Larytta joue sur scène avec une légèreté qui ne rappelle en rien celle de leurs bagages. Duo d’artistes et producteurs formé par Guy Meldem et Christian Pahud, ce projet est né il y a déjà quelques années, en 2004. L’année suivante, un premier EP éponyme naissait de la synergie des deux amis. Bientôt suivi par un second, puis par l’album Difficult fun en 2008, la notoriété des garçons grandissait à vue d’œil. 2014 sonne le retour des Larytta, avec Jura et ses 11 morceaux pop aux accents électro. A l’occasion du Paléo Festival, nous avons rencontrés les deux artistes, prêts à disputer ce match à domicile.
Vous êtes originaires de Lausanne et vous venez cette année jouer sur l’une des scènes du Paléo, plus grand festival de Suisse. Comment on se sent quelques heures avant de monter sur scène ?
Assez détendus parce qu’on n’est pas très « traqueurs » donc ça va. On aura un petit pincement avant de monter sur scène mais quand on est dans les coulisses avant le concert, on le prend comme un concert habituel, c’est à dire qu’il va falloir se donner, bien jouer, accrocher le public. Ça, ce sont des choses que l’on remet sur le tapis tous les soirs. Après, c’est plutôt quand on y réfléchit, c’est moins reptilien. C’est une reconnaissance culturelle régionale pour nous de pouvoir jouer ici. Cela veut dire qu’on valide un petit peu, à travers une invitation comme celle-ci, notre travail aux yeux d’un public plus large et populaire. Et ce n’est pas rien pour nous !
A la genèse du projet Larytta, vous étiez deux. Vous avez évolué pour devenir un quartet. Qu’est-ce-qui a motivé votre choix ? Est-ce une décision réfléchie ou est-ce-que ça s’est imposé à vous ?
Quand nous composons les albums, que nous les produisons, que nous les réalisons, nous sommes toujours deux. Nous sommes le noyau dur. Et puis nous nous sommes posés la question une fois l’album sorti, de le défendre sur scène. Et puis, quand on est deux, ce sont les avantages et les inconvénients du studio maintenant à l’ère du numérique et des computers, on peut être une bande de jeunes à deux ou tout un groupe à deux. On construit les batteries, puis les basses, et ainsi de suite. Mais nous n’avons que deux mains. Et nous avions envie de défendre cet album de la façon la plus live qui soit. Quand bien même c’est une musique essentiellement électronique, on avait envie que l’urgence et le côté live soit perceptible. C’est pour cela que nous jouons vraiment les choses, à la main, et moins comme des loops (boucles, ndlr) qui tournent souvent quand on voit ces groupes électro-pop. Finalement, il y a un chanteur et vaguement un percussionniste mais le reste ce sont des bandes sur computers qui tournent. Mais nous, on n’avait pas envie de ça donc il nous fallait des bras en plus. Et puis on a demandé à des amis, proches et musiciens, de venir nous compléter sur scène.
Votre musique est un peu inclassable. On dirait de l’indie pop aux accents électroniques, on pourrait peut-être même parler de French touch. Comment composez-vous votre musique ?
Je vais mettre l’accent sur les nouveaux médias. On la compose comme, je pense, une majorité de gens la composent aujourd’hui. Inclassable, ouais, mais finalement, elle est dans l’air du temps. Parce que si on prend la musique électronique populaire, c’est devenu presque un standard maintenant, ce qui n’était pas le cas quand nous avions commencé il y a dix ans. C’était moins habituel. Mais nous, nous étions déjà dans ces collages de diverses influences. Après, merci internet ! On peut avoir accès à plein de musique. Si on est un peu curieux, on va chercher, on peut trouver. C’est ça, plus ça, plus ça, et il y a des sites spécialisés. De plus, nous, nous sommes fans de musiques africaines, de musiques moyen-orientales, asiatiques, et puis on adore en même temps le rap US. Donc c’est un peu comme cela qu’on se nourrit … Avec un avantage et un désavantage de ces nouvelles technologies et d’Internet. C’est qu’il y a tellement que nous faisons tout en surface. C’est-à-dire que nous allons picorer un peu mais pas du tout comme des spécialistes. On va écouter un morceau et on va en retenir sûrement pas l’essentiel, mais l’esthétique. Après, il faut voir si c’est une bonne chose. Est-ce-que c’est la perdition de traditions ou autres ? Nous on est pas là pour porter un jugement là-dessus, on pense que non mais après, on vient y insuffler notre part personnelle. Mais c’est vrai qu’on est allés voler plein de choses chez les autres avant d’en faire notre mix pur.
