SOCIÉTÉ

Un mystère toujours plus grand

La disparition du Boeing 777 de la Malaysia Airlines est peut-être le plus grand mystère de l’histoire de l’aviation civile. Malgré la découverte d’un débris en juillet qui a relancé l’enquête, l’avion est toujours introuvable. Ghislain Wattrelos, proche de quatre victimes françaises, a accepté de répondre à nos questions.

Dix-huit mois de cauchemar

Le 8 mars 2014, le vol MH370 décolle de Kuala Lumpur pour Pékin avec 239 personnes à son bord. A 1h21 heure locale, au moment d’entrer dans l’espace aérien vietnamien, l’avion disparaît des écrans radars. Le transpondeur, qui envoie des informations comme la vitesse ou l’altitude au contrôle aérien, cesse d’émettre brutalement. Cependant, la compagnie ne réagit pas pendant plus de quatre heures. « C’est de l’incompétence de la part de la Malaisie », réagit Ghislain Wattrelos, qui est sans nouvelles de sa femme, de sa fille, de son fils et de la petite amie de ce dernier, tous à bord du MH370.

D’importants moyens de recherches sont déployés à partir de 5h30 dans le Golfe de Thaïlande, à l’est de la Malaisie. Aucun débris n’est retrouvé. Et pour cause : quelques jours plus tard, les autorités annoncent que des radars militaires auraient suivi l’avion pendant plusieurs heures après l’arrêt des communications avec le 777. On apprend que l’appareil aurait fait demi-tour pour se diriger vers le détroit de Malacca. Les familles des victimes sont en colère. Elles estiment que le gouvernement malaisien leur cache la vérité. “On a le sentiment que les autorités savaient dès le début que l’avion a continué de voler.

Pourquoi, dans ce cas, envoyer autant de moyens de recherches, avec des dizaines de bateaux et d’avions, pendant une semaine dans le Golfe de Thaïlande ?” s’interroge Ghislain Wattrelos. Les derniers signaux reçus proviendraient du sud de l’Océan indien. La zone de recherche est déplacée au large de l’Australie. Une course contre la montre s’engage pour retrouver les boites noires qui émettent pendant seulement 1 mois. Sans succès. « Après le crash du vol Rio-Paris (en 2009), des recommandations avaient été émises pour la prolongation de la durée d’émission des boites noires ou le suivi en temps réel des avions. Elles n’ont pas été suivies. Si les différents Etats s’étaient concertés pour améliorer la localisation des avions, le MH370 serait peut-être déjà retrouvé », déplore le père de famille français.

Que s’est-il passé ?

Après un an et demi d’énigme, des dizaines d’hypothèses ont été avancées. La météo était plutôt bonne, donc il est peu probable qu’un orage ait engendré la perte de l’appareil. Les théories s’inspirant de la série américaine “Lost”, où l’avion aurait atterri sur une île inhabitée, sont rapidement écartées.

La liste des passagers est étudiée et les enquêteurs découvrent que deux d’entre eux n’étaient pas à bord du  MH370. En effet, un Italien et un Autrichien déclarent s’être fait voler leurs passeports. Grâce aux images de vidéo-surveillance de l’aéroport, deux Iraniens sont repérés. Ils auraient acheté leurs billets en Thaïlande. L’appareil aurait-il été détourné par deux terroristes ? La piste est mise de côté par le chef de la police malaisienne : il dément toute implication des deux hommes, « liés à aucun groupe terroriste ». Ils souhaitaient se rendre en Allemagne.

Après les passagers, l’attention se porte sur les deux pilotes. Le commandant de bord Zaharie Shah était un pilote expérimenté de 53 ans. Il comptabilise plus de 18 000 heures de vol au cours de sa carrière. Le FBI perquisitionne son domicile et s’intéresse à son simulateur de vol. Les pilotes étant le plus souvent des passionnés, il n’est pas rare qu’ils volent sur simulateur pour leurs loisirs. Cependant, deux éléments attirent également l’attention du FBI. Tout d’abord, des données ont été effacées dans la mémoire du simulateur. Zaharie Shah aurait-il quelque chose à cacher ? Autre indice troublant, après l’étude de  l’agenda du commandant de bord du MH370, il s’avère que l’homme n’avait prévu aucun rendez-vous après la date du vol, le 8 mars 2014. Cependant, la thèse selon laquelle un des pilotes aurait tenté de se suicider est peu crédible, sachant que l’avion a poursuivi son vol pendant plus de huit heures. Un suicidaire n’aurait pas hésité aussi longtemps.

Les soutes du Boeing et l’intrigant Diego Garcia

L’hypothèse la plus probable est peut-être la perte de l’appareil causée par le contenu de ses soutes. Premier élément étonnant à ce propos : la lenteur des autorités à publier la liste complète du fret de l’appareil. De plus, la première liste fournie est incohérente et incomplète. Cependant, c’est une cargaison de batteries au lithium qui attire l’attention. Selon un premier décompte de la compagnie, il y avait 200 kilos de batteries dans les soutes. Mais la Malaysia Airlines va rapidement revoir ce chiffre à… 2453 kgs. Or, une telle quantité de batteries est interdite dans des vols de fret depuis un accident à Dubaï où la cargaison d’un avion s’était enflammée. En effet, lorsque les batteries sont concentrées, elles deviennent explosives. Est-ce que l’explosion aurait entraîné une dépressurisation ? La perte d’oxygène dans la carlingue aurait provoqué la perte de conscience du pilote et l’avion aurait continué de voler grâce au pilote automatique. Cependant il reste un mystère : pourquoi l’avion a-t-il fait demi-tour au milieu du Golfe de Thaïlande ?

