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Dom Juan mis à nu : l’adaptation du classique littéraire français pour la télévision

Vincent Macaigne, comédien et metteur en scène, signe la dernière adaptation en date de la célèbre et intemporelle pièce de notre cher ami Molière, Dom Juan (ou Le Festin de pierre). Répondant à une commande de la chaîne de télévision Arte pour sa collection « Théâtre », en partenariat avec la Comédie Française, Macaigne réalise le téléfilm Dom Juan et Sganarelle, diffusé sur la chaîne franco-allemande. Ce long-métrage est tourné avec les comédiens de la Comédie-Française. Au casting, Loïc Corbery joue le rôle de Dom Juan et Serge Bagdassarian celui de Sganarelle. Mais sont présents également Suliane Brahim en Elvire, Clément Hervieu-Léger en Dom Carlos ou Julie Sicard en Charlotte.

Dom Juan, c’est ce personnage libertin et blasphémateur, en marge de la société française du XVIIè siècle, qui jouit de la vie, n’ayant que faire des règles et de la morale, qui séduit toute personne croisée au détour d’un chemin et déshonore les femmes tombées les unes après les autres sous son charme ravageur. Mais c’est aussi une figure mythique qui n’a de cesse, depuis le XIVè siècle, d’inspirer l’art et les artistes. À travers ce projet, Vincent Macaigne propose sa propre lecture de la pièce.

© Olivier Guerbois

© Olivier Guerbois

Au diable la morale

« Trash », « sulfureux », « brûlant », « scandaleux », « sombre », autant d’adjectifs que l’on a pu apercevoir dans la presse pour qualifier le Dom Juan de Macaigne. Si cette adaptation fait tant parler d’elle, c’est parce que l’intimité et la sexualité sont omniprésentes. Pas si étonnant quand on connaît un peu le travail du metteur en scène. Le film est d’ailleurs diffusé en deuxième partie de soirée sur la chaîne Arte, âmes sensibles s’abstenir ! En effet, dès le début du téléfilm, les cris d’une femme en train de faire l’amour se mêlent à l’opéra Don Giovanni de Mozart. La première scène se déroule dans une chambre où plusieurs personnes regardent cette même femme et un homme pendant l’acte sexuel. Sexe, drogue et alcool : Vincent Macaigne présente in medias res le menu de son film. Ainsi, on peut retrouver dans cette adaptation un Dom Juan partouzard et drogué, un Sganarelle dont l’intérêt se tourne davantage vers la gente masculine ou encore des transsexuels dans un bois à prostitution. Des scènes « trash » peut-être, mais pas « scandaleuses », sauf si l’on considère que certaines pratiques sexuelles sont anormales ou amorales, et donc « inmontrables ». Mais ce serait penser comme au temps de Molière. Et si le Dom Juan du XXIè siècle était celui de Macaigne ?

De chair et de charme

Du sexe « trash » certes, mais pas que… Dans ce téléfilm, les acteurs de la Comédie-Française donnent du corps à l’ouvrage ! En effet, ils doivent jouer des scènes compliquées et sont souvent nus. Mais Macaigne sait sublimer les corps et certaines scènes sont éblouissantes par leur érotisme et leur poésie. C’est le cas de la scène où Dom Juan rend visite à Mathurine (jouée par Claire de La Rüe du Can) la nuit et, ne pouvant la toucher, la caresse à travers sa fenêtre. La caméra suit le parcours de sa main sur le corps dénudé de la jeune paysanne et l’intimité est telle qu’on en oublie un temps ce qui sépare les corps. Alors oui, certaines scènes sont osées dirons-nous, mais il ne faut pas s’arrêter là ; le pari de Macaigne est réussi, nous prouvant qu’aucun classique n’est intouchable.

De même que Dom Juan – ou plusieurs autres pièces de Molière comme Le Tarfuffe – fut censuré, l’adaptation de Macaigne a suscité les critiques de la chaîne Arte qui a interdit certaines des scènes tournées, coupées au montage car jugées trop « provocatrices ». Il s’agit alors de nous poser la même question que Dom Juan depuis le XIVè siècle : à quel point sommes-nous libres ?

Je suis Finistérienne, étudiante en master de littérature comparée et animatrice radio à Rennes. J'écris pour la rubrique littérature de Maze Magazine et participe ponctuellement à Maze Radio - Rennes.

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