SOCIÉTÉ

Diendéré ou l’échec d’un putsch

Le 16 septembre dernier, des militaires du Régiment de sécurité présidentielle ont pris en otage le président intérimaire du Burkina Faso et son Premier ministre. L’homme de ce coup de force, Gilbert Diendéré, n’aura finalement gardé le pouvoir que six jours avant de capituler face au manque de soutien de la population burkinabé et de l’armée régulière.

« Un soldat qui sait tout mais qui ne dit rien »

Diendéré est la plante vivace du Burkina Faso. Homme de l’ombre, il a pourtant son rôle dans tous les rebondissements politiques qui ont façonné le Burkina moderne : en tant que général de l’armée, il est aux premières loges de la révolution burkinabé de 1983 aux côtés du Che Thomas Sankara, qu’il aide à prendre le pouvoir. Paradoxalement, son nom est mêlé à l’assassinat de ce dernier en 1987, lors du sanglant coup d’Etat de Blaise Compaoré dont il est le bras droit. Le nouveau président crée une milice personnelle chargée de sa sécurité et le nomme à sa tête : c’est la naissance du Régiment de sécurité présidentielle (RSP).

Proche des arcanes du pouvoir et de services de renseignements depuis des décennies, « Golf », comme on le surnomme, apparaît comme l’homme le plus informé du pays. « Il pouvait prédire les coups d’Etat en préparation dans les pays alentours », écrit l’hebdomadaire Jeune Afrique dans un portrait publié en 2013.

En 2014, un vent de mécontentement souffle sur le Burkina Faso : le président Compaoré brigue un nouveau mandat après 27 années de pouvoir contestées. Il engage une réforme constitutionnelle visant à modifier la loi fondamentale qui ne lui permettait plus de se représenter. Ouagadougou sombre alors dans la violence, l’Assemblée Nationale est incendiée. L’autocrate Compaoré quitte le pays, le RSP et le général Diendéré restent.

Une transition démocratique instable

Le diplomate Michel Kafando est nommé président de la transition en novembre 2014 et promet la tenue d’élections dans un cadre démocratique le 11 octobre 2015.

Mais la transition démocratique est malmenée tout au long de l’année 2015 : des tensions apparaissent avec l’ancienne garde prétorienne de Compaoré, le RSP, que le chef du gouvernement souhaite dissoudre. Cette armée parallèle aux soldats surarmés apparaît très vite comme inféodée au Président déchu et dangereuse pour une transition démocratique pacifique. Toutefois, le RSP reste un organisme intouchable sous la houlette du puissant Diendéré qui a de nombreux réseaux et connections. Celui-ci réclame la démission du Premier Ministre Isaa Zalando, fragilisant le nouveau pouvoir en place. Un compromis s’esquisse alors : la garde présidentielle renonce à réclamer cette démission contre l’abandon des projets de dissolution.

Le compromis s’écroule en septembre dernier lorsque deux pro-Compaoré sont écartés de la liste des candidats à la présidentielle… dont l’épouse de Diendéré. Le putsch était désormais imminent. Et effectivement, il est intervenu à un mois d’élections présidentielles cruciales qui devaient acter l’entrée du Burkina Faso dans le groupe très fermé des démocraties africaines.

Diendéré l’éphémère

La rue s’est embrasée dès l’annonce de la nouvelle pour protester contre cette énième tentative de sabordage de sa transition démocratique, durement obtenue en 2014. Sous la pression des manifestants, de l’armée régulière qui est restée loyaliste et de la condamnation unanime du coup d’Etat par les instances internationales,  Diendéré a capitulé et s’est confondu en excuses dans un discours que les burkinabés jugent « pitoyable ».

Le Président et le Premier ministre ont repris les rênes du pays, mais ce coup d’État laisse tout de même le Burkina face à de nombreux débats et points de désaccords  : le désarmement du RSP, l’amnistie des putschistes, le droit des fidèles à Compaoré à se présenter à d’éventuelles prochaines élections…

Mais force est de constater que les burkinabés ont une fois de plus livré une belle leçon de démocratie en mettant à mal « le coup d’Etat le plus bête du monde », comme ils le surnomment eux-mêmes. Effectivement, la société civile se structure de plus en plus et prend confiance en elle depuis 2014. Il eût été peu probable qu’un an après l’éviction de Compaoré le peuple change d’avis et accepte son retour implicite. Et effectivement, ce coup d’Etat a démontré que le pouvoir revient de plus en plus à la population qui s’octroie avec succès le droit de décider de son avenir politique. Le printemps burkinabé est en marche.

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