SOCIÉTÉ

Quatre ans à dominer l’économie mondiale : qui suis-je ?

Classe, compétente, charismatique au point de viser l’Elysée en 2017… Qui suis-je ? Première en 2014, j’ai été reléguée au troisième rang du très glamour classement de Vanity Fair des 50 Français les plus influents dans le monde. Mes discours sont étudiés avec autant de précision que mes looks. On dit de moi que je suis l’une des chefs d’Etats les plus puissantes au monde et pour cause, j’en supervise 187. Il se dit également que je cache avec superbe une main de fer dans un gant de velours. Je suis, je suis ?

Christine Lagarde, voyons.

Ministre de l’Economie sous Nicolas Sarkozy, j’ai été élue en 2011 pour faire oublier la disgrâce amorale d’un de mes compatriotes, Dominique Strauss-Kahn. La tâche était loin d’être aisée, sur fond de contestation misogyne, pour prendre la suite de l’expertise brillante de mon prédécesseur, et surtout du fait de la technicité de la fonction.

Je suis une ancienne juriste, auparavant à la tête d’un grand cabinet d’avocats et tous louent ma compétence après quatre ans passés au sommet de cette institution économique mondiale qu’est le FMI.

Si j’avais à dresser un bilan de ces quatre dernières années, je ne vois aucune ombre au tableau. Mettre fin au manque de liquidités en Europe ? C’est moi. Et à peine installée, s’il vous plait.

La crise grecque ? C’est moi. Vous n’êtes pas d’accord ? Allez demander à Tsipras et Varoufakis si je n’étais pas impliquée. Je considère qu’ils ont bien trop noirci le tableau, soi-disant que j’aurais été d’une intransigeance impitoyable en refusant de nouvelles hausses d’impôts comme conditions de nouvelles aides. Sans réformes structurelles en soutien, je suis désolée mais je ne signe pas. Niet. Je ne suis pas la Commission Européenne, moi. Bon, c’est vrai que j’y suis allée un peu fort en disant qu’il était temps de mener les négociations « avec des adultes ». Ça les a un petit peu vexé mais en même temps, je considère que c’était mérité.

C’est en cela que je suis une diplomate hors pair. Je suis libre, malgré le langage policé que l’on est obligé d’adopter. Il faut bien que je me fasse respecter, non ? Que je dispose d’une réelle autorité, non pas que je me contente de vagues promesses. La situation est bien assez complexe.  C’est comme ça : non aux hausses de budgets publics. Tant pis pour les Grecs.

L’ouverture aux pays émergents ? C’est moi. Parce qu’apparemment, on m’accuse de ne pas avoir réussi à leur laisser assez de place. Alors oui, le Congrès américain m’a bien compliqué la tâche dans l’application de la réforme laissée en suspens par DSK. Mais attendez, je les ai fait plier les sénateurs. Oui, le 18 décembre. Ils ont ratifié la reconnaissance de l’autorité mondiale de mon institution. A ce jour, les ressources du FMI ont été doublées, les pays émergents disposent de plus de poids, surtout la Chine.

Alors n’allez pas me dire ça. Oui, d’accord, ma candidature représente la main-mise des Occidents sur cette institution mondiale. Mais ce n’est pas de ma faute si personne ne peut rivaliser avec moi, qu’est-ce que j’y peux ?

J’ajouterai que la transparence, c’est aussi moi. Tous les Français vous diront le contraire, ils m’associent à l’affaire Tapie, grand mal du pays. Je ne suis pas d’accord, j’ai déposé un recours devant la Cour de Cassation. Donc je ne suis pas coupable, à l’heure d’aujourd’hui. Je ne suis pas blanchie pour autant ? Ok, mais les Américains me soutiennent. Et les Anglais aussi : le Chancelier de l’Echiquier, George Osbourne himself, a publiquement loué mes qualités et m’a accordé toute sa confiance pour un second mandat. Na.

Et puis les Français, ils me verraient bien à l’Elysée, ils me placent souvent en tête de leurs sondages. Mais pour ça, j’ai dit non. La politique française ? Plus ja-mais. J’ai annoncé à Davos que j’étais prête à rempiler pour un second mandat devant débuter le 5 juillet. Moins d’une semaine après le lancement de la campagne de désignation, je me considère toujours sans concurrent sérieux. Si je devais choisir un slogan ? Celui que m’a attribué Vanity Fair en 2014 : « écoute, fermeté et habileté ».

Sudiste exilée à Paris, Mazienne #fromthebeginning. Droguée à l'actu, le plus souvent par seringue radiophonique.

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