Et comment se passe la composition en elle-même, plus concrètement ?
Concrètement, j’enclenche une boîte à rythmes, je mets des cases qui s’allument, qui vont créer des boucles. Quand je suis satisfait, je l’enregistre sur mon ordinateur et je laisse ça reposer. Puis mon copain de studio va peut-être passer le jour suivant et se dire que finalement, cette mélodie de guitare qu’il avait trouvé un jour pourrait coller par-dessus. Puis ensuite, on se voit tous les deux, pour mettre les voix. Mais on a pas de refrain alors on va prendre un piano et essayer de trouver un refrain. Puis une fois qu’on est contents, on va l’ajouter. Ce ne sont vraiment que des successions de petits bouts, souvent des erreurs ou des choses pas prévues, et ensuite il faut les assembler. C’est comme de la sculpture.
Et qui écrit les paroles ?
C’est plutôt mon collègue. Moi je suis plutôt dans la production, c’est-à-dire une fois qu’il faut mixer les morceaux, la partie technique des choses. Et lui se charge de la partie texte. Mais on chante tous les deux.
Vos influences semblent être par conséquent assez plurielles. On peut rapprocher votre musique de celle de Phoenix par exemple. Ces artistes sont-ils des modèles pour vous ?
Oui, c’est pas faux. Je trouve que c’est l’un des meilleurs groupes pop de France, parce qu’ils ont réussi à se décharger du poids assez lourd de la musique française pour produire quelque chose de plus international, mais aussi avec une identité sonore assez nette, assez précise. Quand on écoute du Phoenix, on reconnaît tout de suite. Quand bien même ils font des albums avec des productions différentes, les deux dernières (Wolfgang Amadeus Phoenix en 2009 et Bankrupt ! en 2013, ndlr) étaient très pêchues avec Philippe Zdar à la production,qui est aussi l’un des dinosaures de la French Touch, c’est vraiment un groupe que j’aime bien. Mais nous quand on compose, on a plein de gens en tête. On ne les a pas forcément eux, mais parfois on nous en parle. Je pense que ça doit rentrer dans notre cerveau, inconsciemment et puis ça doit avoir une influence.
Parce que maintenant, si je vous demandais vos influences, quelles seraient-elles ? En avez-vous vraiment ?
Non, il n’y en a pas une qui est plus marquante que l’autre. Finalement, elles sont sans cesse changeantes. On est vraiment de gros écouteurs de musique. Assez boulimique mais on trie beaucoup aussi. Dans le RnB par exemple, je n’aime que certains artistes. J’aime Amerie, les productions (mais pas toutes encore) de Timbaland de l’époque.
Pourquoi certains titres en anglais, d’autres en français ?
C’est ce que nous inspire le morceau, ce n’est pas réfléchi. C’est comme quand on fait des morceaux lents, des morceaux rapides, des morceaux à forte teneur électronique, d’autres avec des guitares. C’est à mettre au même plan que ça, ce sont des choix totalement subjectifs.
Votre titre Osama Obama est assez polémique, il faut du culot pour faire un parallélisme entre Barack Obama et Osama Ben Laden. Vous n’avez pas peur des conséquences ?
Non, ce n’est pas polémique, c’est une chanson d’amour à la base. Et puis, je pense qu’avec un titre comme ça, on va se rallier à tout le monde. Si on pense aux extrémistes, ils vont se dire « ah c’est quand même vachement bien ! » et puis les américains diront « ah c’est bien vu d’avoir fait ça ! ». Tout le monde pense que l’un est le gentil et l’autre le méchant, et inversement. Mais je pense que beaucoup plus de monde devrait réfléchir comme ça.
Pour réaliser le clip, vous avez fait appel aux internautes à travers une campagne de Crowfunding. Comment vous est venue l’idée ? Réitériez-vous l’expérience ?
L’idée, c’était pour avoir des sous. On savait que ça existait, c’était simplement pour récolter de l’argent. Mais ça, c’est un truc génial d’Internet. C’est la première fois qu’il y a un outil numérique qui permet de générer ce genre de dons. Je suis assez émerveillé par l’idée qu’Internet puisse être aussi ça, et pas juste une avalanche de choses ennuyeuses.
Dans le clip, on voit justement cette similarité des actions entre les deux personnages qui ont des vies totalement différentes. Quel était le message ?
C’est que finalement, tout se vaut. Ça parle un peu de yin et de yang, tout s’équilibre. Nous vivons donc dans un monde parfait.