CINÉMA

Festival les Hallucinations Collectives, une bonne alternative à la drogue

Avant-premières, films oubliés et curiosités à découvrir, le Festival des Hallucinations Collectives a pour but de donner à voir des films qui bousculent les codes et qui se détachent de ce que l’on a l’habitude de voir, permettant ainsi de faire revivre (ou découvrir) des films hors du commun le temps d’une projection. Ainsi, comme chaque année, le cinéma Comoedia (Lyon, 7ème), où se déroule le festival, se transforme en repère pour cinéphiles en tout genre le temps d’une semaine. Voici une présentation des quelques films que nous sommes allés voir, en espérant que cela vous donnera envie découvrir.

Crimes dans l’extase de Jess Franco (1971)

Le film faisait partie d’un « zoom » sur la filmographie de Jess Franco, réalisateur franco-espagnol (il est passé par l’Idhec, ancien nom de la Fémis) qui propose un cinéma fortement marqué par le fantastique ainsi que l’érotisme. Crimes dans l’extase c’est l’un des films où il met en scène son actrice fétiche, Soledad Miranda, qui incarne ici une jeune femme follement amoureuse de son mari, un docteur qui s’adonne à des expériences sur des fœtus. A la mort de celui-ci, assassiné par des hommes qui s’opposaient à ses activités, la jeune veuve décide de le venger en tuant un à un les hommes impliqués dans le meurtre. En somme, le film est un drôle de mélange entre le film érotique, la série B et le thriller, le tout marqué par des moments clairement expérimentaux (souvent au moment des meurtres commis par la jeune femme).

Phase IV de Saul Bass (1974)

Phase IV est l’unique long-métrage de Saul Bass, connu pour avoir réalisé les affiches ainsi que les génériques stylisés de certains films de Preminger (Bonjour Tristesse, Exodus), Hitchcock (Psychose, La mort aux trousses), Scorsese (Casino, Les Affranchis), et bien d’autres. Le film faisait partie de la soirée « Animokatak » et l’animal en question était en réalité un insecte, puisque le film traite d’une invasion de fourmis (pas plus grandes que dans la vraie vie, mais sacrément nombreuses et intelligentes). En effet, tout au long du film ce sont deux scientifiques qui vont tenter de mettre un terme à la menace de cette colonie de fourmis. On saluera notamment les plans tournées en macro sur les fourmis qui donne à penser le gros plan d’une nouvelle manière et qui divise le film en deux : l’échelle des fourmis et celles des humains, deux univers qui ne se rencontreront d’ailleurs jamais vraiment (peut-être en partie du au fait que les plans des fourmis étaient tournés à un autre moment, en laboratoire).

La compétition de courts-métrages (sept films en compétition)

La compétition de cette année était incroyablement bonne et diverse (deux films d’animation et cinq films en prise de vue réelle qui prenaient tous des directions différentes mais pas moins intéressantes les unes des autres). Cette année, le grand gagnant est d’ailleurs l’un des deux films d’animation, The Pride of Strathmoor, réalisé par Einar Baldvin et qui s’appuie sur les notes qu’un pasteur géorgien avait laissé derrière lui (il s’agit de John Deitman, les notes étaient datées de 1927). Ainsi, le film réinterprète ces notes, en N&B, et donne à voir les délires dont le pasteur en question était sujet, le résultat est impressionnant d’un point de vue technique et constitue une véritable expérience pour le spectateur.

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The Pride of Strathmoor d’Einar Baldvin

(Ce film est disponible en ligne, sur Vimeo).

Men & Chicken d’Anders Thomas Jensen (le film sortira le 22 avril 2016)

Après Les Bouchers Verts et Adam’s Apples, le cinéaste danois revient avec une comédie complètement loufoque et pourtant teintée d’humanité et d’une dimension éminemment tragique. Le film met en scène l’histoire de deux frères (l’un des deux est interprété par le fameux acteur danois Mads Mikkelsen) qui partent à la recherche de leur père sur une petite île. Une fois arrivés sur l’île, ils rencontrent trois autres de leurs frères qui vivent dans une étrange maison autour de laquelle va se dérouler la majeure partie de l’histoire. Dès lors, l’intrigue du film consistera à découvrir peu à peu quels sont les mystères que recèle l’histoire de cette famille peu ordinaire. La réussite du film tient certainement à la manière dont il parvient à intégrer des éléments fantastiques et un humour noir à ce qui semblait se présenter comme une simple intrigue familiale.

Créatures Célestes de Peter Jackson (1994)

Intégré à la programmation nommée « Les singulières », Créatures Célestes s’inspire d’un fait divers néo-zélandais de 1954 et raconte l’histoire de deux adolescentes liées d’une forme d’amitié excessive et obsessionnelle. Ce serait apparemment la femme de Peter Jackson (célèbre pour son adaptation du Seigneur des anneaux), qui l’aurait poussé à laisser de côté son registre habituel pour réaliser ce film sur l’amitié féminine. Créatures Célestes sera d’ailleurs le premier rôle de Kate Winslet, qui interprète l’une des deux adolescentes en question.

