La Méditerranée est un carrefour entre l’Orient et l’Occident. Mais serait-elle aussi la mer la plus dangereuse du monde ? En 2014, déjà, l’IOM, l’Organisation Internationale pour les Migrations, révélait que les trois quarts des disparus en mer, l’étaient en Méditerranée. Et depuis ce début d’année 2015, c’est environ 2000 individus qui sont morts ou ont disparu en Méditerranée. Chaque année, ce sont des milliers de migrants qui tentent de rejoindre une Europe de plus en plus fermée. Et si la musique pouvait aider à ouvrir à nouveau nos frontières avec l’Orient ?
On a bien trop souvent tendance à oublier qu’il se passe, de l’autre côté de la Méditerranée, d’autres choses que les luttes que l’on nous montre en permanence. Outre-Méditerranée, c’est un festival de cultures, une émergence de talents qui font de l’Art bien plus qu’une forme d’expression. La nouvelle scène musicale arabe regorge de pépites, venues de pays en guerre, qui subissent les ravages du terrorisme, et où les peuples se battent chaque jour pour un peu plus de démocratie. Ces artistes sont souvent partis grandir, étudier, ou créer à l’étranger ; dans les pays du Golfe ou en Europe, pour échapper aux guerres. Certains sont restés malgré les conflits et les risques ; ils ont découvert les rythmes du rock, de la pop, du hip-hop et du rap occidental, et n’ont pas hésité à s’y essayer, sans oublier leur culture. Le temps d’un article, ayons un aperçu de ce qu’offre aujourd’hui la musique orientale, preuve qu’un véritable mariage entre l’Orient et l’Occident est possible.
Yasmine Hamdan
Née pendant la guerre au Liban, Yasmine, âgée d’à peine deux semaines, déménage avec sa famille successivement en France, aux Émirats Arabes Unis, en Grèce, avant de trouver pleinement refuge au Koweït. Ce n’est qu’à l’âge de 16 ans qu’elle remet les pieds au Liban. Elle se fait connaître sur la scène musicale libanaise avec Soapkills entre 1997 et 2005. Elle part ensuite s’installer à Paris pour sa carrière solo. C’est de sa rencontre avec Mirwais (ex Taxi Girl) que naît son premier album, Arabology, qu’elle signe sous le pseudonyme de Y.A.S. L’album est salué par la critique mais Yasmine Hamdan ne rencontre pas son public, malgré un single à la jonction de la musique arabe et de la pop occidentale, Yaspop.
Cependant Yasmine Hamdan revient en 2012 avec un album éponyme et dans une version internationale, Ya Nass. Jim Jarmusch la repère d’ailleurs pour son film Only Lovers Left Alive où elle signe une partie de la bande originale avec Hal, ce qui lui vaut une apparition dans le film. A 36 ans, c’est l’album de la maturité pour Yasmine Hamdan, le parfait mélange entre les airs pop, éléctro et folk du vieux continent et les mélodies et textes sensuels de l’orient.
Zeid Hamdan
Reconnaissable à ses grandes lunettes héritées des seventies, Zeid Hamdan a travaillé avec de nombreux acteurs musicaux arabes à la suite de sa collaboration à Soapkills. Zeid Hamdan est à mi-chemin entre le dénicheur de talents et le musicien. Il repère les nouveaux jeunes talents, les produit et les accompagne sur son label Lebanese Underground.
Dernièrement, il accompagne Maryam Saleh, une jeune artiste égyptienne engagée à la voix puissante. Elle se fait d’abord connaître en reprenant des chansons révolutionnaires égyptiennes de Sheikh Iman. Signe fort de leur collaboration, ESLA7AT (réformes, en arabe), produit après le printemps des peuples.
Autre perle dénichée par Zeid Hamdan, il s’agit de Hiba Mansouri. Sa voix singulière chante sur des rythmes joués par Zeid, hantés par les chansons arabes des fifties et sixties. Les mêmes qu’a écouté Hiba Mansouri, jeune, chez ses parents.
Jerusalem in my heart
Jerusalem in my heart est un projet musical mystérieux et rare, autant sur la scène orientale qu’internationale. Il est fondé en 2005 à Montréal, par Radwan Moumneh, un jeune libanais. Le projet mélange avec brio musique électro, arabe et vidéo. Accompagné de 35 musiciens, et d’un nombre incalculable de dispositifs scéniques, à chaque fois adaptés à l’endroit où il se produit, le résultat est bluffant. Radwan a rallié deux autres personnes à son projet : le musicien Jérémie Regnier et la plasticienne et vidéaste Malena Salam Salazar. Et en 2013 on a découvert cette merveille, Mo7it Al-Mo7it, le premier album issu du projet. Entre les chants arabes classiques et les vibrations de la musique électronique, on découvre deux entités vocales qui se confondent, créant ainsi un puissant objet musical, emprunt d’énormément d’émotions.
En avril dernier, on apprend que la rencontre inattendue mais néanmoins évidente avec Suuns, l’un des groupes contemporains les plus envoûtants, en 2012, a donné vie à un album. Le résultat est une véritable ode au voyage. Le mélange entre l’univers de Radwan et de Suuns transporte tous ceux qui écoutent cet album vers une destination minimale, inconnue, ahurissante.
Omar Souleyman
Omar Souleyman est l’un des personnages les plus singuliers de la scène musicale orientale actuelle. Ce syrien de quasi 50 ans jouit d’un succès fou chez les occidentaux. Il a été adoubé par Caribou et il a remixé un titre pour Björk, été remixé par le duo Acid Arab, et son dernier album, Wenu Wenu, est produit par Four Tet et Modeselektor. C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes, d’après le dicton. Car Omar Souleyman crée de la musique semi-traditionnelle, sans en bousculer les codes, et pourtant. Mais qu’importe, il fait toujours bon d’écouter un album d’Omar Souleyman à un volume scandaleusement élevé. Son dernier album, Bahdeni Nami sorti le 24 juillet, est proposé jusque là en écoute sur le site de NPR.