des gros boulimiques de musique. Quand on se retrouve au studio le matin, il y en a souvent un qui sort « j’ai écouté tel son ou telle percussion indienne ». Toute notre écoute nourrit les multiples influences qu’on a sur nos morceaux. Ca colle d’ailleurs très bien avec la globalisation qu’on constate. Aujourd’hui, il n’y a plus de barrières musicales. Récemment, j’ai lu une interview d’un DJ d’Afrique du Sud qui s’est inspiré d’un DJ français. Il y a une vraie communication entre tous les musiciens. Certes, il y a un risque que l’identité musicale soit lissée. Il faut juste savoir placer le curseur.

On se souvient des prestations scéniques énergiques et spontanées, suite à votre premier album. A quoi ressemblent-elles aujourd’hui ?

Au moment de notre premier album, le live c’était notre force. On a appris la musique grâce à la scène. Le premier album était la retranscription à l’identique de ce qu’on faisait en live. Pour le deuxième album, on est allé chercher plus loin. On a exploité toutes les possibilités que nous offrait le studio. Du coup, on a plus de contraintes pour l’adapter en live. Mais finalement, après nos derniers concerts, on était hyper contents. On trouve nos marques. Notre musique est plus imposante que sur l’album mais on arrive à garder notre énergie.

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