ROLAND-GARROS, PARIS – Loin du court Philippe-Chatrier et ses 15.000 places, loin du luxe, loin des Federer et autres Djokovic, Maze a passé une journée sur les courts annexes de Roland-Garros. Le Grand Chelem parisien ne se résume pas qu’aux stars et aux grands courts. Parmi le gratin du tennis mondial, les joueurs les moins médiatisés tentent aussi leur chance sur les terrains de la Porte d’Auteuil. Roland-Garros, ce sont aussi et surtout ces matches disputés entre étoiles montantes du tennis et autres talents du passé sur les seize courts annexes. Entre un joueur japonais heureux de gagner un simple jeu et nos larmes devant la boutique officielle, découvrons en ce dimanche 24 mai, jour de premier tour, le « Roland-Garros du pauvre ».
Petits courts pour petits budgets
Roland-Garros, cela fait inévitablement rêver : les organisateurs l’ont bien compris, et cela se ressent dans les prix des places. En fouillant au fond de nos portefeuilles d’étudiants, nous trouvons suffisamment d’argent pour nous prendre un accès aux courts annexes de Roland-Garros, pour la somme de 30€. Les courts annexes, cela fait moins fantasmer que le « Philippe-Chatrier », mais à 70€ la place au plus haut des tribunes, nous nous sommes rabattus sur l’offre la moins chère et des matches moins prestigieux. Quoiqu’il en soit, nous voici, en ce dimanche très ensoleillé, dans le secteur de la Porte d’Auteuil, billets en main.
Où sont les loges VIP et le champagne ?
Enfin entrés sur le site, l’endroit où le programme paraît le plus intéressant est le court n°2, à l’entrée du stade. Ni une ni deux, nous sautons sur l’occasion pour atteindre les modestes tribunes au bord du terrain. Sous un soleil de plomb dès le matin, la journée commence parfaitement bien.
C’est à ce moment, confortablement installés sur nos sièges, que l’on se rend compte pourquoi le prix des places est peu élevé : ces courts paraissent minuscules à côté des véritables stades que sont le « Lenglen » et le « Chatrier ». En vérité, ces courts, le grand public n’en a pas grand chose à faire. Seules quelques caméras de France Télévisions sont présentes, histoire d’intervenir rapidement sur ces rencontres. En effet, ce qui se passe sur ces terrains ne passionne pas le téléspectateur lambda révisant son bac devant « Roland », ce dernier voulant voir les potentiels vainqueurs du tournoi, et non un match entre deux « inconnus ».
Soeda, le héros d’un instant sur le court n°2.

Dès 11h, les rayons du soleil donnent à la terre battue parisienne sa couleur exceptionnelle (© Nicolas Fayeulle – Tous droits réservés)
Même si son revêtement en terre battue pourrait sembler moins prestigieux, la minuscule arène de moins de 2 000 places est pleine à craquer. Il est 11h sur le court n°2. L’Allemand Philipp Kohlschreiber, tête de série n°22, affronte le Japonais Go Soeda, présent dans le top 100 à l’ATP, le classement mondial des joueurs masculins. Deux joueurs expérimentés, même si l’Allemand est présent depuis longtemps au plus haut niveau, lui qui est d’ailleurs bien connu du public de passionnés, présent dans les tribunes. Présents tout autour de nous, des supporteurs allemands sont impatients d’assister à la rencontre de leur poulain.
Venu voir un match intensif entre deux joueurs voulant accéder au deuxième tour et ses 50.000€ de dotations, le public assiste finalement à un simple entraînement d’un Kohlschreiber confiant. La ballade dominicale de l’Allemand dure à peine deux heures, ne laissant que trois petits jeux à un Japonais complètement dépassé et résigné (6-1, 6-0, 6-2). Il est d’ailleurs tellement en difficulté que ce dernier reçoit une standing-ovation du public lorsqu’il marque un jeu dans le troisième set : pendant quelques secondes, on pourrait croire qu’il a remporté ce match ou même Roland-Garros, mais il n’en est rien. Malgré cet instant lui ayant redonné le sourire, le Japonais quitte déjà le tournoi, avec 27.000€ en poche.
La faim n’attend pas.
Le public présent en masse quitte doucement les allées du court n°2, certainement avec une grande envie de déjeuner. Avec d’innombrables stands destinés à nourrir les passionnés de tennis, l’envie de faire une pause pique-nique est bien réelle. Cependant, nous frôlons la crise cardiaque au regard des prix pratiqués : 7€ pour un minuscule sandwich peu appétissant. Pour nous, ce sera donc un jambon-beurre fait maison et forcément délicieux, en assistant à notre second match de la journée.
Sur un court n°6 aux petites tribunes bien garnies, le qualifié allemand, Bachinger, joue son premier tour face à Marcel Granollers, un Espagnol aussi talentueux que bruyant. Peu attentive à une rencontre pas très « glamour », la majorité des spectateurs déjeune ou se repose paisiblement, tout près des deux joueurs pleinement concentrés. Avouons-le, pour nous aussi ce match a permis à nos corps fragiles de se reposer et digérer tranquillement, tout en bronzant. Finalement, Granollers remporte cette rencontre en trois sets, dans l’ombre du « Philippe-Chatrier » où jouaient Roger Federer ou encore Tsonga. Entre les deux courts, on voit bien une classe d’écart.



