MUSIQUE

Rencontre avec Thylacine – “Tout mon temps était dédié à rencontrer des gens et faire de la musique”

William Rezé alias Thylacine est de ceux qui rêvent, voyagent, rencontrent. Il est de ceux qui composent la musique comme ils la vivent : intensément et sincèrement. En novembre, son premier album, Transsiberian invitait à un périple musical, entre Moscou et Vladivostok, entre sons de trains et chants authentiques. Quelques heures avant son passage sur la plus grande scène du festival Papillons de Nuit, le compositeur revient, tout en souvenirs, sur ces deux semaines qui ont fait naître Transsiberian.

Maze t’avait rencontré en janvier 2015. A l’époque, tu parlais encore vaguement de ce projet qu’est Transsiberian : un voyage qui te permet de créer un album. Aujourd’hui, l’album est sorti, tu es en tournée pour le soumettre à ton public. Raconte-nous comment cela s’est passé.

Cela s’est très bien passé. Ça a été compliqué à monter mais c’était vraiment fou. Je suis partie avec une équipe vidéo pour ramener une petite série documentaire, en plus de l’album. Le voyage a duré deux semaines, pendant lesquelles je me suis arrêté dans plusieurs villages, pour enregistrer des gens. Les rencontres ont été folles, c’est vraiment ce qui a porté le projet, les rencontres humaines. Elles étaient d’abord des rencontres humaines, et certaines sont devenues des rencontres musicales aussi. Je ne pensais pas autant enregistrer, partout. Ça a été un peu tout : des vieilles dames dans des petits villages, des choristes, un chaman, des enfants, des sons d’ambiance, de trains etc. C’était hyper riche, c’était très fort.

Comment a été reçu le projet là-bas ?

Ça s’est passé au mieux que ça pouvait se passer car nous avons eu un super accueil du projet sur place. Les gens étaient hyper contents de partager leur musique, et honnêtement, il n’y a rien de mieux que de composer en ayant vécu des trucs fous comme ça. J’étais pendant deux ou trois jours dans une ville ou dans un petit village et je repartais ensuite deux ou trois jours dans le train donc j’avais un peu de temps pour coucher tout ça sur un morceau et composer directement dessus. Quand tu es traversé comme ça par des émotions, que tu vis des choses fortes, il n’y a rien de mieux pour faire de la musique. C’était ce que je m’étais imaginé et ça a été génial de voir que je ne m’étais pas trompé.

Beaucoup de gens disent que ces voyages si intenses permettent aussi de se retrouver soi-même. C’est un constat que tu as fais ?

Tu te retrouves, à la fois ta personne mais aussi ce que c’est que de faire de la musique. C’est con mais là-bas tu rencontres des gens qui ont des cultures totalement différentes et tu réussis à échanger grâce à la musique. Plein de choses se passent en parlant de musique. C’était aussi partir, être dans un cadre où pendant une période tu te coupes du reste. Mon seul but c’était de créer, de faire de la musique. Je trouve ça assez vital, à un moment donné, de t’échapper de tout. Plus personne ne te dérange, tu te nourris un maximum. Tout mon temps était dédié à rencontrer des gens et à faire de la musique.

Ce n’est pas difficile de se contraindre à écrire de cette façon ?

C’était une grosse pression, c’était un défi. Mais j’aime les défis. En art, de manière générale, les contraintes sont productives. J’avais calculé mon truc, je n’avais pas composé pendant trois mois pour être hyper frais, pas fatigué. Je savais aussi qu’il y avait tous les ingrédients qui pour moi sont géniaux pour composer : les rencontres, les émotions, les paysages. À l’époque, je ne savais pas encore combien de titres j’allais faire. Mon but, ce n’était même pas un album. Je m’étais dit que déjà faire 5 ou 6 titres, c’était cool.

Donc tu partais plus sur un quatrième EP ?

Je ne savais pas et je n’avais pas envie de m’imposer trop de morceaux si ce n’était pas suffisamment bien. Je ne voulais pas sortir un album parce que je m’étais fixé un album. Ça dépend de ce qu’il se passe. Et il s’avère que j’ai été très productif dés le début, je suis revenu avec une douzaine de maquettes. Donc je ne me suis pas trop posé la question. Mais je ne m’étais pas fixé de point final.

