MUSIQUE

Rencontre avec Flavien Berger

À l’occasion de son premier album, Léviathan, Flavien Berger figure sur la programmation de La Route du Rock 2015. C’est donc autour de trois bouteilles d’eau et une bouteille de limonade qu’on l’a rencontré pour parler nourriture chinoise et musique. 

Parle-nous un peu de toi, d’où viens-tu, et plus spécialement, pourquoi t’es tu décidé à te lancer dans la musique ?

Je ne me suis pas décidé à me lancer dans la musique, je faisais de la musique et puis un jour on m’a proposé de faire un disque, puis un autre, puis un autre. Je parle de moi ; je suis un humain, français, qui a grandi à Paris, dans le 13e arrondissement, plus particulièrement dans la zone du quartier chinois, c’est un p’tit peu ce qui a pu inspirer des films comme Blade Runner, ou dans le futur, “La planète serait plus asiatique qu’occidentale”, donc je viens de là. Après un jour on m’a offert une Playstation, quand j’étais p’tit, je jouais à des jeux vidéos, puis on m’a donné un jeu pour faire de la musique, toujours dans le quartier chinois, donc quand j’arrêtais de jouer je sortais manger de la nourriture asiatique et j’apprenais à faire de la musique sans m’en rendre compte en jouant, et c’est comme ça que petit à petit ma pratique musicale s’est engagée. C’est-à-dire que j’avais l’impression de jouer à des choses alors que j’apprenais à faire de la musique avec des outils qui sont ceux de notre génération, qui sont des outils numériques. Et puis après je redescendais et j’allais remanger de la nourriture chinoise. Et puis petit à petit j’ai décidé de manger des fruits exotiques, et donc un supermarché qui s’appelle Exo Store a ouvert à côté de chez moi et proposait pleins de fruits du monde entier, et très vite je me suis rendu compte que ça ne servait plus à rien de voyager… Nan j’dis n’importe quoi [rires].

Et dans 5 ans, tu te vois où ?

Dans 5 ans ? Bizarrement je ne me projette pas trop, disons qu’en fait je n’ai pas d’attente par rapport à la musique que je fais puisqu’on est là pour ça, c’est la musique qui fait qu’on discute, donc en fait les choses se passent assez bien pour un projet indépendant, et je ne préfère pas avoir d’attentes, je crois beaucoup en la forme sinusoïdale, c’est à dire la montée puis la descente, puis la montée puis la descente sans être pessimiste, je crois aux vagues et y’a un moment où t’es au sommet de la vague et un autre moment où t’es au creux de la vague. Je ne me dis pas au sommet de la vague mais je me dis que par rapport à ce que je fais et par rapport à la manière dont les choses se sont faites simplement je ne m’attends pas à ce que ça monte en puissance. Je m’attends juste à continuer à faire de la musique de façon simple, pouvoir la diffuser de façon simple, et que les gens puissent l’écouter de façon simple et c’est pour ça que je sors un album gratuit à Noël, pour expliquer que je ne gagne pas d’argent avec mes disques. Quand la musique ne me coûte pas d’argent à faire, je ne vois pas pourquoi je devrais la faire payer aux gens. Ensuite, dans 5 ans je pense que ça sera la guerre, donc je me vois entrain de fabriquer une espèce de cabane dans un endroit que je ne dis pas parce que ça sera top secret, où je pourrai faire de la musique de manière clandestine, libre, et résolument moderne dans un bunker secret et où on fera régulièrement des réunions où les gens pourront manger de la nourriture locale et donc asiatique mais sans donner plus de précisions sur le lieu.

Et est-ce qu’il y a un album qui t’a vraiment marqué, un premier choc musical ?

