Le sexe, thème sulfureux, tenait déjà sa place dans les écrits sacrés de l’antiquité, et plus particulièrement dans la Bible. Les Don Juan de ce temps, joyeux anachronisme, étaient alors souvent incarnés par les figures féminines.
L’amour charnel est un sujet ambivalent dans le livre de référence des chrétiens. Il peut être motivé par deux élans contraires, le bien ou le mal. Moyen d’expression de la passion des créatures, le sexe voit la première femme d’Adam, Lilith, devenir l’incarnation de la femme rebelle, l’insoumise qui tente de chevaucher l’homme, prenant ainsi le contrôle de l’acte charnel. Comportement réprimandé par le tout-puissant, elle se voit frappée dès lors d’une malédiction lui interdisant d’enfanter et ainsi, de fonder un couple avec Adam. Lilith devient dans l’imaginaire biblique hébraïque, la femme fatale, à l’instinct sexuel débridé, l’une des affidés du diable qui n’hésite pas à se venger en tentant les maris à commettre l’adultère mais aussi, en tuant les nouveaux-nés, ces promesses de vie qui lui sont à jamais refusées. Ce premier visage de femme se révèle ainsi entièrement tourné vers l’impulsivité, la bestialité aussi bien charnelle que mentale et figure au rang des monstres diaboliques. Ne dit-on pas d’elle qu’elle prend l’apparence du serpent tentateur qui poussera la pieuse Eve à commettre le péché originel ?
Après le désastre de la création de l’égal d’Adam, Lilith, il est écrit que le tout puissant créa une seconde femme, aux instincts bien plus sages, Eve. Née d’une des côtes d’Adam, et donc déjà soumise entièrement à lui, Eve représente le sexe-mariage par excellence. Loin d’être aussi enivrant que le sexe-bestial promit par la première femme, celui-ci est entièrement motivé par Dieu et a pour but la procréation et non plus le simple plaisir. A noter que le premier rapport du couple fondateur de la lignée humaine n’intervient qu’une fois chassés du Jardin d’Éden, après que la nudité soit devenu un sujet de honte. Cachant les sexes, ces derniers deviennent alors l’un des points central de la vie, aussi bien loué que redouté mais en tous temps, dissimulé aux regard et n’intervenant que lors de l’accouplement des créatures.
Mais sur les hanches d’une femme à la beauté sans pareille, le voile a glissé, sensuellement, laissant place au sexe-désir. En effet, dans le Nouveau Testament, un des épisodes met en scène la danse d’une jeune princesse, Salomé, portant symboliquement sept voiles et tentant par la démonstration de la grâce de son corps s’offrant et se refusant au regard, de charmer le roi Hérode. L’enjeu ici pour la femme n’est pas de répondre à une quelconque passion mais bien d’accéder à une place favorable pouvant l’assurer de combler ses désirs. S’offrant ainsi au regard du monarque régicide, la belle mime l’abandon charnel au travers de sa danse et fait passer le corps dans la dimension de la représentation, devenant ainsi l’objet-désir de l’homme. Habituée à plaire aux hommes, Salomé est l’incarnation de la tentatrice sage qui devient néanmoins dangereuse dès lors que le prophète Jean-Baptiste arrive à la cour d’Hérode. Seulement habité par dieu, cet homme ne lui voue aucun culte, ce qui pousse la belle à charmer le monarque pour recevoir en cadeau de mariage, la promesse de la décapitation de l’indélicat Jean-Baptiste que l’on retrouve désormais comme un lieu commun de la peinture.
Enfin, dernier aspect de la sexualité dans la Bible ici mis en relief, le sexe-passion. Celui-ci s’exprime le mieux dans un récit apocryphe des livres poétiques de l’Ancien Testament, soit le Cantique des cantiques. L’épisode en question met en exergue les voix de deux amants, la bien-aimée et le roi Salomon, soupirant d’amour dans des portraits croisés au travers desquels ils présentent l’objet de leur amour. Tissu de métaphores simples prenant appui sur des éléments naturels pour chanter la gloire de l’aimé, ces louanges enflammées offrent la part belle au désir charnel librement exprimé, fait inhabituel dans la Bible, avec notamment la supplication amoureuse de la bien-aimée qui, ouvrant l’épisode, implore : « Qu’il me baise des baisers de sa bouche ! ». Cet écrit de la Bible ne fut pas compté de suite comme faisant partie du texte sacré de part son caractère libéré, voir profane et ne dut sa place parmi les écrits fondateurs, qu’à l’interprétation allégorique de Rabbi Akiva qui y vit l’expression de l’amour du peuple, représenté par la bien-aimée, pour Dieu, alors figuré par le roi Salomon. Seuil de la transcendance, le sexe apparaît en ce dernier cas comme l’un des moyens d’accéder au degré le plus élevé de l’amour, dans l’extase du corps et de l’esprit.