Selon plusieurs experts, la seule possibilité est un détournement. Mais par qui ? Une hypothèse qui peut paraître folle enflamme Internet et la théorie du complot fait son chemin : l’avion aurait été détourné et aurait volé vers la base militaire secrète américaine de Diego Garcia, une île au milieu de l’océan indien. Un pirate de l’air aurait tenté de se diriger vers la base avant de se faire abattre par un chasseur américain. Marc Dugain, romancier, a réalisé une enquête pour Paris Match. Il s’est rendu aux Maldives à 2 000 kms de Diego Garcia et a rencontré des témoins qui lui disent avoir vu voler un avion à basse altitude avec des bandes bleues et rouges. Il apprend également que des enfants ont ramassé un objet sur la plage, une boule de métal, qui ressemble étrangement à un extincteur dédié aux soutes d’un Boeing 777. « Je ne crois pas aux terroristes qui se dirigent vers Diego Garcia, ils savent qu’ils vont se faire abattre avant d’avoir atteint leur cible », raconte Ghislain Wattrelos.

Le comportement des autorités observé

L’attitude des différents gouvernements ne rassure pas les familles des victimes. Déjà cité précédemment, le gouvernement malaisien attire les foudres des familles. De leur côté les Etats-Unis sont assez silencieux sur le sujet, même s’ils ont réagi quelques jours après la disparition, le président Obama indiquant que les recherches étaient « une priorité absolue ». En mars 2014, le président de la commission de Sécurité Intérieure à la Chambre des représentants américaine, Michael McCaul, craignait que l’avion soit caché avant d’être utilisé comme un « missile de croisière » selon ses propres mots. Pour Ghislain Wattrelos, le comportement des Etats-Unis est bizarre. « Selon moi, les Etats-Unis savent quelque chose. Ils ont les moyens techniques pour suivre un avion dans la zone. En plus, c’est le FBI qui est allé chercher le simulateur de vol du pilote et ils n’ont rien dit. J’ai beaucoup de doutes. » Pour la première fois de l’Histoire, un président américain s’est rendu en Malaisie, sept semaines après la disparition, avant que le premier ministre malaisien joue au golf avec Barack Obama, sur une invitation de ce dernier, sept mois après cette première visite.

Le  président français a reçu, vendredi 4 septembre, le comité de soutien de l’association MH370 France. « Il nous a écoutés et s’est engagé à nous soutenir dans cette démarche de recherche de vérité. Il a déclaré ne détenir aucune information dont nous n’ayons connaissance et n’avoir personne à protéger », a déclaré l’association sur son site internet.

« Une quête de la vérité »

Le 29 juillet 2015, un fragment d’aile est retrouvé sur une plage de la Réunion. Le débris est rapidement identifié comme un flaperon de Boeing 777. « Ça a d’abord été un choc. Les gens me disaient que je devais être content qu’il y ait une piste mais pas du tout, pour moi c’était la preuve qu’il n’y avait plus d’espoir ». Le 6 août, après quelques jours d’analyse, le gouvernement malaisien déclare avec certitude qu’il s’agit d’une partie du vol MH370. Les autorités françaises sont plus mesurées et parlent de « très forte présomption ». Cependant, début septembre, le parquet de Paris a confirmé que le débris appartient bien au vol disparu. C’est le premier indice que les enquêteurs retrouvent et qui pourrait les emmener jusqu’au Boeing de la Malaysia Airlines.

Les familles de victimes ont rapidement formé une association internationale pour faire vivre l’affaire notamment dans les médias. « Les instances sont plus fortes que nous », avoue Ghislain Wattrelos. Cependant, notre homme est isolé des autres familles. Les Chinois ne peuvent pas parler librement et les Malaisiens n’ont pas le droit de critiquer leur gouvernement. La famille Wattrelos a donc créé l’association MH370 France pour continuer leur combat et organiser des événements comme des manifestations. « C’est important pour nous. C’est un soutien moral, un lien entre nous et le reste du monde. Ça nous aide au quotidien. C’est une quête de la vérité, je me lève tous les matins pour ça. Je reste persuadé que l’on nous cache la vérité, accuse Ghislain Wattrelos. Je ne fais pas ça uniquement pour moi mais tout le monde a intérêt à savoir ce qui s’est passé. C’est un problème de sécurité et de suivi des avions, peut-être de terrorisme. Il faut améliorer la coordination entre les Etats. C’est essentiel pour tous ceux qui prennent l’avion. »

Malgré les dernières avancées, l’enquête progresse au ralenti. L’avenir nous dira si les enquêteurs réussissent à remonter le trajet du flaperon du Boeing de la Malaysia Airlines avant peut-être de dévoiler les mystères du vol MH370.

You may also like

More in SOCIÉTÉ