SOCIÉTÉ

Oleg Sentsov, martyr de l’autodétermination des peuples

Réalisateur, scénariste et producteur ukrainien, Oleg Sentsov vient d’être condamné ce 25 août 2015 à 20 ans de réclusion criminelle par la justice russe pour « préparation d’actes terroristes ». Les conditions plus que douteuses de son arrestation font polémiques, mais le gouvernement russe ne bouge pas d’un cil devant la pression des manifestants et autres cinéastes du monde entier. Portrait d’un homme de convictions, amoureux de la liberté. Récit d’un kidnapping politique à la vue d’une communauté internationale impassible.

Jeune cinéaste, Oleg Sentsov (parfois orthographié Oleh Sentsov) s’apprêtait à tourner son second film, Rhino, suite au succès rencontré avec son premier long métrage Gaamer, sortir en 2011. Or, en 2013, il s’engage dans le mouvement Euromaïdan, une manifestation pro-européenne mise en place suite au refus du gouvernement ukrainien de coopérer avec l’Union européenne. Ce mouvement s’intensifie jusqu’à la crise de Crimée qui débute en février 2014. Sentsov est alors activiste au sein du mouvement Automaidan, qui a pour objectif la démission du président ukrainien pro-russe Ianoukovytch, et l’alignement avec les mouvements internationaux militant pour la liberté, les droits de l’Homme et la paix. Sentsov ne cache pas ses opinions et se bat pour ses convictions : Il ne reconnait ni ne cautionne l’annexion de la Crimée (sa région natale) par la Russie et soutient les manifestants en livrant des provisions aux ukrainiens assiégés dans leurs bases.

Une arrestation qui relève davantage du kidnapping

Le 11 mai 2014, Sentsov est arrêté par le Service Fédéral de Sécurité de la Fédération de la Russie, le service secret russe et est détenu trois semaines sans qu’aucune charge ne pèse contre lui. Il est finalement accusé d’avoir voulu faire exploser des bâtiments administratifs de la « Communauté russe de Crimée » et du parti « La Russie Unie » installés à Simferopol, en Ukraine.

Détenu à Moscou, Sentsov ne peut plus faire appel aux services juridiques ukrainiens car les procureurs russes, considérant la Crimée comme région appartenant à la Russie lui ont retiré sa nationalité. Des cinéastes du monde entier tels que Pedro Almodovar, Ken Loach, Mike Leigh ont envoyé des lettres au président Poutine pour demander la libération du réalisateur. Le conseil de Russie pour les droits de l’Homme, avec toute l’ironie que cela sous-entend, a annoncé en réponse qu’ils ne voyaient aucune raison de relâcher le suspect.

Utilisation de la torture

Le jugement est basé sur les prétendus aveux de Sentsov, qui dément et dénonce l’usage de la  torture, l’humiliation et les menaces de viol dont il aurait été victime. Cela ne semble pas surprendre les ONG russes qui évoquent la torture comme une technique « routinière » utilisée par les enquêteurs russes, notamment dans les affaires politiques comme celle-ci.

A vrai dire cela ne semble pas surprendre grand monde puisqu’Amnesty International, ONG œuvrant pour la défense des droits de l’homme, a quasiment été la seule organisation à mener campagne pour la libération de Sentsov, soutenant ainsi l’action des manifestants ukrainiens et russes. A croire que se jouait une parodie douteuse des Accords de Munich du côté de la communauté internationale.

Acte de résistance pour l’un terrorisme pour l’autre

Sentsov lui a fait preuve de beaucoup de courage et de hardiesse face à l’injustice de son jugement. A la barre il a dénoncé une justice « d’occupants » tout en qualifiant le président russe de « nain sanguinaire ». A l’annonce du verdict, il a entonné avec son coaccusé Alexandre Koltchenko l’hymne national ukrainien en souriant. Les 20 années rétention qui attendent Sentsov s’annoncent sévères puisque Sentsov, avec son statut de prisonnier politique ne va pas bénéficier des mêmes droits que les autres, notamment ceux concernant l’accès au parloir, et la réception de courrier.

D’après le ministre ukrainien des Affaires étrangères, cette affaire ne serait pas un cas isolé puisque des dizaines de prisonniers politiques ukrainiens seraient enfermés dans les prisons russes, avec les mêmes traitements de faveur que Sentsov.

Oleg Sentsov est l’illustration même des victimes de l’autoritarisme dont la Russie fait preuve depuis l’élection de Poutine en 2000, qui entrave les libertés les plus fondamentales : liberté d’expression, de presse… Anna Politkovsakaïa, 21e journaliste assassinée sous Poutine, reste également un exemple marquant de ces politiques tyranniques.

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