Premières conquêtes d’envergure pour le Front National, effondrement de la Gauche, regain de forme à droite : toutes ces prévisions se sont avérées erronées au soir du second tour des élections régionales, pour laisser place à une toute autre musique. Une élection qui a réservé de nombreuses surprises, riche d’enseignements à tirer pour tous les partis, à l’horizon de la présidentielle de 2017.
Résiste, prouve que tu existes
Même s’il n’était pas clairement visible sur les visages, le soulagement était bien là chez les socialistes. La défaite annoncée fait finalement moins mal que prévu. Avec cinq grandes régions préservées, correspondant à dix anciennes, la Gauche limite très largement la casse. Le PS l’emporte donc comme attendu en Bretagne, grâce à Jean-Yves Le Drian qui, sans alliance avec les écologistes et les communistes, augmente son score de 2010. Le quart sud-ouest Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes et Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon reste également dans le giron socialiste, accompagnées par la Bourgogne-Franche-Comté et, plus étonnant, le Centre-Val-de-Loire.
Cependant, pas de triomphalisme dans les rangs socialistes. Le premier d’entre eux, Jean-Christophe Cambadélis, a d’ailleurs pris un ton grave après l’annonce des résultats : « Ces résultats constituent un succès sans joie », rappelant ainsi le contexte de campagne difficile après les attentats du 13 novembre, et l’abstention toujours trop haute selon lui. Avant de se fendre d’un appel solennel au gouvernement de Manuel Valls : « Il faut agir contre la précarité et pour l’activité comme nous nous sommes attaqués à la compétitivité et à la refondation de l’école. C’est l’inflexion qui doit intervenir dans les dix-huit mois à venir », a ainsi déclaré le premier secrétaire du PS, comme une invitation à tirer les enseignements de cette élection qui a vu le Front National obtenir les meilleurs résultats de son histoire en termes de voix.
C’est ta chance, le cadeau de ta naissance
Une chance que les héritières de la dynastie Le Pen ont laissé filer. Que ce soit face à Xavier Bertrand pour Marine ou face à Christian Estrosi pour Marion, le pari de remporter ces deux régions dans lesquelles le Front National était arrivé en tête est perdu. La faute au « front républicain » dans ces deux régions. Le retrait des candidats socialistes en Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en PACA a en effet pleinement bénéficié aux candidats de la droite et du centre. Même chose dans la grande région Est, où Philippe Richert a pris le meilleur sur Florian Philippot, malgré le maintien du candidat socialiste Jean-Pierre Masseret, dont le score a baissé par rapport au premier tour.
Y’a-t-il donc un véritable plafond de verre indépassable pour le Front National ? Tout n’est pas perdu pour le parti d’extrême-droite bien au contraire. D’abord, le FN réalise un score historique, avec 6,8 millions de voix sur l’ensemble de la France, soit 400.000 de plus que suffrages qui s’étaient portés sur Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle 2012. De plus, le Front National triple ses conseillers régionaux, passant de 118 à 358. Mais comment l’emporter en 2017, quand visiblement aucun report de voix ne s’effectue sur le parti d’extrême-droite ? Continuer la dédiabolisation. Et ce fût le cas dès hier soir, dans les éléments de langage : pour Marine Le Pen et Florian Philippot, c’était dire « patriotes » plutôt que « Front National ». Se débarrasser de l’héritage de papy Le Pen et de ses amis de l’OAS avec qui il a créé le Front National n’est pas chose aisée. Et sans alliances avec les partis du « système », la victoire en 2017 semble très compliquée.
Ça s’en va et ça revient, c’est fait de tous petits riens
Finalement, le plus grand perdant de la soirée, c’est certainement Nicolas Sarkozy. Le président du parti Les Républicains espérait certainement un raz-de-marée plus important. Même si le bilan est loin d’être mauvais : sept régions métropolitaines plus La Réunion tombent dans l’escarcelle du rassemblement de la droite et du centre. Rappelons tout de même que Xavier Bertrand et Christian Estrosi ont bénéficié du retrait de leurs adversaires socialistes, pour faire barrage au Front National. Les deux « belles prises » de la soirée sont d’abord la Normandie, où Hervé Morin, président du Nouveau Centre et ancien ministre de la Défense, a devancé son adversaire socialiste d’à peine 5000 voix, mais surtout l’Île-de-France, où Valérie Pécresse a remporté son pari en battant Claude Bartolone, après une semaine d’entre-deux tours très tendue.
Cependant, les relatifs bons résultats de la droite pour ces élections régionales ne saurait occulter les dissensions internes. Dès l’annonce des résultats, Nathalie Kosciusko-Morizet a une nouvelle fois violemment critiqué la stratégie du « ni Fn, ni PS » prônée par Nicolas Sarkozy, se félicitant ainsi que certains électeurs de droite aient favorisé l’élection de listes de gauche, comme en Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon. Ce qui lui a coûté cher, puisqu’elle a été évincée de la direction du parti ce lundi. De son côté, Jean-Pierre Raffarin a appelé à prolonger le front républicain, et s’est dit prêt à travailler avec le gouvernement. Un avant-goût sérieux de la bataille pour la primaire de la droite prévue l’année prochaine.
Le bilan de ces élections régionales, c’est que tout le monde a un petit peu gagné, et un petit peu perdu : le PS a bien résisté mais peut avoir des regrets en Normandie et en Île-de-France ; Les Républicains et l’UDI sortent vainqueurs en nombre de régions conquises, mais ne réalisent pas un grand chelem ; enfin le FN ne dirige aucune région, mais fait le plein de voix à dix-huit mois de l’élection présidentielle. Une petite chanson française comme introduction au grand concert de la prochaine élection présidentielle. Achetez vos tickets, il y en aura pour tout le monde.