CINÉMAFestival de Cannes

Le Nord mord un peu trop fort – Ma Loute de Bruno Dumont

Suite au succès de son P’tit Quinquin, Bruno Dumont fait son retour en grand avec Ma Loute qui a été présenté en compétition officielle en ce début de semaine.

En quelques mots, il s’agit d’un film d’époque (sans trop qu’on sache laquelle) dans lequel une enquête menée au sujet de « disparitions » nous donne à découvrir des personnages en tout genre. Pour ceux qui ont eu la chance de voir Le P’tit Quinquin, vous aurez sûrement remarqué qu’il y a une certaine impression de déjà-vu. En effet, avec Ma Loute, Bruno Dumont semble avoir essayé de refaire son dernier film en plus grand, peut-être d’oser certaines choses sur lesquelles il s’était freiné. Ma Loute partage bon nombre de points communs avec Le P’tit Quinquin, si l’on met de côté cette culture du Nord de la France qui dépasse très largement ces deux films dans la filmographie de Bruno Dumont, on peut reconnaître qu’ils partagent une structure narrative très similaire. Le choix de l’enquête policière est utilisé dans les deux films comme un prétexte pour se confronter à chaque personnage un à un, Dumont malmène son intrigue au profit de nombre de digressions liées au caractère de ses personnages. Cela dit, dans Le P’tit Quinquin, l’enquête suscitait une réelle interrogation chez le spectateur et le dénouement final tentait d’y répondre (quoique de façon très ouverte) alors qu’ici, le mystère est résolu très rapidement et évacué, ce qui laisse le film sombrer peu à peu dans une dérive que les pirouettes de Fabrice Luchini et Juliette Binoche ont bien du mal à sauver.

A vouloir faire les choses plus grandes qu’elles ne le sont, Bruno Dumont a fait de Ma Loute une version affadie et artificielle de son propre univers. Il a lui-même dit en conférence de presse que c’était le devoir de chaque réalisateur de filmer ce qu’il connaît, les lieux d’où il vient, or avec Ma Loute, Bruno Dumont retire au Nord toute son charme (l’accent subsiste malgré tout). La présence d’acteurs qui n’ont rien de nordistes et d’un travail de la photographie dont les teintes bleutées artificielles n’appartiennent à aucune géographie autre que celle des logiciels de montage condamnent l’authenticité sur laquelle Bruno Dumont avait mis la main. De la même manière, cet humour étrange que l’on trouvait dans ses films précédents et qui semblait résulter d’une forme d’incompréhension face à l’attitude d’un personnage ou l’absurdité d’une situation, a pris une mauvaise allure. Dans Ma Loute, lorsqu’il faut rire, tout le monde sait pourquoi, certaines des répliques-blagues semblent être tout droit venues des Visiteurs.

Pour finir sur une note positive, on peut tout de même souligner le plaisir que l’on a eu à découvrir certains jeunes acteurs tout à fait intéressants comme Brandon Lavieville (tout droit venu de Calais) qui assure le rôle de « Ma Loute »  pour sa première apparition au cinéma.

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