CINÉMA

Œufs-mouillettes, sandales-chaussettes

« Entre nous, ça se regarde non ? Je suis sûr que cela fera un bon succès populaire » ; entendre cela à la sortie d’un film est certainement la chose la plus inquiétante qui soit, surtout quand il s’agit d’un tel(é)film. Cette chose brillantissime que nous venons de voir sera peut-être un succès grand public. Effroi. Le lien entre comédie effroyablement mauvaise et succès populaire est évident. Effroi.

Ah non, Eloi, le héros du film s’appelle Eloi, alias Lolo, fils de Violette alias Mamounette. Violette, directrice artistique parisienne dans le milieu de la mode, laisse Lolo sans œufs-mouillettes pendant quelques temps pour aller se prendre « des jets d’eau dans la chatte » en jacuzzi avec Ariane (Karin Viard) et se prendre un thon sur les genoux dans les environs de Biarritz. Par un concours de circonstances très surprenantes (évidemment), elle tombe amoureuse de Jean-René, informaticien provincial adepte des sandales-chaussettes. Au plus grand plaisir de Lolo, Jean-René s’installe à Paris et lui fait un bleu au pancréas avant même de lui serrer la pince. Un début détonnant mais étonnamment grisant.

Le film est bourré, comme Jean-René, de bonnes idées. Un tantinet trash, porté sur le sexe ; les gags et les blagues sont là, mais meurent (presque) toutes dans l’œuf (sans mouillette, cette fois). La raison est toujours la même : Julie Delpy explique ses situations, nous prend pour des cons. Jean-René en sandales-chaussettes qui fait griller du thon dans une soirée sangria, c’est suffisamment ridicule en soi, avec toute l’intolérance du monde, pour que ça fasse potentiellement sourire ; mais non, elle préfère expliquer et décrire tous les éléments de sa scène. Habillé comme ça, Jean-René fait forcément plouc. La sangria maison dégueulasse, c’est clair que c’est loin du champagne des galeries d’arts parisiennes. La réalisatrice, en surjouant avec toute la dramatisation du monde les répliques de Violette, juge ses propres scènes, son propre film. Grosse erreur.

© Mars Distribution

© Mars Distribution

Heureusement pour le reste du film, le cynisme de Vincent Lacoste, incarnant Lolo, débarque : ça rue dans les brancards. Psychopathe, « fils de », ultra-bobo, sa façon de porter des slips et ses moues suffisent. Sa tendance à avoir des idées saugrenues comme mettre du poil à gratter dans les vestes de « J-R », des tranquillisants dans son champagne ou des filles dans son lit tirent et tireront forcément des sourires. Mais ajouté à un Ramzi en nouveau riche conduisant une Aston Martin ou à un Beigbeder s’adressant à un poulet dans un tuto cuisine, on se demande si ce patchwork de situations sympathiques mal ficelées, mal rythmées et mal montées qu’est le film Lolo n’est tout simplement pas le résultat d’une blague… Nous avons bien trop peur de la réponse.

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