Chaque année, dans la salle Buñuel du Palais des festivals, la catégorie « Cannes Classics » propose aux festivaliers de découvrir des perles du temps passé.
Que ce soit à l’occasion d’une copie restaurée, en hommage à un cinéaste ou pour le plaisir de redécouvrir d’anciens films, les séances de Cannes Classics sont toujours l’occasion d’un voyage dans le temps. Hier, c’est Frederick Wiseman qui a apporté une copie 35mm, restaurée par la Bibliothèque du Congrès, de son documentaire Hospital (1970) sur l’hôpital Metropolitan à New York. Frederick Wiseman est un documentariste reconnu pour son travail critique autour des institutions américaines, Hospital est le quatrième de cette série institutionnelle qui s’était ouverte avec son premier long-métrage, Titicut Follies, qui prend pour objet la cellule psychiatrique d’une prison du Massachusetts.
La force de ses documentaires semble résider dans la manière dont il nous confronte directement aux images, peu importe les émotions auxquelles elles nous exposent. En effet, Frederick Wiseman n’utilise pas de voix-off pour commenter ses images, seul le montage nous guide dans la manière dont il faut les recevoir. Pour ce qui est de Hospital, on se retrouve plongé dans cet immense « supermarché à malades » comme il l’a dit au début du film et l’on découvre toute une série de patients aux histoires singulières.
Finalement, c’est un réel sentiment de compassion et de proximité vis-à-vis de ces personnes que le film nous transmet : en refusant d’utiliser la voix-off, Frederick Wiseman nous oblige à étudier les images plus sérieusement, à les vivre. Le succès du film tient aussi de la patience du réalisateur, qui nous a confié avoir passé quatre semaines entières à tourner dans l’hôpital pour un total de 110 heures de pellicule. Avec un tel travail d’observation, Frederick Wiseman a pu habituer les médecins ainsi que certains patients à sa présence et laisser les choses arriver d’elles-mêmes.
On vous l’avoue, l’une des séquences nous a même tiré quelques larmes, non pas parce que la condition du jeune homme en question était trop difficile mais parce que dans son ivresse, l’évocation très personnelle de ses craintes vis-à-vis de l’avenir semblaient toucher à une forme de mal-être commun à tous les hommes.