MUSIQUE

Embarquement à bord du Transsiberian avec Thylacine

Avec son premier album, Transsiberian, l’angevin William Rezé a.k.a Thylacine nous offre un voyage dépaysant, où les sons de son odyssée sur rails et les sons travaillés de la musique électronique se complètent, toujours harmonieusement. Cet album a été composé au printemps dernier, pendant treize jours, à bord du Transsibérien, lors d’un voyage créatif entre Moscou et Vladivostok. Transsiberian, c’est avant tout le témoignage de cette expédition initiatique, des rencontres toutes plus enrichissantes. Une web-série de dix documentaires courts complète l’album, offrant des images de ce périple et permettant de nous conter le processus de cette création inédite et raffinée.

Au coeur de ce périple de 9 000 km, chacune des dix étapes est pour Thylacine l’occasion de s’imprégner de ces paysages lointains, de rencontrer ces personnes. Chaque morceau enregistré in situ reflète avec sincérité les rencontres, les lieux, les échanges, les 9 000 km et mille gares traversés. « Le lieu l’espace dans lequel je suis se retrouve très facilement dans mon morceau, explique-t-il dans le premier volet de son web documentaire. Beaucoup de morceaux portent le nom des lieux où je les ai faits parce que j’estimais que ces morceaux racontaient ça, ce lieu, cette ambiance, cette atmosphère. » Au gré de mille gares, chaque lieu fera naître de nouvelles voix, de nouveaux outils pour écrire ce voyage musical qu’il compose dans sa cabine de train devenue pour un temps son studio, casque sur les oreilles, tout en regardant défiler les paysages de Sibérie.

Le coup de départ est donné avec Introduction, où se mêlent les bruits de l’attente en gare des passagers bavards et le chant quotidien des rails, d’un sifflet sur le quai. On s’embarque dans un véritable voyage musical avec lui, les valises pleines de sons n’attendant qu’à s’épancher. Progressivement, les mélodies éléctroniques de Thylacine se font plus nettes, jusqu’à se mêler au lieu de la gare, à ce départ. Les portes se ferment, les roues s’enclenchent, c’est parti pour un long voyage.

Train se déploie au rythme des rails. Le bruit hypnotique du roulement, lorsque les roues du train touchent les rails, fait naître une mélodie électronique entraînante, dopante. On imagine les paysages défiler à la fenêtre du train. « Ce rythme était hyper entêtant, il fallait forcément que j’en fasse quelque chose », confie-t-il.

Ce voyage donne aussi la parole à ses habitants, ses voyageurs. A plusieurs reprises, on y entend les voix, mais aussi les chants des populations d’une escale, des voyageurs d’un trajet. Composé lors de l’étape qui le mène de Kazan à Novossibirsk, Belobezvodnoe enveloppe avec préciosité le chant russe dans les sonorités électroniques, mêlant downtempo et rythmes house. Toujours variés mais authentiques, les chants féminins d’Aïkhaï & Mandukhaï puis de Moskva apportent aussi leur lot de métissage, dépaysant et impétueux, cristallisant avec beauté le paysage et notre pérégrination musicale.

Sur Poly, Thylacine réussit à sampler Pilentze Pee du Mystère des Voix Bulgares, sans jamais le dénaturer ou le souiller. Ce chant sacré bercé par la suavité électronique nous transporte et en découle une certaine grandeur contemplative, presque céleste. Après l’élévation, la mélodie entêtante de Piany Pianino nous ramène sur terre, pour quelques pas de danse.

Profond et envoûtant, Chaman nous invite sous sa yourte, au coin du feu, au bord du lac de Baïkal. Avec Thylacine, on assiste à une cérémonie sacrée d’un soir, dans une beauté solennelle. Le chant du chaman, parfaitement rythmé par les beats électroniques et hypnotiques de Thylacine, témoignent de l’authenticité de cette rencontre attachante.

Irkutsk offre une production vocale polyphonique, enregistrée au bord de l’eau. « C’était une grosse claque musicale, confie Thylacine dans le web-documentaire. C’était un très subtil mélange riche de voix. Ces personnes sont allées chercher des chants traditionnels dans les petits villages et se les sont appropriés et qui jouent avec ça. » Dans cette démarche, on retrouve bien celle de Thylacine, parti à la quête de sons d’un voyage pour les contempler, se les approprier, et recréer des ensembles sonores différents, sans jamais dénaturer les sons originaux. Sur Irkutsk, au contact de l’ardeur rythmique du producteur angevin, la chorale polyphonique gagne progressivement en puissance, ne pouvant être retenue. Pour clôturer ce voyage initiatique, la douceur éloquente de Memories nous ramène à la maison, la tête pleine de souvenirs. Un dernier sifflement retentit sur le quai de la gare.

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