SOCIÉTÉ

Les climato-sceptiques existent-ils toujours ?

Peu après l’échec du Sommet de Copenhague en 2009, une importante voix climato-sceptique s’était élevée, relayée par les médias, pointant avec virulence la manipulation des données du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les accusant de modifier les relevés de température. Aujourd’hui, le débat dans la communauté scientifique est clos et unanime : le réchauffement climatique est réel. Qui sont donc les climato-sceptiques de l’ère COP21 et quelle visibilité ont-ils dans les médias et l’opinion publique ?

Un consensus scientifique

Est climato-sceptique tout individu niant l’augmentation de la température moyenne à la surface du globe ou le caractère anthropique des changements climatiques, autrement dit la responsabilité humaine dans l’augmentation de la température à la surface de la Terre.

Pourtant, le Scientific American estime à des dizaines de milliers le nombre de scientifiques issus d’organismes variés concordant sur la réalité du dérèglement climatique. A ce nombre, s’ajoute des preuves irréfutables telles que les relevés et mesures des carottes glaciaires, du taux de dioxyde de carbone etc.

L’absence d’alternative cohérente au discours dominant permet de parler de consensus : en effet, la minorité climato-sceptique se contredit et se confond en approximations. Par ailleurs, les pétitions circulant dans l’espace médiatique, notamment celles demandant la non-ratification du protocole de Kyoto, se sont avérées être signées par des scientifiques étrangers au domaine climatique (médecins, vétérinaires) ou n’ayant pas dépassé le stade de la licence ou du master donc n’ayant pas pénétré le domaine académique.

A cela s’ajoute l’enquête édifiante menée par Greenpeace et publiée en décembre dernier dénonçant le manque d’objectivité et la corruption de certains académiciens dont les publications sont commandées et financées par des industriels des combustibles fossiles. C’est notamment le cas de l’astrophysicien Willie Soon qui a écrit que le réchauffement de la Terre n’est pas dû aux émissions de carbone mais à l’activité solaire. Ce qu’il ne dit pas, c’est qu’il a obtenu en échange de ses articles une somme rondelette d’1,3 million de dollars provenant d’une industrie pétrolière.

Cette unanimité scientifique et les récentes découvertes qui sèment le doute sur le bien-fondé des articles universitaires climato-sceptiques n’y sont probablement pas pour rien dans l’énorme progrès constaté. Même s’il est encore trop tôt pour juger des avancées de la COP21, une chose est certaine : en 2015, aucun gouvernement ne nie la réalité du réchauffement climatique. Pourtant, malgré la reconnaissance du phénomène à l’échelle mondiale, il reste encore des terres d’irréductibles combattants de la doxa “réchauffiste” dominante.

L’Amérique républicaine et climato-sceptique

Si les experts convergent pour affirmer la réalité du réchauffement planétaire, ce n’est pourtant pas le cas de l’opinion publique américaine menée par certaines personnalités politiques. Les récentes statistiques publiées par le think tank américain Pew research center montrent que 25 % de la population des États-Unis ne croient pas au réchauffement climatique de la planète. Un pourcentage exubérant par rapport au consensus scientifique qui se dégage sur le sujet.

En réaction à la politique écologique du Président Obama, la pratique du rolling coal, littéralement « charbon roulant » s’est développée dans des franges assez extrémistes de l’Amérique républicaine. Cette pratique consiste à trafiquer le pot d’échappement du pick-up familial pour lui faire cracher une fumée noire toxique. Des rallyes polluants sont même organisés en Virginie, là où deux tiers de la population se dit climato-sceptique. En d’autres termes, il s’agit tout simplement de polluer pour polluer.

coal

Selon le groupe de réflexion Center for American Progress, 70 % des sénateurs républicains affichent des positions climato-sceptiques. James Inhofe en est un exemple de longue date. En 1997 il s’opposait à la ratification du protocole de Kyoto sous prétexte que le réchauffement climatique est « l’une des pires blagues perpétrées à l’encontre du peuple américain ». Il se faisait encore remarquer en février dernier en exhibant une boule de neige en plein Sénat pour contester le dérèglement climatique et la tenue de la COP21.

Le candidat à l’investiture républicaine Donald Trump ne voit quant à lui qu’un complot fomenté par les chinois dans le but de rendre l’industrie américaine non-compétitive. Une future victoire républicaine signifierait un recul décisif dans les progrès opérés à Paris.

En France, un débat tabou ?

A contrario de l’agitation outre-Atlantique, l’environnement transcende le clivage gauche-droite en France. Le clash « pro » et « anti » ne trouve pas sa place dans l’espace politique. Il occupait plutôt l’espace médiatique en la personne de Claude Allègre, figure de proue du climato-scepticisme hexagonal. Géochimiste et ancien ministre de la Recherche sous le gouvernement Jospin, il clamait le “droit au doute” mais les contresens dénoncés dans son dernier livre, L’Imposture climatique, et la réfutation de sa thèse – le réchauffement n’est pas lié à l’activité de l’Homme – par l’Académie des Sciences en 2010 ont plongé la voix climato-sceptique française dans le silence.

Dorénavant, même cette sphère médiatique semble hermétique à ce discours. L’affaire Verdier illustre ce changement : les propos écologiquement incorrects sont désormais sanctionnés.  En effet, Philippe Verdier a été licencié peu avant la tenue de la COP21 suite à la parution de son livre Climat Investigation dans lequel il affirme que le réchauffement marque une pause depuis 18 ans et souligne les conséquences positives que celui-ci pourrait avoir, sur l’agriculture entre autres. Mais là encore on retrouve la principale critique adressée aux climato-sceptiques : Philippe Verdier, diplômé d’un master en développement durable, a-t-il la compétence nécessaire pour remettre les allégations scientifiques dominantes en cause ?

En France, une jeunesse mobilisée pour la planète a davantage été mise en valeur à travers les youtubers scientifiques qui ont consacré des vidéos sur le sujet, largement partagées sur les réseaux sociaux. Une vidéo qui s’est particulièrement démarquée résulte du partenariat réussi de Nicolas Hulot – ou Nicolas Yolo, comme il a été rebaptisé pour l’occasion – avec Golden Moustache. La vidéo a récolté plus de 5 millions de vues en deux semaines. Une jeunesse consciente et concernée, voilà la lueur d’espoir à retenir pour l’avenir des négociations sur le climat.

 

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