Dès qu’on parle de musique je suis assez paniqué, parce que je ne vois pas pourquoi en parler d’une plus qu’une autre. Le vrai premier choc musical pour moi ça a été sans doute la BO du film Ghost Dog de Jim Jarmusch qui est composée par un producteur de hip-hop qui s’appelle RZA qui fait partie du groupe Wu-Tang Clan. Jim Jarmusch c’est un cinéaste new yorkais qui fait du cinéma d’auteur, avec beaucoup de discussions, beaucoup de prises de tête contemporaines, et il a fait un film donc qui s’appelle Ghost Dog qui est un remake du film de Melville qui s’appelle Le Samouraï avec Delon qui est l’histoire d’un samouraï en gros, mais un samouraï moderne, et donc RZA, lui, travaille avec des samples, des boites à rythme et il a réussi à faire une BO qui est pour moi assez mystérieuse dans la manière dont elle a été faite, assez magique. Dont le morceau Flying Birds, qui est absolument fou.

leviathan

Ta musique est électro-pop, expérimentale, est-ce que tu te vois rester dans le même rayon ?

C’est un très beau mot ça, parce que tu commences ta question par des genres musicaux, qui est une notion qui est apparue à cause des rayons, justement, de vente de disque, par la commercialisation de la musique, et je pense que l’on peut parler de la musique avec plein d’autres termes que des genres musicaux comme l’électro, rock, pop, et, bien sûr, okay, je suis pour qu’on donne des catégorisations à la musique et c’est une manière de communiquer entre humains, mais je pense qu’on va avoir, dans le futur, plein d’autres moyens pour parler de la musique, en s’apparentant à beaucoup plus de champs sémantiques qui s’écartent de ce qui se fait justement dans les rayons de vente de disques, parce qu’en plus on ne vend plus de disques, personne n’achète les disques, ma mère a acheté mon disque mais moi je ne suis pas sur TF1 donc les gens n’achèteront pas mon disque. C’est une autre manière de communiquer la musique, moi même je vais parler d’un groupe que j’aime et je vais être obligé de faire un mix entre 3 genres, mais je trouve qu’on pourrait se battre contre ça et trouver des couleurs ou des termes de minéralogie, ou parler d’animaux ou de motifs pour parler de musique, plein de trucs qui ne sont pas le genre décidé par ceux qui vendent ces disques là. Après moi je pense que, si tu regardes mes morceaux, dans mon album y’a plein de morceaux qui n’ont pas du tout le même genre, y’en a un qui est électro, un qui est pop, mais du coup mon style c’est l’accumulation des genres dont on parle ? Ou est-ce que c’est prendre le tout et faire une espèce de moyenne des genres utilisés ? C’est super technique. Du coup je pense que je ferai plein de genres différents, mais j’espère que ça sera toujours ma musique.

Est-ce qu’il y a un artiste avec qui tu aimerais bien collaborer ? 

J’aimerais bien travailler avec D’Angelo, qui est un mec qui fait de la soul amércaine, qui a sorti en 2000 un album qui s’appelle Voodoo qui pour moi a été un des albums le mieux produit dans l’histoire de la musique, en termes de choix et de sonorités il n’a pas vieilli, il a 15 ans cette année mais on ne dirait pas. Et ce mec après il a fait une crise, il a arrêté de faire de la musique, il a eu un accident, il a pris du poids, il a déconné pendant 15 ans et il a sorti un album l’année dernière et c’est un génie ; mais il a eu trop de pression sur les épaules. Ça a été sans doute un des plus gros succès de l’histoire de la musique noire du 21e siècle. Et j’aimerais bien travailler avec lui parce qu’il chante magnifiquement bien, parce qu’il a des goûts et des volontés qui sont géniaux.

Merci beaucoup, une dernière question, qu’est-ce que tu écoutes en ce moment, qu’est-ce qu’il y a sur ton iPod ? 

En ce moment j’écoute trois trucs : le prochain album de mon pote Buvette qui est sur mon label, il est en train de préparer un album de malade, j’écoute les Meridian Brothers, un groupe un peu science fictionesque complètement tripé, et j’écoute Musique Chienne, qui est quelqu’un que j’ai croisé à Bruxelles, et qui fait de la musique mortelle sur Soundcloud, elle ne sait pas que j’écoute sa musique mais c’est super beau.

Suivez Flavien Berger lors de La Fête Noire Tour :

flav

  • Article en collaboration avec Elsa Verrimst

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