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Créatures Célestes de Peter Jackson – Miramax Films

Alone de Thierry Poiraud (avril 2016)

Lors de l’échange avec Thierry Poiraud qui était présent à la fin de la projection, celui-ci disait que le court message qui s’affiche à la fin du film, « Don’t grow up », était le titre qu’il avait originellement choisi. Vous l’aurez compris, le film traite de la jeunesse, ou plutôt de l’adolescence et du fait de devenir un adulte. Le film s’ouvre sur un groupe de jeunes laissés seuls dans un centre de redressement, alors qu’ils comptent profiter de l’absence des adultes pour faire tout ce dont ils ont envie, ils se rendent compte peu à peu que la disparition des adultes est due à la diffusion d’un virus qui les pousse à tuer les personnes mineures. Ce qui est assez remarquable avec Alone, c’est la manière dont il échappe à chaque fois aux codes du genre dans lequel il semble s’ancrer : le début du film s’inscrit dans la lignée d’une série comme Misfits dans son rapport à la jeunesse, puis, dès lors que l’on découvre l’existence du virus, le film se transforme en film d’épouvante et plus particulièrement en film de zombie. Je n’irai pas plus loin pour ne pas gâcher le plaisir de ceux qui ne l’ont pas encore vu, mais le film n’en reste pas là !

Blind Sun de Joyce A. Nashawati (le film sortira le 20 avril)

Premier long-métrage de la jeune réalisatrice, le film raconte l’histoire d’un jeune homme qui doit s’occuper de garder une villa sur la côte grecque pendant que les propriétaires sont en vacances. Très vite, le film développe une forme de menace tantôt associée à la chaleur de la canicule, tantôt à la présence d’un policier qui rôde et qui semble en avoir après le jeune homme. Blind Sun s’inscrit dans la lignée de films comme The Shining de Stanley Kubrick ou encore de Take Shelter de Jeff Nichols dans la manière dont il travaille sur la déchéance progressive de l’esprit d’un personnage, de sa perte de rationalité. Cela dit, le film a un drôle de rythme et a du mal à fonctionner comme un ensemble cohérent, les éléments qui sont censés aider le spectateur à comprendre ce qui pousse le personnage principal à perdre la tête ne semblent pas réellement fonctionner. De plus, le film trouve une résonance quelque peu particulière avec la situation actuelle en Grèce et ne semble prendre en compte celle-ci que de manière accidentelle.

Prison de Cristal d’Augusti Villaronga (1986)

Lorsqu’on vous dit que le festival des Hallucinations Collectives est le lieu idéal pour découvrir des films étranges, hors du commun et marquants, Prison de Cristal en est la preuve ! Le film faisait partie de ceux choisis par Lucile Hadzihalilovic dans le cadre de sa « carte blanche » et elle était présente à la projection pour nous prévenir du choc que le film risquait de susciter puis pour en discuter après coup. Si le film développe parfois des aspects que l’on pourrait mettre en lien avec le goût d’Hitchcock pour les indices, la tension d’un Frisson de l’Angoisse d’Argento ou encore le masochisme de Salo de Pasolini, il reste néanmoins en dehors de tout ce que l’on a l’habitude de voir sur grand écran. En effet, Villaronga met en scène ici un huis-clos psychologique mêlant la question du fascisme à celle du sadomasochisme en développant une idée plutôt effrayante, celle de la contamination du mal.

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Prison de Cristal d’Augusti Villaronga – T.E.M. Productores Asociados

High-Rise de Ben Wheatley (avril 2016)

High-Rise était le film de clôture de l’édition de cette année, il s’agit d’une adaptation de la nouvelle de science-fiction I.G.H. de J.G. Ballard (1975) avec un personnage principal interprété par le talentueux Tom Hiddleston. L’histoire est celle d’un bâtiment immense et futuriste construit de manière à fonctionner de manière autonome (on y trouve un supermarché, une salle de sport, une piscine). Peu à peu, on découvre les défauts d’un tel projet, et la déchéance progressive de la vie en communauté rêvée par l’architecte du bâtiment traduit une certaine critique de l’idéologie capitaliste. Le film contient de nombreuses séquences intéressantes et est très agréable à regarder, presque trop d’ailleurs. Une bonne partie du film est constituée de longs moments où la musique prend le dessus et par-dessus laquelle les images de la dégradation du bâtiment et des folies qui s’y passent défilent. Si ces moments apparaissent d’abord comme une forme de spectacle visuel non sans intérêt, leur redondance et leur longueur donnent l’impression qu’ils servent à éviter la question de la narration.

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