CINÉMA

Je suis ce qu’il reste, rencontre avec une relève

Je suis ce qu’il reste, court métrage à l’univers merveilleux, présenté au Nikon Film Festival, a récemment été sélectionné pour être présenté en compétition officielle. En 2 minutes 20 de douceur et d’espoir basé sur une communication uniquement gestuelle, le court réjouit et rend optimiste sur l’avenir du cinéma. Tout n’a pas encore été dit ! Il ne reste plus qu’à écouter une relève. Rencontre avec les deux jeunes réalisateurs fraîchement débarqués à Montréal, Manon et Colin.

Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Nous nous sommes rencontrés l’an dernier, lors de notre dernière année d’études en licence professionnelle concepteur réalisateur à l’université Paul Valéry à Montpellier.

Était-ce la première fois que vous travailliez ensemble ?

Nous avions déjà travaillé ensemble, mais nous n’avions encore jamais écrit et réalisé un court métrage tous les deux. C’était donc une première expérience pour nous, et ça a vraiment bien fonctionné.

Quand avez-vous réalisé ce court-métrage ? 

Nous nous sommes décidés assez tard à participer. Ça a donc été un peu une course contre la montre. Nous avons eu l’idée mi-décembre, puis nous l’avons écrit en trois jours. Ensuite, nous avons commencé la pré production : il fallait trouver des gens disponibles, et qui voulaient bien être bénévoles ! Seulement, on arrivait dans les périodes de fêtes… C’était assez compliqué.

Finalement, nous avons réussi à tourner toute la nuit du 30 Décembre ! Mais nous n’avions que jusqu’au 7 janvier pour envoyer le court métrage au Nikon Film Festival. Nous avons donc monté, composé les musiques, étalonné, et mixé le film en 5 jours (avec beaucoup de complications à certains moments).

Nous avons d’ailleurs eu de l’adrénaline jusqu’au dernier moment, puisque l’on a travaillé dessus jusqu’au petit matin de la deadline. Nous avons été soulagé quand il a été envoyé, parce que c’est sûr que sinon nous ne l’aurions pas réalisé de la même manière sans les contraintes imposées.

Comment l’avez-vous scénarisé ? 

C’était un réel travail d’équipe. Comme nous l’avions dis lors de l’enregistrement, un effet un peu « ping-pong » (oui, parce qu’il s’agit d’une deuxième interview, l’enregistrement s’étant volatilisé, ndla). Manon a eu l’idée de base, parce qu’il faut bien que quelqu’un l’ait, et ensuite nous l’avons développée à deux. Chacun y amenait une nouvelle idée, un nouveau détail : ça a été très formateur pour nous deux. Il fallait s’entendre et faire des compromis.

Quelles étaient vos intentions lors de l‘écriture de votre film ? Qu’avez-vous voulu faire passer ? 

Écrire un court en deux minutes c’est très compliqué. Nous voulions réellement créer une histoire. Avec un début, un milieu et une fin. Pas juste un sketch, ou une scénette. Nous voulions qu’il y ait une évolution, tant au niveau de l’histoire et du sujet abordé, qu’au niveau de notre personnage principal.

Pour répondre au thème du geste imposé par le Nikon Film Festival, nous sommes partis de l’idée que le geste est un moyen de communication complémentaire à la parole. Et donc si cette parole n’existait plus, le geste deviendrait primordial. Nous avons donc voulu écrire une histoire sans parole, et les faits tragiques de cette année pouvaient apporter une certaine dimension à cet aspect-là, puisque les attentats ayant touché Charlie Hebdo visaient la liberté d’expression.

Ce que nous voulions surtout faire, par le biais de ce court-métrage, c’était faire entendre un message d’espoir. Apporter un peu de magie, et donner le sourire aux personnes qui le regarderont. Finalement, nous sommes ce qu’il reste.

À quel point a-t-il été inspiré de l’actualité ?

Les attentats se sont déroulés un mois avant l’écriture de Je suis ce qu’il reste, donc il est évident que nous nous sommes inspirés de l’actualité. Cependant, nous voulions retranscrire ces faits dans un univers particulier, à l’image d’un conte avec une ambiance presque magique. Avant tout, cela reste l’histoire d’un échange à distance entre deux personnages spéciaux qui n’ont plus l’habitude de communiquer, l’actualité étant la raison de cette perte de communication.

Puis, il y a aussi eu une initiative à Paris, suite aux attentats. Même si les gens ne pouvaient pas sortir, certains ont ouvert leurs fenêtres et mis de la musique. Une autre façon de continuer à vivre, partager aussi.

