CINÉMA

Le Fils de Saül, une œuvre forte et humaniste

En 1930, une équipe de chercheurs de l’université de Cambridge découvre sur le site de Skhül, en Israël, des sépultures datées de 100 000 ans. Ce sont les plus anciennes tombes retrouvées à ce jour. On estime que c’est à ce moment-là que l’être humain a acquis une conscience, posant ainsi la question de l’existence sur Terre. C’est le fondement de l’humanité.

Dans les années 1940, dans un camp d’extermination, Saül Aüslander, prisonnier juif, est forcé d’aider les nazis pour sauver sa peau. Ici, l’humanité est totalement délaissée, laissant place à l’horreur et à la mort. Pour les prisonniers, seul compte l’instinct de survie. Saül, lui, se place dans une position de déni. Chaque jour, il met des corps inertes dans des fours, nettoie des sols plein de sang… Mais Saül, le regard vide, fait abstraction. Abstraction d’ailleurs remarquablement mise en scène par un flou permanent autour du protagoniste, comme si tout ce qui se passait à côté importait peu. En vérité, Saül ne vit plus. Il survit.

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Mais il se trouve qu’un jour, Saül trouve par hasard le corps de son fils, lui aussi exterminé. Lui qui était jusqu’ici totalement enfermé dans sa bulle, retrouve en son fils une once d’humanité. Le mort le ramène à la vie. S’en suit alors un véritable périple pour offrir à sa progéniture une sépulture digne de ce nom, se terminant sur un échange de regard absolument magnifique avec un jeune garçon qui lui rappelle que, malgré tous ces massacres, l’humanité existe encore…

Fort en symboles et en émotions, le premier long-métrage de Laszlo Nemes brille aussi par sa réalisation. Durant toute la première partie du film, on suit le quotidien de Saül depuis une caméra portée filmant uniquement sa tête, de dos, de profil ou de face. Tout le reste est flou. Parfois, certains personnages sortent du brouillard pour interagir avec Saül, mais c’est tout. Géza Röhring occupe donc presque tout le temps l’écran, et livre une performance d’acteur grandiose, la plus belle de l’année pour le moment. On entend aussi constamment un capharnaüm autour de nous. Le bruit des fours, des balles, des cris… Immersion totale. Les seuls moments calmes apparaissent au demeurant comme de véritables soulagements, nous permettant de souffler entre deux séquences chargées en émotions.

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L’émotion, d’ailleurs, n’est jamais forcée. Alors que le sujet a souvent donné lieu à des films misérabilistes cherchant seulement à nous faire pleurer (La Rafle en est l’exemple le plus criant), Laszlo Nemes nous plonge ici dans la réalité. Sans voyeurisme. Sans volonté de choquer. Uniquement la réalité. Certainement ce qui lui a valu de remporter le Grand prix du festival de Cannes lors de la dernière édition.

Le jeune réalisateur hongrois réussit donc le pari, pourtant risqué, de parler de l’horreur des camps avec un regard inédit. Son film, Le Fils de Saül est une œuvre humaniste. Et un grand film, par la même occasion.

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