ART

Climats artificiels : quand l’art contemporain pense les changements climatiques

Du 30 novembre au 11 décembre, à Paris, c’est la COP21, c’est-à-dire le vingt-et-unième sommet durant lequel les chefs d’États présents sont tenus de prendre d’importantes décisions concernant les problématiques liées aux changements climatiques, comme trouver des solutions pour limiter le réchauffement climatique à moins de 2 degrés celsius notamment. Dans le cadre de ce numéro spécial art contemporain, nous vous emmenons découvrir l’approche des artistes face à cette actualité pressante, à travers les Climats Artificiels, poétique exposition installée au cœur de la Fondation EDF.

Cloudscapes, Tetsuo Kondo- ©Maze.fr

Cloudscapes, Tetsuo Kondo

Impossible de la rater. Colonne vertébrale de cette exposition, l’installation Cloudscapes, de Tetsuo Kondo nous invite immédiatement à monter l’escalier, enfermés dans une pièce aux parois transparentes, pour vivre une expérience inédite : traverser un nuage, et tenter de le ressentir physiquement, de se rapprocher au plus près d’un phénomène météorologique normalement inaccessible. Ainsi s’initie notre déambulation à travers les propositions d’artistes contemporains (parmi lesquels Yoko Ono ou Hans Haacke) pour explorer les enjeux suscités par les changements climatiques.

Champs d'Ozone, Hehe, 2007- ©Maze.fr

Champs d’Ozone, Hehe, 2007

L’exposition se divise en trois parties ayant chacune leur problématique propre et une atmosphère particulière.
Les « Catastrophes ordinaires », au sous-sol, se découvrent dans des pièces obscures où l’on entre en traversant d’épais rideaux, prêt à être envoûté par d’inquiétants phénomènes évoquant les issues potentiellement dramatiques de changements climatiques non maîtrisés. De cette manière on peut se confronter à l’installation du collectif Hehe, qui nous montre, presque en temps réel, la qualité de l’air dans le ciel parisien, ou au monde étrange imaginé par Laurent Grasso, où deux soleils éclairent un environnement citadin aux airs post-apocalyptiques.

Soleil Double, Laurent Grasso, 2014- ©Maze.fr

Soleil Double, Laurent Grasso, 2014

« États transitoires » au rez-de-chaussée, nous présente des œuvres en mutation, des équilibres instables, comme le cyclone éternel de Charlotte Charbonnel, ou le morceau de glace de Cécile Beau, qui fond goutte à goutte, inexorablement.

Concrétion, Cécile Beau, 2015- ©Maze.fr

Concrétion, Cécile Beau, 2015

Un peu plus loin, les « panoramas » de Julian Charrière questionnent avec humour notre perception et notre rapport à la nature en recréant des sommets enneigés sublimes qui sont en vérité des monts de gravats de chantier, recouverts de farine.

Panorama, Julian Charrière, 2011- ©Maze.fr

Panorama, Julian Charrière, 2011

C’est à l’étage que nous découvrons finalement « L’état du ciel », tout en nuages et oxygène. Les Sky TVs de Yoko Ono nous invitent à une contemplation sans fin du ciel qui nous surplombe et nous fascine, et tout autour on peut également admirer les propositions nuageuses de Marina Abramovic ou Alison Moffett. Possible aussi d’apprécier l’exacte couleur du ciel de Coney Island, le 21 novembre 2004 avec les ballons de Spencer Finch, ou de glisser la tête à l’intérieur des micro-serres du Village Green de Vaugh Bell.

The Impossibility of Cloud, Alison Moffett, 2014 (papier et graphite)- ©Maze.fr

The Impossibility of Cloud, Alison Moffett, 2014 (papier et graphite)

Les spectateurs, de tous âges, ne manquent pas d’être happés par ces microcosmes entre pureté et artificialité, mêlant état naturel et intervention humaine. La diversité des images et des techniques employées à travers l’exposition permet d’emmener notre regard au fil des œuvres dans un enthousiasme sans cesse renouvelé. Certaines œuvres, faites de systèmes scientifiques complexes, nous émerveillent alors même que leur conception nous est obscure : peu importe, puisque l’intention de l’artiste est là, dialoguant avec le ressenti du spectateur. L’emploi de la vidéo au sein des installations (parfois développées avec une technologie de pointe toujours plus impressionnante) nous plonge notamment au plus près du réel, dans une volonté presque documentariste (du moins c’est ce que l’on perçoit, entraîné dans l’univers de l’artiste qui capture les images ou les crée de toutes pièces).

Sky Over Coney Island (21/11/2004, 1h14 pm), Spencer Finch- ©Maze.fr

Sky Over Coney Island (21/11/2004, 1h14 pm), Spencer Finch

Les artistes nous interpellent quant à notre rapport à notre environnement, à la survie de notre planète. Loin d’un discours alarmiste ou ouvertement didactique, ils nous invitent à ralentir, nous initient à la contemplation et traduisent en émotions les données et les chiffres bruts des enjeux climatiques au cœur de la question de notre survie future. C’est une alternative que nous proposent cette vingtaine d’artistes contemporains rassemblés ici autour du climat, une alternative poétique, métaphorique et envoûtante à la réflexion politique et financière qui se trouve au cœur du débat à l’aune de la conférence des parties sur les impacts des changements climatiques.

Cloud with Its Shadow, Marina Abramovic, 1971-2015- ©Maze.fr

Cloud with Its Shadow, Marina Abramovic, 1971-2015

L’artiste s’inscrit en témoin de notre monde contemporain, et il participe à son histoire à travers le message porté par son œuvre. Reflet des enjeux de notre société moderne, l’art contemporain c’est alors un moyen de réflexion et de sensibilisation à travers l’émotion instantanée qui touche l’individu, qui nous pousse à nous questionner toujours plus, à interroger ces enjeux sous des angles inédits, et sans doute aussi, à réfléchir le monde et ses idéaux d’une manière différente, peut-être plus douce, plus bienveillante ou alors plus urgente, mais dans tous les cas, sans doute plus poétique.

Climats Artificiels,
Fondation EDF,
Du 4 octobre 2015 au 28 février 2016

Etudiante en cinéma à la Sorbonne Nouvelle, passionnée d'art et de culture, et aimant en parler.

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