Lors de la soirée à l’UBU le 30 janvier dernier, présentée par The Absolut Company Creation, nous avons rencontré Romain Tardy, qui était parmi nous pour nous présenter pour la toute première fois son projet unique, OX. Mais qu’est-ce que c’est ? OX est une installation lumineuse, autonome, qui écoute et comprend la musique. Romain Tardy, VJ, nous explique.
Est-ce que tu peux nous parler de ton projet OX et en quoi il est différent des autres jeux de lumière dans le scène electro ?
L’idée avec OX c’était de créer un dispositif autonome, qui puisse réagir au beat d’un DJ, sans qu’il sache de quel DJ il s’agit, pour ce faire, il y a un certain nombre d’analyses audio, algorithmes, (qui ont été développés avec un développeur avec lequel je travaille, Hand Coded, spécialisé dans l’analyse audio notamment). Tout ça est basé sur des analyses fréquentielles, avec des paramètres d’animation qui sont reliés à ça et une analyse un peu plus globale, avec la tonalité d’un morceau qui va le rattacher à une forme d’émotion, si ça tend vers un son plus calme, triste ou énergétique, ce sont des composantes qui orientent le choix des couleurs proposées. Sinon, pour la différence, c’est surtout une différence d’approche en fait, par rapport aux autres scénographies. Je vois ça comme une continuité de mon travail de VJ, contrairement aux autres installation, celle ci n’est pas faite pour un seul artiste ni tracklist. L’idée ici, c’est de tendre quelque chose de plus versatile, spontané, non seulement pour servir à plusieurs DJs, mais aussi qu’il puisse régir à leur musique et qui dépasse les choix de l’artiste.
Et d’où t’es venue l’idée de créer cette installation ?
C’est un mélange de choses, il y a une dizaine d’années j’ai pas mal travaillé comme VJ, c’était une des premières expériences concrètes que j’ai eu pour montrer mon travail de graphique et d’animation à un public, ça s’est fait un peu spontanément, quand j’avais des amis qui faisaient des soirées, j’ai commencé à jouer un peu avec des éléments visuels au sein de ces soirées là. C’était une façon de transmettre et d’avoir un retour du public assez direct, et de commencer à s’intéresser au lien musique/image. C’est donc The Absolut Company Creation qui voulait lancer une nouvelle opération de mécénat d’un artiste numérique, et ils avaient envie aussi d’intégrer le circuit des musiques électronique dans les clubs. Ça a fait appel à une pratique que j’avais fait il y a plusieurs années, et la changer un peu, de façon plus autonome, ce n’est pas pour supprimer le boulot de VJ mais de tenter une nouvelle approche. Là l’idée c’est de créer un lien plus direct entre le DJ et l’installation, parce que c’est lui qui va, d’une certaine façon, contrôler les visuels.
Comment la musique t’inspire à faire tes performances de VJ ?
Ça dépend du type de travail, celui ci est assez particulier par définition vu que ce sont des DJs qui vont jouer des sets que je ne connais pas, je peux connaitre l’univers du DJ, mais c’est souvent un peu trop large pour avoir un angle d’attaque précis, par ailleurs, je fais des installations artistiques avec un début et une fin, sous forme de projection avec des modules lumineux qui durent un temps défini qu est souvent d’une dizaine de minutes, où là, les gens regardent en étant concentrés dessus, et ce sont des pièces qui sont écrites à quatre mains avec le musicien avec lequel je travaille. Et là il y a une réflexion plus détaillée, pointue, sur les liens qui peuvent exister entre musique et visuel et comment on crée l’un en fonction de l’autre. Ça m’arrive aussi que le musicien avec lequel je travaille, crée une séquence sonore, qui va m’évoquer un visuel. Là la ligne que j’ai suivi, ça reste l’idée d’une soirée techno dansante.
Très bien ça rejoint ma prochaine question, quels sont les univers que tu aimes mettre en avant et pourquoi ?
Je vais parler d’autres projets, je travaille beaucoup de façon in situ, toutes les installations que j’ai développé dans les six dernières années par exemple elles sont exclusivement liées a un lieu donné et prennent sens dans ce contexte là, donc les thèmes sont dépendant du contexte. Après il y a un traitement graphique qui est assez simple, aussi parce que je suis intéressé par les dimensions architecturales des objets, là dans cette installation il y a aussi une dimension architecturale, une structure qui est visible, un coté mobilier. Donc ça dépend de l’oeuvre en elle même.
Comment est-ce que tu choisis le rythme et les couleurs de tes performances ?
Alors par exemple sur cette installation là, le rythme est directement retransmis, mais dans l’installation il y a un module qui analyse le BPM (beat par minute, ndlr) de chaque morceau et va caler les animations sur ce rythme là, mais l’installation peut décider de ne pas utiliser ce paramètre là. C’est chouette de caler des animations sur la musique, mais c’est bien aussi de laisser respirer les choses, et que tu laisses l’association se faire aussi juste dans le cerveau des gens, tu peux très bien avoir des choses qui ne sont pas explicitement synchrones mais on peut les associer comme on veut.
J’aime bien laisser les choses se faire, ça pourra être synchrone dans la tête de certaines personnes et pas du tout pour d’autres. Pour les couleurs il y a une double sélection, il y a des gammes arbitraires, car j’ai voulu les utiliser comme identité visuelle de l’installation, et aussi ce module qui analyses les différents moods, chaque mood est relié à une couleur. Quand il y a de gros monochromes par exemple, où toute la scénographie prend la même teinte, c’est le module d’analyse de mood qui prend le dessus, et si par exemple on est dans un moment énergétique, on sera dans une dominante de rouge, un moment très calme on sera dans une dominante de bleu, si il y a une détection d’une musique en accord mineur qui serait à la fois calme et “triste”, on aurait une teinte violette, c’est la retranscription visuelle d’une émotion sonore. Ça se fait par le biais des couleurs.