CINÉMAFestival de Cannes

Clash de Mohamed Diab – Dans le fourgon de la révolution égyptienne

Après le huis-clos dans un taxi proposé par Jafar Panahi (Iran) dans Taxi Téhéran, Mohamed Diab intensifie les choses en enfermant le public cannois dans un fourgon de la police égyptienne le temps d’un film. C’est avec toute son équipe qu’il s’est rendu à Cannes pour présenter son film à l’ouverture de la compétition “Un certain regard”.

Il faut un peu de temps pour sortir de l’expérience que nous propose Clash car le film est très intense et immersif. L’histoire, c’est d’abord celle de deux journalistes qui se retrouvent enfermés dans un fourgon sans vraiment de raison. Puis c’est au tour d’un groupe de manifestants en faveur du régime et enfin d’un autre groupe en faveur des Frères Musulmans. Ainsi, dans ce fourgon malmené par les agitations extérieures et gardé par la police, c’est un véritable échantillon des différents acteurs de la révolution égyptienne qui va être mis à l’épreuve. En ce sens, l’exploitation du huis-clos fonctionne assez bien car il suppose une relation particulière entre les différents personnages du fait qu’ils soient contraints de survivre ensemble. Bien loin de la direction prise dans la mercerie des Huit Salopards de Quentin Tarantino, Clash a le mérite de ne pas suivre une évolution linéaire au sein des conflits internes au fourgon. C’est-à-dire que les choses ne sont pas montrées dans une forme de simplicité qui correspondrait à montrer des différends qui s’effacent peu à peu face à la nécessité de survie de groupe. C’est peut-être là que se trouve à la fois la force du film et notre difficulté à en tirer des conclusions dans le champ politique et moral : Mohamed Diab n’assigne jamais rien d’office.

Pour autant, le film s’ouvre sur une suite d’informations réelles au sujet de ce qui s’était passé durant les révolutions et l’on cherche inévitablement à tirer quelque chose de plus qu’un sentiment de compassion, d’horreur ou d’étonnement vis-à-vis de la situation qui nous est exposée. De plus, le caractère claustrophobique du huis-clos ainsi que la violence visuelle à laquelle on se trouve exposée (c’est autant la violence physique à l’image que les mouvements de caméra abruptes ou encore la saturation des couleurs qui nous agressent) nous place dans une position défensive vis-à-vis du film lui-même : pourquoi les images nous malmènent-t-elles ? La réponse la plus évidente semble être de vouloir placer le spectateur dans la position des personnages qui souffrent tout au long du film mais il paraît essentiel que cette expérience (dans sa dureté comme dans ses moments de tendresse) nous enseigne quelque-chose.

En effet, c’est un réel défi auquel s’est confronté Mohamed Diab avec un film pareil et il semble que malgré ses défauts, Clash a bel et bien sa place dans la catégorie “Un certain regard” car c’est précisément ça qu’il nous propose de vivre : le regard d’un groupe d’individus maltraités par leur propre pays.

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