Philippe Halsman, c’est une carrière photographique impressionnante de richesses et de diversités : 101 couvertures du magazine LIFE, des collaborations avec les célébrités les plus influentes de son temps (le point culminant de ces rencontres artistiques étant sans doute Salvador Dali), et un large panel de domaines explorés (portraits, reportages, mode, expérimentations plastiques…). Et Philippe Halsman c’est aussi, et surtout, une bonne dose d’humour et de positivité, directement injectée aux visiteurs ; et par les temps qui courent, ça fait un bien fou.
Si l’humour et la légèreté sont maîtres dans l’œuvre de Philippe Halsman, sa jeunesse n’est pas dépourvue de tragique puisqu’en 1928, lors d’une randonnée avec son père, celui-ci meurt des suites de graves blessures, et Halsman est alors accusé de parricide. Libéré quelques années plus tard, sommé de quitter l’Autriche, il arrive à Paris et entame sa carrière photographique (profitant du développement des magazines et de la photographie comme support publicitaire), carrière qui le poussera à devenir l’un des photographes les plus influents de son siècle.
Il commence par ce qui deviendra par la suite sa marque de fabrique : des portraits de personnalités influentes, d’abord issues d’un milieu plutôt artistique (des acteurs, des cinéastes, des musiciens) puis même des sportifs et politiques. Parmi ses célèbres sujets on compte pêle-mêle Marilyn Monroe, Audrey Hepburn, Mohamed Ali, Louis Armstrong, Andy Warhol, Alfred Hitchcock, Fernandel ou Winston Churchill. La particularité de Halsman, c’est le souci et l’attention extrême qu’il porte à la personnalité de ses modèles, qu’il cherche à cerner au mieux pour la délivrer judicieusement à travers l’image. La jumpology, concept de son invention qui consiste à photographier le sujet en plein saut, en est un exemple parlant. Pour Halsman, c’est le moyen parfait de saisir les personnalités qu’il photographie en pleine désinhibition, dans un instant de vérité et de malice.
Les différentes personnalités s’y prêtent avec un plaisir manifeste et contagieux (mention spéciale au duc et à la duchesse de Windsor, en lévitation dans une dignité toute britannique pleine d’humour). L’humour, c’est d’ailleurs la carte préférée du photographe, dans son œuvre comme dans la vie : même les cartes de vœux annuelles sont des mises en scènes délicieusement loufoques de la famille Halsman.
Philippe Halsman, en véritable autodidacte, se sert du studio comme espace d’innovation et d’expérimentation constante à travers le médium photographique. Il joue avec la lumière artificielle (il emploie par exemple la technique nouvelle de la lumière stroboscopique qui produit des flashs intermittents), avec les possibilités infinies du photo-montage.
Son inventivité débordante atteint des sommets dans sa collaboration fructueuse avec Salvador Dali, avec lequel il partage de nombreux points communs. Halsman est à l’origine du projet Dali’s Mustache, un livre-interview dont les réponses sont des portraits photos légendés de l’excentrique peintre. Ensemble, ils livrent des œuvres (photographiques et filmiques) d’un surréalisme jouissif qui nous entrainent dans des mises en scènes fascinantes où les chats font des vols planés et les corps féminins s’assemblent en vanités.
C’est donc une œuvre basée sur l’art de surprendre et d’innover, de jouer et d’amuser pour tirer le meilleur de son sujet, qu’on découvre dans toute sa diversité à travers l’exposition du Jeu de Paume. Etonnez-moi !, c’est ainsi que le photographe résume son propos artistique, à travers cette phrase volée à Serge de Diaghilev. Le pari est réussi : Philippe Halsman, en effet, n’en finit plus de nous étonner.
Philippe Halsman, Etonnez-moi !
Jeu de Paume, Paris
20 oct 2015- 24 janvier 2016