Tu as jeté aussi, j’imagine ?

Oui, j’ai jeté un peu, donc finalement j’avais un peu de marge. J’ai jeté quelques bribes. Peut-être que je prendrais le temps de les reprendre. Après, il y a des trucs nuls hein (rires). Parfois, il y a seulement des petits débuts que, peut-être, je reprendrai. Mais c’est normal dans un processus comme celui-ci. J’ai vraiment l’habitude de faire un gros tri. J’ai aussi besoin de composer pour rien, ça te fait apprendre et découvrir des trucs, même si le résultat n’est pas assez intéressant pour être exploitable.

thylacine-transsiberianLa pochette est assez minimaliste. Il y a seulement le trajet du train. C’est une manière de mettre en exergue le voyage ?

C’est ça, ouais. En fait, je me suis fait tatouer le trajet et c’est après que je me suis rendu compte que ça ferait une bonne pochette. C’est un projet que tu ne peux pas raconter en mettant une photo ou quelque chose comme ça. C’est sur tout ce trajet que j’ai composé cet album, c’est sur tout ce trajet que j’ai fait toutes ces rencontres, c’est là que tout s’est construit. Au final, c’est ce qui résumait tout. J’aime bien être simple et efficace. Ça ne sert à rien d’en mettre des tonnes, sachant que je ne pourrais pas l’expliquer avec juste une pochette. Après j’ai pris le temps de développer l’intérieur du CD, avec pas mal de photos. Mais c’est vrai que de manière générale, j’aime bien l’esthétique assez minimaliste et efficace. C’est ce qui me ressemble.

Sur ta page Facebook, tu as partagé beaucoup de photos en argentique de ton voyage. Ce sont celles-ci que tu as mises dans l’album ?

Beaucoup, oui. Sur le vinyle, je me suis amusé à faire plusieurs formats avec des formats en grand, en détaché. Je reçois pas mal de photos de gens qui l’accrochent dans leur chambre, c’est cool. Il y a aussi des photos du documentaire, en couleurs. Mon album, c’est ma vision de ce projet, donc les photos, c’était aussi une vision plus visuelle de ce voyage et des rencontres que j’ai pu y faire.

La web série réalisée lors du voyage a été publiée sur internet. Est-ce qu’elle est destinée à autre chose, des festivals par exemple ?

On a essayé un peu de la faire tourner, j’ai essayé de trouver un diffuseur pour en faire un format un peu plus conséquent, un format documentaire vraiment, pas morcelé en série. Ce sont des choses en cours qui prennent pas mal de temps, après on verra. J’ai fait le festival Premier plan à Angers, déjà. Mais après, c’est pas vraiment mon job normalement. Je suis en partie producteur de la série mais je bosse aussi avec d’autres gens là-dessus.

Tu étais à la réalisation ?

Non, il y avait un réalisateur pour ça. J’étais un peu minutieux sur les montages, j’ai passé pas mal de temps pour que le résultat me ressemble et que ça ne soit pas quelque chose de différent. Mais je ne pouvais pas être partout, avec l’album à composer. Mais ça reste produit, en parti, par mon label.

On t’a vu à Art rock la semaine dernière, tu feras aussi Les 3 Éléphants à Laval ou encore Garorock à Marmande. Tu enchaînes les dates et les festivals…

Hier, on était à Nantes, demain, on est à Bruxelles, c’est cool. C’est bien, ça change parce qu’à Art rock, on était sur la scène B, on avait pas la scénographie. Alors que là, on est sur la Vulcain, on a tous nos kits, avec toute la scéno visuelle, ça n’a rien à voir. Le contraste est un peu fou.

Journaliste en terre bretonne, je vagabonde entre les pays pour cultiver ma passion de théâtre, de musique et de poivrons (surtout de poivrons). J'essaie tant bien que mal d'éduquer à l'égalité entre les sexes, il paraît qu'on appelle ça le féminisme. J'aime bien les séries télé dans mon canapé et passer des soirées dans les salles obscures. Bref, peut-être ici la seule personne normale.

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