Nous avons rencontré Lior Shoov, une artiste israélienne multi-instrumentiste globe-trotteuse du Chantier des Francos, après son concert au théâtre Verdière de La Coursive. Ce qui nous avais frappé alors, c’était sa spontanéité, sa simplicité et sa poésie.
De quelle manière le Chantier des Francos a-t-il influencé ta manière de travailler ?
Je ne peux pas dire que ça a changé ma manière de travailler, puisque ça fait déjà quelques années que je joue, que je fais des recherches, des expériences dans des chapiteaux, des maisons, des théâtres, dans la rue… ça fait déjà plusieurs années que je joue devant les gens. Je me remets en question assez souvent… Ce qui m’a aidé ici c’est d’avoir un temps pour le faire encore plus ! Ils m’ont quand même aidée et donné comme une permission, à être encore plus… à avoir moins besoin de me protéger derrière mes instruments, être plus moi-même, plus simple. Ils m’ont invitée à aller dans cette direction et j’apprécie, c’est quelque chose que je recherche.
Tu joues seule sur scène : pourquoi ne pas inviter d’autres musicien.ne.s ?
Ça pourrait, si j’ai un bon feeling avec une personne, si j’ai un ami sur la route, un trompettiste, un violoniste, sensible que j’aime bien… ça peut mais c’est vrai que jusque là mon parcours est soliste parce que j’aime gérer, me « dévoiler », devenir encore plus nue et enlever mes carapaces (au moins essayer) en concert… Quand je suis toute seule, je ne peux pas me cacher donc ça m’aide à être encore plus là. Mais après j’aime jouer avec d’autres musiciens, si il y a la sincérité. Et le plaisir ! C’est déjà arrivé que je dise « ah t’es là ! Viens sur tel ou tel morceau ». Mais pour l’instant ça reste du spontané.
Quel instrument préfères-tu parmi tous ceux que tu utilises ?
Je ne sais pas parce que chaque instrument a un petit truc autre, j’aime beaucoup le sanza (le piano à pouce), j’aime beaucoup les tubes qui résonne c’est très simple et chaque note résonne, j’aime beaucoup le ukulélé c’est l’instrument avec lequel je passe le plus de temps, je me balade et compose avec… J’aime aussi les nouveaux instruments que je ne connais pas encore pour jouer pleins de choses différentes mais pour voir ce qui sort de moi. J’écris et compose avec chaque instrument. Du coup c’est pour ça que j’aime bien jouer de nouveaux instruments parce que chaque son sort différemment.
Comment un objet se transforme t-il pour toi en possible instrument ?
Comme un enfant ! C’est très intuitif ! C’est vrai que moi j’aime bien les sons un peu aquatiques, comme les sanzas, les hangs… Je joue, je tente… Bon c’est pas évident de jouer avec un coussin mais des fois c’est tellement rien du tout que c’est intéressant plus que des instruments très complexes : comment pourrais-je m’exprimer à travers ce rien du tout ? Faire sortir la surprise ? C’est cela aussi qui m’intéresse.
Tu voyages beaucoup : comment cela a-t-il influencé ta musique ?
Pour moi c’est très lié, je voyage avec un instrument, ça m’aide à rencontre les gens autrement, pas dans leur quotidien. Si je me balade avec un instrument au milieu de la rue dans la nuit je vais rencontrer quelqu’un qui y est sensible et avec qui je vais avoir un dialogue extraordinaire, pas ordinaire. Du coup je peux me balader dans la ville et être dans le contemplatif et quand je suis sur scène avec ma musique, ce sont mes voyages et toutes ces rencontres qui sont là.
Il y a beaucoup de spontanéité, d’humour dans ton spectacle… Comment appréhendes-tu la scène ?
Chaque fois c’est différent, ce que j’apprends c’est comment trouver la place et l’espace pour accepter ce qui se passe et déjà faire en sorte qu’il se passe quelque chose. Des fois il n’y a pas besoin faire de grand chose, rien que respirer, laisser la vie passer, le cœur battre et accepter de ressentir la peur et trembler, accepter, c’est quelque chose qui est incroyable, accepter là où je suis. C’est pas toujours facile, des fois je n’y arrive pas… Sans vouloir être dans un autre moi, ce que je suis là tout de suite. C’est un processus qui m’intéresse dans tous les concerts, comment être au plus juste avec les gens. Des fois je suis fausse mais je peux me rattraper, j’ai le droit : comment aller vers là où je veux aller et en même temps me laisser aller ?
Tu es en pleine préparation d’album, peux-tu nous en dire un peu plus ?
C’est que je sens que ça va être un autre processus, sur la précision, sur les intentions sur scène aussi mais il y a plus de mouvement sur le moment présent. C’est très intéressant et ça va m’obliger à rechercher la simplicité et vraiment me concentrer sur ce que je veux dire, il faut que je trouve la porte, c’est en recherche. Ça va être un vrai voyage entre moi et mon intérieur, mon imagination !