Du 9 juin au 1er novembre, l’artiste sculpteur indo-britannique Anish Kapoor (qui avait déjà exposé en France au Grand Palais en 2011 avec son Leviathan) investit les Jardins de Versailles et nous y entraîne dans un circuit inédit au fil de six de ses œuvres énigmatiques. Kapoor est habitué à travailler in situ au sein d’espaces urbanisés (Chicago, Nottingham ou encore Jérusalem) ; à Versailles, c’est donc naturellement que l’artiste réfléchit soigneusement à la mise en place de ces œuvres en adéquation avec l’environnement qu’elles intègrent. Mêlant son univers fait d’instabilités à la géométrie parfaite imaginée par Le Nôtre, Anish Kapoor nous offre ainsi une vision singulière de ce lieu chargé d’Histoire.
Depuis ses débuts dans les années 70, le travail d’Anish Kapoor étonne autant qu’il fascine, d’autant plus qu’il ouvre la voie à une multitude d’interprétations possibles, que les visiteurs des Jardins n’hésitent pas à explorer, souvent enthousiasmés ou perplexes face à ces œuvres épurées et colossales. Sky Mirror et C-Curve, qui ouvrent la promenade le long du grand canal, font comme un écho à la Galerie des Glaces et à l’importance des reflets miroitants à Versailles. Ainsi, ces deux œuvres évoquent l’identité profonde du lieu, mais nous renvoient également à notre propre environnement contemporain en prenant des airs de machines à selfies alors que tablettes et smartphones fleurissent au bout des bras de nombreux spectateurs.
Sujette à controverse et même au vandalisme au début du mois, Dirty Corner écorche la perspective de sa silhouette massive et suscite la curiosité de par les évocations charnelles qu’elle suggère et les interprétations qui en découlent. Sectional Body preparing for Monadic Singularity, que l’on découvre comme un ovni mystérieux posé au cœur du bosquet des Etoiles, évoque aussi l’intérêt de Kapoor pour la problématique du corps, malgré sa forme cubique. Une ouverture nous invite à explorer les entrailles de cette sculpture-architecture.
Au bout de la promenade centrale tourbillonne Descension, qui est sans doute l’œuvre la plus émouvante de l’exposition et nous invite dans son vortex hypnotisant, dans la continuité des forces motrices et aquatiques qui animent les fontaines du Château. C’est à l’intérieur de celui-ci, au sein de la Salle du Jeu de Paume (qui accueille pour la première fois ce genre de manifestation) que se déploie Shooting in the Corner, l’installation la plus célèbre d’Anish Kapoor. L’impressionnante masse de cire rouge sombre déversée par le canon en appelle aux scènes historiques et révolutionnaires dont l’ombre plane sur cette salle emblématique.
Malgré leur caractère monumental et épuré, les sculptures et installations d’Anish Kapoor dévoilent une dimension profondément humaine, et jouent sur les dualités qui brouillent la perception du spectateur en confrontant ombre et lumière, intérieur et extérieur, immobilité et mouvement, vides et pleins, visible et invisible. L’exposition permet une incursion dans l’imaginaire puissant de l’artiste et nous pousse à revisiter Versailles au travers de son prisme, toujours proche de l’histoire des lieux auxquels il donne cependant un aspect étrange et insaisissable.