Dans votre court-métrage, vous prenez en charge une réalité extrêmement proche de nous dans le temps. Est-ce que d’après vous le cinéma a une vocation particulière ? Doit-il redonner espoir ?

Colin : Pour moi, le cinéma a pour vocation de procurer des émotions, et donc n’importe quelle émotion, et pas seulement l’espoir.

Manon : Le cinéma est l’art de divertir, de communiquer et de transmettre. Que ce soit une émotion, un message, une idée.
Il ne doit pas forcément redonner espoir, cela dépend des intentions du réalisateur. Mais c’était le message que nous voulions donner.

À part sur les journaux, vous n’utilisez aucun mot. Pensez-vous que le cinéma est un art universel ?

Manon : Le cinéma, comme tout art est un art universel. À l’époque du cinéma muet, alors qu’il n’y avait pas de parole, les spectateurs comprenaient le message que le cinéaste voulait faire passer. Je pense notamment aux films de Charlie Chaplin qui sont presque plus parlants que les films qui sont projetés aujourd’hui.

Colin : Oui, et c’était aussi un défi pour nous de faire comprendre la totalité d’une histoire sans utiliser de dialogues.

Quelle importance accordez-vous au geste ?

On accorde peu d’importance aux gestes habituels en général, nous remarquons seulement les grands gestes ; ceux qui marquent la connerie, le temps ou le changement. Avec Je suis ce qu’il reste, on raconte un petit geste qui devient grand.

L’enfance est une thématique particulièrement présente dans votre film. Associez-vous la magie et l’insouciance de l’enfance à la notion d’espoir ?

Il ne s’agit pas seulement d’espoir ! Les films d’animation ont bien plus d’imagination que les films en prises de vues réelles, évidemment parce que la technique permet des choses que l’on peut difficilement faire en vrai mais pas seulement. Il y a dans ces films pour enfants une liberté d’écriture et de création. Il y a la magie que l’on retrouve trop peu dans les films pour les plus grands.

Quelles ont été vos inspirations ? 

Nos inspirations se trouvent dans les premiers films de Tim Burton, et particulièrement dans Big Fish. Il se dégage de ses œuvres une magie un peu étrange. Après, Hugo Cabret de Scorsese nous a aussi beaucoup inspiré, pour l’univers du conte tout comme Amélie Poulain.

Pour la musique, nous nous sommes surtout inspirés de celle de Là-haut. En effet, nous voulions un côté joyeux, léger, avec des sonorités un peu parisiennes. Puis la boîte à musique de la fin ramène aussi une part d’enfance.

Que pensez-vous des festivals sous leur forme actuelle ?

Il y en a tellement ! Mais pour les plus connus on trouve que les lauréats sont souvent les mêmes. Il y aurait presque une recette pour ça : un sujet sensible à propos de minorités traité de façon mélo-dramatique. Rien qu’avec les films les plus soutenus et les plus vus dans le cadre du Nikon Film Festival, on voit qu’il y a cette tendance à mettre en avant cette manière d’aborder le cinéma. N’y a-t-il pas une façon plus inventive d’évoquer ces sujets ? En tous cas les festivals en général aiment cette recette-là. On a été agréablement surpris de la pré-sélection du Nikon qui ont choisi des films en majeure partie drôles, avec des idées originales. On a hâte de connaitre les lauréats.

Qu’espérez-vous du cinéma de demain ?

Colin : Que ce soit le nôtre ! (rires)

Le cinéma d’aujourd’hui manque d’originalité, de prises de risques. On trouve le cinéma français trop social et réaliste. Ce qu’on attend peut-être c’est de voir des choses que l’on n’entend pas tous les jours. Ou en tout cas de l’entendre d’une autre manière. Il y a 1 000 façons de traiter un sujet que ce soit dans le fond et dans la forme.

Quel est votre prochain projet ? 

On aimerait bien tourner au printemps prochain. On voudrait faire quelque chose de plus long cette fois-ci dans une ambiance différente mais toujours dans un univers proche du conte et du fantastique. Les buildings de Montréal nous inspirent…

Si vous souhaitez découvrir le court-métrage et le soutenir, c’est par ici : http://www.festivalnikon.fr/video/2015/2495

En amour avec la diversité artistique, immergée dans les images et les sonorités, en quête d'une fameuse culture hybride, à la croisée des idées. Sur la route et sur les rails, entre la France et les festivals.

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