Pour un premier long-métrage, Michael O’Shea fait fort en démystifiant le genre du film de vampire à travers l’histoire du jeune Milo, un gamin de 14 ans seul et malmené dans le quartier du Queens à New-York, qui va trouver un échappatoire chez les monstres aux dents longues.
Avoir son premier long-métrage présenté à Cannes dans “Un certain regard”, ce n’est pas rien. Déconstruire l’un des sous-genres du film d’horreur, ce n’est pas une mince affaire non plus. Faire les deux à la fois, c’est fabuleux ! En effet, dans la lignée de Morse d’Alfredson (que le personnage de Milo dit lui-même apprécier, dans le film), The Transfiguration va ôter au film de vampire tout élément explicitement fantastique de manière à ce que Milo ne soit un vampire que parce qu’il croit en être un. Il n’est doté d’aucun pouvoir, peut manger de l’ail et se promener au soleil sans aucun soucis : Milo est persuadé d’être vampire comme il aurait pu être un elfe ou une licorne (à peu de choses près). L’intérêt d’une telle proposition c’est d’interroger l’individu, de nous pousser à nous demander qui est ce garçon et quelles sont les raisons pour lesquels il agit de la sorte. Mais c’est aussi une situation qui force Milo à s’interroger lui-même au sujet de l’existence des vampires, de leur place dans le monde et sur sa propre identité.
La ligne entre “un homme qui se prend pour un vampire” et un véritable vampire est fine : dès lors qu’il tue des hommes pour se nourrir de leur sang, le problème est le même. Cela dit, dans la construction narrative du film, cela change tout ! Avec un véritable vampire, dans un film fantastique, il n’est jamais question que le vampire arrête ses bêtises et réintègre la société. Or, avec Milo il y a cette possibilité que sa croyance en son identité de vampire s’affaiblisse (c’est d’ailleurs sur cette piste que nous mène la rencontre avec la jeune Sophie, qui le sort de sa solitude). En effet, on aurait pu penser qu’en trouvant une complice, en partageant des moments de bonheur avec elle, Milo se verrait contraint d’abandonner ses activités de vampire ou n’y verrait plus d’intérêt. En ce sens, Michael O’Shea naturalise le film de vampire et le soumet à des déterminations humaines tout en préservant des séquences d’assassinat tout à fait surprenantes.
Le film soulève aussi la question de la possible existence d’un mal inhérent à l’homme. Cette interrogation au sujet de ce qu’est le “mal” peut faire écho à des films comme Prison de Cristal d’Agustí Villaronga, (un film marqué par les recherches menées par Hannah Arendt au sujet du nazisme). Car finalement, l’hésitation de Milo au sujet de sa propre identité de vampire revient pour lui à se demander s’il est prédestiné à faire le mal ou s’il est en droit de vivre normalement. Dans cette perspective là, le contexte dans lequel Milo vit ainsi que son passé jouent en faveur d’une justification par des éléments de sa vie personnelle.
Enfin, on peut saluer l’économie du film dont le rythme du montage est très bien géré, ainsi que le travail sonore qui a été effectué autour des différentes séquences de meurtre. The Transfiguration fait plaisir car il échappe à tout ce qui a déjà été fait dans ce genre en survolant les sentiers battus, telle une chauve-souris.