MUSIQUE

Esthétique de la musique électronique – Rencontre avec CRi

CRi du cœur, à défaut d’écrire un « coup de cœur » trop bateau. Mais quels autres termes employer à l’écoute des productions de ce montréalais programmé à M pour Montréal en novembre dernier ? Nouveautés auditives, et discussion constructive, rencontre avec Christophe, mains habiles derrière le projet à la beauté travaillée.

Alors, qu’est-ce que c’est, CRi ? 

Qu’est-ce que c’est ? Eh bien, c’est moi, c’est tout. C’est mon premier projet de musique électronique. J’ai commencé il y a trois ans et maintenant je collabore quand même très souvent avec Ouri. C’est elle qui joue avec moi les live. Je collabore aussi souvent avec la même chanteuse qui est Odile. Donc en bref, CRi c’est moi, mais en live il y a un band avec Odile et Ouri qui sont dedans aussi. À l’instar de Caribou qui est comme Daniel Snaith, mais qui a un band de huit membres en live. C’est un peu ça l’idée.

Comment en es-tu arrivé à la musique électronique ? 

Avant je faisais un peu de piano, je chantais aussi un peu, mais ce n’était pas vraiment sérieux. J’ai juste décidé un jour de commencer la musique avec les ordinateurs. Puis ça s’est fait tout seul. J’ai commencé à en faire vraiment beaucoup puis je me suis inscrit en musique numérique à l’Université de Montréal en 2013 où j’ai étudié tout le son et toute la théorie autour de ça. Après j’ai juste continué là dedans.

Ça aide la théorie avant de passer à la pratique ? 

Ça peut aider, mais la théorie ne forme pas à la pratique en soi. Il faut vraiment être dedans pour progresser et en faire tout le temps pour développer quelque chose de solide. Mais c’est sûr que la théorie va t’amener à mieux comprendre les concepts et les outils avec lesquels tu travailles, même si ça n’aide pas trop à la création.

Tu connais donc Superpoze, Thylacine ou Fakear. Je trouve qu’il y a quelque chose qui vous unit dans la musique. Pourrais-tu me parler de tes influences ?

C’est clair que mes influences musicales proviennent beaucoup d’Europe. Tu sais, des gars comme Caribou ou Bonobo sont également de grosses influences pour moi. Il y a aussi Machinedrum. C’est quand même assez diversifié au sens de la provenance.

Et tu as un label de prédilection ? 

Il y a le classique Ninja Tune. C’est vraiment fou là, c’est une institution ! Sinon, il y a Warp aussi. Warp Record c’est vraiment important ! Mais il y en a tellement … J’ai de la misère à pointer qui fait les meilleurs sons. Il y a même des labels rock qui portent des projets de musique électronique et qui font des trucs super cool. Je ne pourrais pas dire que j’ai un label de prédilection même si Ninja Tune reste la référence.

Il me semble que Ghislain Poirier est d’ailleurs le seul québécois chez Ninja Tune …

Oui, Poirier est dessus ! D’ailleurs, c’est un peu comme un mentor pour moi. Il m’a conseillé plusieurs fois quand j’avais des questionnements sur la musique. Comment fonctionnent le métier de musicien, producer, DJ et tout ça.

D’ailleurs, qu’est-ce que tu penses de la scène électronique montréalaise, avec des mecs comme Kaytranada entre autres ? 

Il y en a beaucoup et ce qui est caractéristique de Montréal c’est que c’est très diversifié. Ce n’est pas comme Chicago et le house ou Détroit et Berlin et le techno. À Montréal il n’y a pas un son particulier de musique électronique. Il y a autant des gars comme Kaytranada que comme Jacques Green qui vient de Montréal et qui a un son complètement différent ; comme Lunice aussi. C’est différent, mais c’est de haut calibre, et c’est ce qui pourrait caractériser Montréal.

Et c’est l’effervescence de la ville qui peut aider à créer des projets …

Je pense qu’il y a une sorte de spotlight là et que les gens regardent ce qu’il se passe à Montréal. Mais il n’y a pas une culture définie. En Europe ça l’est plus, c’est plus clair. Il y a de la diversité aussi, mais je trouve qu’en France ils ont leur propre son, les Allemands aussi. Après, la vraie identité de Montréal se retrouve dans le indie rock.

Donc, parlons de CRi, pourquoi cette typographie, ces deux majuscules ?

