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Burberry et la réponse anglo-saxonne

Cette année encore, la Fashion Week a été le lieu de déclarations qui ont ébranlé la modosphère. En effet c’est au tour du géant britannique Burberry de lancer une offensive contre les marques de fast fashion. L’initiative a été aussi suivie par d’autres maisons anglo-saxonnes telles que Tom Ford ou Tommy Hilfiger. Néanmoins pouvons-nous vraiment parler d’une riposte ?

Des changements radicaux

Le 5 février, Christopher Bailey, directeur créatif de Burberry, annonçait au magazine Business of Fashion une nouvelle fois sa rupture avec l’industrie de la mode : la célébrissime maison britannique change non seulement son calendrier mais aussi tout son fonctionnement et ce à partir de septembre 2016.

Désormais toutes les lignes (Prosum, Brit et London) de la marque seront réunies en deux collections présentées en septembre et en février. Ses dernières ne représenteront pas de saison, et mélangeront le vestiaire masculin et féminin. De plus les créations seront immédiatement mises en vente après le défilé que ce soit en boutique ou sur internet. Les maisons Tom Ford et Tommy Hilfiger ont, elles aussi, pris le même chemin.

Bailey

Christopher Bailey lors d’un défilé Burberry

Dans un premier temps l’effet recherché par le directeur artistique est de rendre à la mode une certaine logique. En effet dans un monde où la globalisation est mot d’ordre les saisons des collections ne trouvent plus leur place.

Et puis s’il y a cinquante ans on parlait de look androgyne, force est d’admettre que l’appropriation du vestiaire masculin par les femmes a permis l’émergence d’une mode transgenre. Effectivement, certaines pièces auparavant considérées comme masculines ont totalement été adoptées dans les garde-robes féminines bien que la réciproque ne le soit pas encore.

De plus il s’agit de permettre aux créateurs d’être plus libre artistiquement en réduisant les contraintes des planning de défilés. Enfin et surtout Christopher Bailey veux contre-attaquer les marques de fast fashion, qui font plus que s’inspirer des maisons de luxe durant la période suivant les défilés.

La mode 2.0 ou un anoblissement du fast fashion ?

Dans les années 1960, Yves Saint-Laurent bouleversait l’industrie de la mode en créant le prêt-à-porter. La mode qui auparavant ne concernait qu’une élite devenait accessible à tous. Cinquante ans plus tard le consommateur est au centre de sa création et de son industrie, et l’initiative de Burberry n’y fait pas exception. Car si comme bon nombre de créateurs Christopher Bailey pointe les contraintes de temps et de renouvellement d’idées engendrées par les marques industrielles, l’un des principaux buts de sa manœuvre reste d’augmenter ses ventes. En effet le géant anglais a vu ses chiffres baisser notamment en Asie, marché qui ne cesse de croitre.

Il semblerait alors que l’attente de la mise en vente ne suffise plus à séduire le consommateur. Pourquoi acheter dans six mois ce que l’on veut tout de suite et que l’on peut trouver moins cher chez d’autres marques ? Sans compter aussi les milliers de photos du défilé qui tournent sur les réseaux sociaux, blogs et magazines féminins et qui font perdre la fraîcheur et l’aspect nouveau des collections lorsqu’elles sortent en magasins.

Tommy Hilfiger avait d’ailleurs essayé de remédier à cela et de booster ses ventes en proposant du mois d’octobre au mois de janvier dernier de revivre son défilé automne/hiver 2016 dans certaines de ces boutiques new-yorkaises et parisiennes. Le « virtual reality shopping » permettait aux clients de visionner avec un casque spécial le show filmé à 360° et en 3D. La mode devenait alors un divertissement pour pousser le consommateur à acheter.

Hilfiger

Les casques permettant de revivre le défilé Tommy Hilfiger Hiver 2015

Les changements de Burberry et ses confrères ressemblent bien plus à une adaptation au modèle des marques de fast fashion plutôt qu’à une riposte. La créativité n’est pas écartée et est même mieux considérée, mais le consommateur prévaut sur elle.

Il semblerait que nous sommes bien loin des revendications de Jean-Paul Gaultier et Viktor & Rolf d’il y a un an (ndlr l’article Il n’y a pas de mode, rien que des vêtements paru dans Maze en mars 2015).

De plus de telles transformations, si elles sont suivies, peuvent certes engendrer des évolutions dans différents secteurs de la mode comme la presse, mais n’apportent pas de solutions ou d’alternatives aux réels défis de cette industrie. Ces derniers qui sont avant tout écologiques semblent être à nouveaux complètement ignorés.

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