MUSIQUE

Entretien avec BAGARRE – “Briser la frontière entre la scène et le public”

Suite à l’engouement qu’a pu susciter la sortie de leur EP Musique de club, nous avons décidé de rencontrer le groupe parisien BAGARRE pour leur poser quelques questions. Nous nous sommes donc retrouvés autour d’une bière avec trois des membres du groupe, Master Clap, Emmaï Dee et Nathan (ingénieur son et régisseur), afin de tenter d’identifier les particularités de ce souffle nouveau au sein du paysage musical français.

Vous semblez constituer une branche particulière au sein de la mouvance actuelle de la musique française, est-ce que vous pouvez nous parler de vos influences, de votre relation aux codes actuels ?

Emmaï Dee : Je ne crois pas qu’on s’inscrive directement dans l’héritage d’un type de musique, on a des influences très variées notamment du fait que chacun des membres du groupe participe au travail d’écriture et apporte un peu de sa personne, on est tous arrivés avec des envies différentes. On dit souvent qu’on fait de la “musique de club” pour regrouper sous un genre qui n’existe pas vraiment l’ensemble de notre travail.

Master Clap : Plus concrètement, ce sont des musiques que l’on écoute aujourd’hui en club qui nous ont influencées comme le dance hall, la trap, la bounce… des styles super récents. On essaye de rester super curieux à ce sujet car c’est là qu’il se passe des choses nouvelles qui peuvent enrichir notre musique à nous.

E.D. : Puis finalement le point commun entre toutes ces musiques que l’on va chercher un peu partout dans le monde, c’est leur caractère populaire. Elles naissent souvent dans des quartiers précis, elles ont dans leurs paroles vocation à être très directe, notamment dans les adresses qu’elles ont, enfin cela rejoint l’idée du club…

Et comment est-ce que vous mettez en commun toutes ces influences et envies différentes ?

E.D. : On a créé une playlist sur laquelle chacun mettait des musiques qu’il écoutait en ce moment et après c’est à partir de cette base qu’on a travaillé.

M.C. : C’était avant tout un plaisir d’auditeur, de découvrir des choses nouvelles et de s’y projeter afin de voir comment on pouvait en faire notre musique. D’ailleurs, c’était marrant parce qu’à la sortie de notre EP, il y a un article qui nous a comparé à Eddie Mitchell et, même si c’était un peu ironique, je trouvais que la comparaison n’était pas bête dans le sens où à cette époque là il importait le Rock’n’roll, qui était encore très récent même au États-Unis, pour en faire la nouvelle pop française. C’est un peu ce qu’on essaye de faire en allant chercher des musiques un peu partout à l’étranger pour enrichir la pop française.

Est-ce que vous avez l’impression d’avoir développé une philosophie autour de BAGARRE, de votre musique, de qui vous êtes ?

E.D. : Totalement ! C’est ce qu’on cherche à faire depuis le début, on veut élargir notre façon de penser au-delà de notre musique et de nos concerts : on veut faire découvrir des émotions nouvelles, organiser des soirées, briser la frontière entre la scène et le public.

M.C. : C’est ce qu’on a fait récemment, on a proposé à des personnes de venir répéter avec nous pour chanter les refrains, au début on voulait faire monter ces personnes là sur scène pendant le concert mais c’était pas possible du point de vue logistique donc on est descendu dans la fosse pour chanter tous ensemble.

Sur les clips de votre EP, la personne qui est à l’image est la personne qui chante ? Est-ce que chacun d’entre vous écrit son propre texte ? Comment est-ce que vous composez ?

E.D. : Pour ce qui est des paroles, chacun part d’un texte qui lui est propre et après c’est un travail de mise en commun, on va demander l’avis de chacun et les textes tournent.

M.C. : Là encore, en termes de fonctionnement, c’est quelque chose d’importé puisque c’est surtout dans le hip-hop que l’on travaille de cette manière : on se considère un peu comme des “MC”, celui qui écrit va chanter son propre texte. Après les instrumentales se font d’une autre manière.

E.D. : Jusque là c’est surtout la Bête, que l’on peut voir dans le clip de “Macadam”, qui s’est occupé des instrumentales, pour la suite on aimerait que chacun fasse plus ou moins ses propres productions mais certains d’entre nous s’en sortent clairement mieux que d’autres.

M.C. : La forme influence beaucoup l’écriture, quand on se lance dans un genre comme la bounce par exemple (sous-genre du Dirty South, très populaire en Nouvelle-Orléans dans les années 1980), du fait que l’on doit faire passer des paroles françaises on est obligé d’inventer un genre hybride.

Nathan : C’est un peu l’un des gros défis de BAGARRE parce que la notion de flow en France n’existe que dans le rap alors qu’ailleurs elle se retrouve dans différents genres. En France, en dehors du rap, dans le rock ou la variété française par exemple, on parle pas tant de flow mais de voix, de mélodie mais BAGARRE essaye de briser cette idée là dans l’écriture. Dans des genres comme la bounce ou encore le foot-work (style de musique électronique venu de Chicago), on tend à traiter la voix comme un matériau musical au même titre que les notes d’instrument.

E.D. : D’ailleurs, on se retrouve tous les jours pour s’entraîner au chant dans différents genres et essayer de choper de nouveaux tricks. Par exemple, en ce moment on s’entraîne sur une musique de Kendrick Lamar (Backseat Freestyle). Pour Musique de club on avait fait pareil, ça va des rim dim jamaïcains pour Ris pas à du Polnareff pour Macadam. On explore des sillons qui ne sont pas les nôtres.

Qu’est-ce qui viendra après Musique de club ? Vous pouvez nous parler de vos projets pour la suite ?

E.D. : Alors, on est en train de travailler sur de nouvelles musiques et on pense au premier album mais rien n’est fixé pour le moment. Pour le reste, c’est principalement des concerts et des festivals qui sont à venir.

M.C. : Il faut venir en concert pour entendre les musiques de l’EP différemment, elles ont été retravaillées pour la scène. On joue même certaines musiques qui n’ont jamais été mises en ligne.

N.  : On a passé presque autant de temps à adapter nos musiques en vue des concerts que pour l’EP, on a presque toujours la batterie sur scène par exemple. Nos concerts doivent tout défoncer, ça doit être un feu d’artifice, une performance !

E.D. : On travaille aussi sur une version plus légère, sans la batterie, pour pouvoir jouer dans des salles plus petites et peut-être retourner dans des milieux associatifs tout en restant dans une performance live.

M.C. : On organise aussi des soirées où on invite des groupes et des DJs qu’on apprécie, le but c’est plus ou moins de reproduire cette playlist dont on a parlé mais pour de vrai.

E.D. : Pour la suite, l’essentiel c’est de rester curieux.

BAGARRE EN CONCERT : 

Le 14 mai au Festival Art Rock (Saint-Brieuc), le 20 mai aux Nuits Botanique (Bruxelles, avec Flavien Berger), le 27 mai au Festival Parole Musique (Saint Etienne), le 3 Juin à La Nef (Angouleme), le 10 Juin au Festival Vie Sauvafe (vers Bordeaux ), les 17 & 18 Juin aux Francofolies (Montréal), le 26 juin aux Solidays (Paris).

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