C’est juste pour se distancier du mot « cri ». Ça n’a pas rapport avec cette action ce nom. Les majuscules n’ont pas vraiment de symbolique, c’est plus esthétique. Puis, je m’appelle Christophe et mon surnom a toujours été Cri. Il n’y avait pas meilleur nom, on m’a toujours appelé comme ça, et c’est court, c’est simple.

J’ai regardé le clip de Pearl et je suis demandée si tu étais exclusivement intéressé par la musique ou si ta curiosité se portait sur l’ensemble des arts. 

Ouais, j’aime pas mal tous les arts et c’est sûr que je m’investis. Pour moi, c’est important le support visuel, surtout dans le type de musique que je fais. Ce n’est pas une musique que je considère comme autosuffisante et aussi puissante seule. Dernièrement, j’ai intégré des projections durant mes Lives et ça apporte vraiment le spectacle ailleurs. Les gens sont plus portés à être captivés par les sons. Ma musique peut-être dansante, mais c’est quand même très ambiant et introspectif alors quand c’est soutenu par des images, ça permet de faire encore plus la fusion entre les spectateurs et la musique. Donc, oui je m’intéresse beaucoup aux arts visuels comme la photo, les vidéos, le vjing, les projections, la 3D, etc.

Puis dans Pearl, la danse est importante ! La danse contemporaine, ça te parle ?

Oui complètement ! Je viens d’un milieu d’artistes, ma sœur est actrice, ma mère est peintre, mon père a fait des films. C’est quand même quelque chose d’important pour moi l’art, puis j’ai toujours été sensible à la danse. Le jeu des pas, c’est vraiment intéressant. Je crois que je suis intéressé par toutes les formes d’art, il n’y en a pas une que je n’aime pas.

C’est une discussion qui revient maintenant régulièrement, que penses-tu de la dématérialisation de la musique ?

J’en pense du bien et j’en pense du mal. Je crois que c’est bien dans le sens où cela permet la démocratisation de la musique, et que ça amène à ce que tout le monde puisse sortir une musique qui peut potentiellement être écoutée par un large public ce qui est vraiment pertinent. En même temps, ça permet aussi l’émergence de beaucoup de trucs sans réelle substance, un peu fade. Il y a beaucoup de musiques qui se répètent, qui sont toutes pareilles dues au fait de cette facilité de publication. Tu n’as plus nécessairement besoin de faire appel à une maison de disque pour que ta musique soit écoutée par un large public. Avec des sites comme soundcloud n’importe qui de son sous-sol peut faire n’importe quoi. Il y a de quoi de magique là dedans, mais on entend aussi souvent les mêmes choses. Ça, ce serait les désavantages du côté de l’auditeur, mais du côté de l’artiste je ne crois pas qu’il y en ait vraiment.

Toi tu as commencé par Soundcloud justement ? 

Ouais, mais ce qui fait qu’aujourd’hui j’ai un petit auditoire c’est vraiment grâce aux vidéoclips. Des gens les voient, se reconnaissent et sont touchés par ça. Comme je disais tout à l’heure, la musique a besoin d’être accompagnée de ce visuel.

Quels sont tes projets maintenant ? 

Ça fait déjà un certain temps que je sors de la musique originale, mais j’ai sorti un nouveau titre il y a un mois. Sinon, je travaille sur un EP qui va bientôt être disponible. Sinon plein de projets, mais j’aime bien rester mystérieux, ne pas trop en dévoiler et garder le suspense le plus possible. J’essaie de conserver une approche minimaliste et d’y aller très lentement. Ce n’est pas dans ma démarche de publier des choses nouvelles chaque semaine.

Une envie pour ce qui va venir ?

Oui, jouer en Europe ! C’est vraiment ça mon objectif ! Et, justement avec des festivals comme M pour Montréal, ça ouvre vraiment des opportunités puisqu’il y a des gens de partout dans le monde qui peuvent écouter ta musique en live. Ça augure juste bien !

Et, ça s’est bien passé ton show de mercredi ? 

C’était la première fois qu’on avait un VJ et ça a changé toute la dynamique. On dirait que les gens ont vraiment embarqué même si c’était tous du monde de l’industrie.

En amour avec la diversité artistique, immergée dans les images et les sonorités, en quête d'une fameuse culture hybride, à la croisée des idées. Sur la route et sur les rails, entre la France et les festivals.

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