C’est avec ces mots que Marion Maréchal-Le Pen définit l’art contemporain. En effet, lors de la clôture des universités d’été du Front National à Marseille, l’élue a affirmée qu’en cas de victoire aux régionales, elle ne subventionnera plus les structures dédiées à l’art contemporain dans sa région. Une affirmation qui n’a pas laissé les artistes de marbre, comme en témoigne par exemple les actions du collectif Friche Belle de Mai. Retour sur une initiative marseillaise pleine de répondant, ainsi que sur l’histoire des fameux « deux points rouges sur une toile ».
« Dix bobos qui font semblant de s’émerveiller devant deux points rouges sur une toile, car le marché de la spéculation a décrété que cet artiste avait de la valeur, n’est pas franchement ma conception d’une politique culturelle digne de ce nom”, a déclaré la candidate en région PACA pour le Front National, avant d’ajouter que cette “idéologie de l’absurde qui conduit à déverser dans des expositions des sommes inversement proportionnelles au nombre de visiteurs. » Durant la campagne régionale, les attaques de la candidate FN se sont accumulées, que ce soit contre le planning familial ou l’art contemporain. Rien de nouveau certes pour ce parti dont les propositions appellent à un replis sur soi et à un certain conservatisme. Mais c’est bien la première fois dans l’histoire politique française que ces menaces pourraient voir le jour, que ce soit en PACA ou dans le Nord. Marion Maréchal-Le Pen souhaite alors un retour « à la culture populaire où notre patrimoine et notre identité seront mis en valeur ».
Ses inquiétantes déclarations n’ont pas manqué de faire réagir le monde culturel, notamment dans la première région visée, en PACA, où de nombreux festivals et lieux culturels essaient déjà tant bien que mal de continuer à exister. Parmi les réactions, il y a eu l’initiative de la Friche la Belle de Mai à Marseille. Cette immense fabrique artistique qui accueille de nombreuses structures d’art contemporain, mais aussi des salles de spectacles et des studios de tournage, est un des plus important espace de vie et de culture dans la cité phocéenne. Suite aux déclarations de la candidate FN, La Friche à alors eu l’idée de lancer « Une journée du Point rouge ». Une formule intelligemment tournée face à des propos pour le moins réducteurs, et surtout, une journée citoyenne sous le signe de l’échange et … des points rouges ! D’ailleurs, le collectif a également publié un manifeste « De la nécessité des points rouges » qui réunit déjà de nombreuses signatures. Kofi Annan a affirmé, « c’est l’ignorance, et non la connaissance, qui dresse les hommes les uns contre les autres ». Une piqure de rappel utile en ces temps où l’obscurantisme tente de se frayer un chemin pour se faire une place dans notre société. Alors, afin d’en savoir plus, et peut être tenter de comprendre le mouvement artistique visé par les propos de la députée de la troisième circonscription de Vaucluse, voici un petit retour historique.
C’est un rond noir sur fond blanc, ainsi que toute une série de tableaux exposés en 1915 à Saint-Pétersbourg par le peintre russe Malevitch, qui va bousculer à cette époque le monde de la peinture. Une transgression qui s’est inscrite dans l’histoire de l’art sous le nom de suprématisme. Un tournant incontestable, désormais exposé et visité dans les musées du monde entier. À travers son œuvre, Malevitch était à la recherche de l’abstraction totale, et a engagé son travail vers une réduction minimale à la couleur seule. Ainsi, uniquement celle-ci subsiste, et la peinture peut alors exister par elle-même. Se détacher du passé de la peinture pour se raccrocher plus sensiblement au monde. Il est à la recherche de l’équilibre parfait, entre formes géométriques et couleurs, il cherche l’épuration. Un coup de pied dans la fourmilière des peintres du début du XXème siècle. Un coup de pied et un coup de maître, dont la sensibilité et la subtilité ne touche certes pas tout le monde, mais qui mérite sa place dans des lieux dédiés. Et c’est tout autant le cas pour les nombreux artistes qu’une décision de coupure de subventions toucheraient en pleine âme et qui représenterait une perte culturelle immense pour notre pays.