LITTÉRATURE

Un soupçon de science + beaucoup de thriller = une nouvelle vision du monde

La science est souvent l’ennemie de la littérature. Dans son livre La formule de Dieu, l’écrivain portugais José Rodrigues Dos Santos a fait le pari de les réconcilier. Cet ouvrage,  paru en France en 2012, plonge les novices dans l’univers de la physique et de l’astronomie. Un livre qui change notre vision du monde dans lequel nous vivons.

Associant le thriller à la vulgarisation scientifique, ce roman raconte l’histoire de Tomàs Noronha, cryptologue de l’université de Lisbonne, qui se retrouve embarqué dans une histoire d’espionnage. De l’Iran au Tibet en passant par le Portugal, le jeune professeur doit affronter des menaces de la CIA, les prisons iraniennes et doit décrypter un code écrit de la main d’Einstein lui-même. Tout au long de ses aventures,  notre héros se familiarise avec les théories scientifiques actuelles. Il joue le rôle de l’élève novice en quête de connaissances. Différents adjuvants lui apportent les explications nécessaires à son enquête. Il y a notamment la belle Arianna, aussi mystérieuse que désirable, mais aussi le père du héros, mathématicien de renom. On compte également parmi les instructeurs de Tomàs un moine bouddhiste, un ponte de la CIA et un professeur de physique de l’université de Coimbra. La formule de Dieu devient presque un roman initiatique sur le thème de la science, avec les figures caractéristiques du maître et de l’élève. On retrouve d’ailleurs les influences du bouddhisme et de l’hindouisme dans la trame de l’histoire, ainsi que l’idée d’une transformation spirituelle. Mais le récit n’est qu’une excuse pour intéresser le lecteur à la physique quantique et aux théories de l’incertitude, pour lui expliquer la théorie du chaos et celle de la relativité. Car les explications scientifiques données au professeur Noronha par les protagonistes du roman sont également données au lecteur. Les littéraires deviennent scientifiques en herbe. Les genres se mélangent.

La « formule de Dieu »

Formidable outil pédagogique, ce roman n’en est pas moins captivant, notamment parce qu’il se construit autour de la figure d’Einstein. Tout commence d’ailleurs avec un dialogue entre Albert Einstein et David Ben Gourion, premier ministre d’Israël de 1948 à 1963. Avec habileté, José Rodrigues Dos Santos tisse son intrigue autour de ce personnage singulier, génie fou et raisonnable à la fois, s’il en est. Dans le livre, on retrouve les arrière-pensées d’Einstein après la création de la première bombe atomique, mais aussi ses préoccupations théologiques, ainsi qu’un certain message qu’il aurait laissé à ses disciples après sa mort : die Gottesformel, ou la « formule de Dieu ». Ce message est la clé de toute l’intrigue. Certains sont prêts à tuer, kidnapper et torturer pour cette formule. Mais personne ne sait vraiment quelle en est la signification. A la fin du roman, lorsque le voile se lève sur ce mystère, notre vision du monde en sort changée. Que l’on choisisse d’y croire ou pas, la théorie émise dans ce livre nous oblige à repenser notre conception de la vie et de l’univers.

On découvre également le côté un peu fou de la physique et des mathématiques. Oui, la science est logique. Oui, elle est cartésienne. Il n’en demeure pas moins que les théories émises dans La formule de Dieu sont dignes de bons ouvrages de science-fiction. Pourtant, elles ont bel et bien été émises par des scientifiques reconnus, voire vérifiées, d’une certaine manière, dans le réel. La réalité semble donc aussi folle que la fiction. La physique devient fun, tirée par les cheveux, incroyable. Après la lecture de ce roman, l’aversion pour les mathématiques que l’on retrouve souvent chez les littéraires pourrait bien disparaître. Car la science prend sens. Et elle apparait comme complètement déjantée.

Bien sûr, il faut parfois s’accrocher. Certains passages sont assez compliqués, surtout lorsque l’auteur aborde la physique quantique, le chat de Schrödinger et l’expérience Aspect. Ses explications sont toujours imagées, ce qui permet une compréhension plus aisée. Il n’en demeure pas moins qu’il peut arriver que l’on décroche. Mais c’est normal ! On ne devient pas scientifique en un jour ! Il faut relire les passages compliqués. Lentement, avec concentration. Et si après quelques relectures, on ne comprend toujours pas, peu importe ! L’intrigue n’en est pas moins délicieuse et le décryptage de la formule de Dieu palpitante.

La littérature, une nouvelle façon d’apprendre ?

En lisant cet ouvrage, on pense notamment à La dernière question, d’Isaac Azimov, qui rappelle les hypothèses scientifiques avancées par l’auteur. Cette nouvelle reprend d’ailleurs la même formule biblique pour évoquer une certaine conception de l’univers. La formule de Dieu évoque également The Da Vinci Code, puisqu’il allie théologie et science sous une forme romanesque, comme Dan Brown associait l’art et le divin. Mais c’est surtout Le monde de Sophie, de Jostein Gaardner, qui vient à l’esprit à la lecture de La formule de Dieu. A travers l’histoire de la jeune Sophie, le lecteur progresse en philosophie. De même, en suivant les aventures de Tomàs Noronha, il s’initie à la science. Ainsi, dans les deux romans, le lecteur s’identifie au héros et bénéficie du même enseignement que lui. Dans les deux cas, le lecteur est intrigué par les mésaventures du personnage principal et ne peut donc lâcher le roman. Il est pris dans l’histoire. Pour en connaître le dénouement, il est obligé de passer par des étapes d’apprentissage plus ou moins amusantes. Quel que soit le thème, le résultat est le même. Le lecteur se cultive sans s’en rendre compte.

Alors, bien sûr, ces ouvrages ne proposent que de la vulgarisation. Ce roman n’a pas la valeur d’une thèse universitaire. Mais la vulgarisation peut mener à un approfondissement ultérieur des connaissances. La littérature est la clé d’un apprentissage ludique et agréable. Les ouvrages scientifiques sont là pour compléter de manière plus précise les bases acquises lors de la lecture de ces romans. Chacun à sa place et les vaches seront bien gardées. La formule de Dieu ne prétend pas remplacer un manuel de physique, ou un article universitaire. Ce livre ne fait que proposer un aperçu des théories scientifiques actuelles à travers une fiction palpitante. José Rodrigues Dos Santos réussit le pari de rendre la science accessible à tous, pour notre plus grand bonheur.

Grande voyageuse (en devenir). Passionnée par la littérature et les langues étrangères. Dévoreuse de chocolat. Amoureuse éperdue de la vie et de la bonne bouffe. "Don't let the seeds stop you from enjoying the watermelon"

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