SOCIÉTÉ

Entre liberté et précarité : le succès des coursiers freelance

Depuis deux ans, les bikers, les coursiers à vélo, se font de plus en plus nombreux à Paris mais aussi à Bruxelles. Ils travaillent pour Take eat easy, Deliveroo, UberEATS ou encore Stuart, des start-up spécialisées dans la livraison à domicile, reprenant toujours le même concept, initié par Uber : l’envoi de travailleurs freelance chargés de la livraison, par des salariés cloisonnés dans des bureaux leur distribuant des itinéraires à une allure effrénée. Vus d’un côté comme un complément de salaire non négligeable voire un salaire tout court, ces emplois sont aussi la conséquence de situations précaires, faisant des livreurs à vélo des travailleurs à la journée, éphémères.

Spécialisées principalement dans la livraison à domicile de repas instantanés commandés en ligne, ces filiales d’un nouveau genre se multiplient dans les capitales européennes. Que ce soit pour Take eat easy, basé au départ à Bruxelles, ou bien Deliveroo à Londres, le principe de fonctionnement reste le même : après avoir signé un partenariat avec un restaurant, la start-up est chargée de livrer les repas grâce à des coursiers, le plus souvent à vélo. Le modèle repose sur la géolocalisation du coursier et du destinataire de la commande mais aussi sur l’utilisation d’algorithmes afin de rationaliser au mieux les circuits. En effet, est déterminée l’heure à laquelle la commande doit être envoyée au restaurant, puis récupérée par le coursier qui livrera à temps.

Le coursier gère son emploi du temps lui-même, et est payé à la course. Chez Take eat easy, start-up bruxelloise lancée en septembre 2013, la course est rémunérée 7€50. Chaque coursier accepte ou non une commande, en fonction de son lieu actuel, de ses objectifs personnels. Il s’engage donc à recevoir des bonus, s’il se voit être particulièrement efficace et à l’inverse des malus s’il refuse des courses ou cumule des retards.

Ainsi, c’est à celui qui fera le plus de course dans la journée, au détriment du respect du code de la route et de la vigilance. Car le choix des livraisons à vélo ne s’est pas fait par hasard. Le deux-roues a la capacité de se faufiler partout, d’éviter les bouchons et donc concurrence sévèrement les coursiers en voiture et en scooter. L’utilisation du vélo garantit aussi une image à la marque ; l’auto-entrepreneur débutant est séduit par la possibilité de pratiquer sa passion, qui est d’autant plus une activité en plein air, mêlant ainsi l’utile à l’agréable. Mais c’est aussi un moyen de d’afficher une facette eco-friendly, qui ravit la clientèle bobo des capitales européennes.

Le coursier est totalement indépendant. Il lui revient de fournir lui-même son matériel, et de l’entretenir. Tellement indépendant qu’il peut se faire renvoyer si son vélo lui fait défaut, s’il est victime d’un accident ou s’il ne peut effectuer une course pour une raison quelconque. En effet, le statut particulier que possède le coursier ne lui permet pas d’être protégé ; le coursier possède le statut d’auto-entrepreneur. Il est donc considéré comme un simple partenaire, une sorte de professionnel indépendant, non salarié, qui facture ses prestations à la filiale. Par conséquent, le coursier ne peut se retourner contre la start-up en cas d’accident en peine course, de conflit mettant en cause le matériel dans la mesure où l’assurance est à sa charge et ne dépend pas de l’employeur.

Si ces nouveaux modes de livraison font débat chez les coursiers, ils le font également chez les restaurants partenaires. Tout d’abord parce que des filiales comme Take eat easy ou Deliveroo prélèvent une commission de 30 % sur le montant de la vente du restaurant. Pour les clients, la livraison est facturée 3€50 en moyenne.
Certains voient également dans ce partenariat la transmission d’une mauvaise image de l’établissement, en invoquant le fait qu’ils ne peuvent absorber les flux de demandes sans altérer la qualité de leur prestation.

Pour l’heure, le succès de ces coursiers à vélo est indéniable. Malgré la fragilité du statut et les risques techniques encourus, le nombre de deux-roues en circulation s’agrandit dans les capitales à tel point qu’on chercherait dorénavant à le réduire. En effet, Take eat easy ne travaille pas seul dans ce domaine : une dizaine de start-up fleurit et chacune essaie de s’imposer comme le leader de la livraison. Pour cela, tous les coups sont permis :  baisse du prix de la livraison, sollicitation de coursiers déjà établis chez les concurrents, mais aussi multiplication d’événements marketing comme l’organisation de balade à vélo dans les capitales, les Crazy Ride Club, aux côtés des coursiers.

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