Marcel Granollers sur le court n°6, sous l’ombre du court Philippe-Chatrier ( ©Nicolas Fayeulle – Tous droits réservés)
Passage éclair à la boutique.
Ce qui fait qu’une journée à Roland est un bon souvenir, c’est que le spectateur n’est pas obligé de regarder que du tennis, il peut également se reposer, visiter les stands d’animations, ou encore acheter des souvenirs. Après deux matches, l’idée nous vient donc de s’approcher d’une des boutiques de l’enceinte de Roland-Garros. Stupeur ! Entre les pin’s à 10€ et la célèbre serviette du joueur de « Roland » à plus de 40€, nous faisons rapidement demi-tour. Notre seul souvenir restera notre billet d’entrée… Le Grand Chelem de la Porte d’Auteuil fait rêver certes, mais c’est aussi une merveilleuse machine qui rapporte gros aux organisateurs. Quoiqu’il en soit, cette journée unique à Roland-Garros se poursuit une nouvelle fois sur le court n°2, pour un nouveau match d’anthologie.



La Boutique de Roland-Garros n’est pas destinée à tous les portefeuilles (©Nicolas Fayeulle – Tous droits réservés)
Le match a aussi lieu dans les tribunes.
Le monde se presse aux abords du court n°2, pour l’entrée en lice d’un des premiers Français, Nicolas Mahut, qui garde une belle côte auprès du public, malgré sa place hors du top 100 et son élimination au premier tour des deux dernières éditions de Roland. En face de lui, le jeune et prometteur Belge de 21 ans Kimmer Coppejans, qui joue son premier match en Grand Chelem après avoir passé le cap des qualifications. Nous trouvons difficilement une place, dans le clan des supporteurs belges, survoltés, criant « Go Kimmer ! » à chaque point. L’ambiance est impressionnante, les Français répliquant, le tout dans une ambiance bon-enfant. Supérieur au filet et tactiquement, le Français montre sa joie au moment de sa victoire, lui qui revient de loin et qui sera l’une des surprises du tournoi.
La future finaliste clôt la journée dans l’anonymat !



Lucie Safarova, 13ème au classement WTA, ravie après sa victoire 7-6 7-6 au premier tour de Roland-Garros (©Nicolas Fayeulle – Tous droits réservés)
La longue journée sur la terre battue parisienne s’achève très bientôt, même si les matches continuent tant que le soleil ne s’est pas couché. Alors que la majorité des fans de tennis se promène dans les allées ou se dirige vers la sortie, les spectateurs non-rassasiés assistent sur ce même court à la dernière rencontre de la journée. Pour la première fois du dimanche, nous assistons à une rencontre féminine entre la Tchéque Lucie Safarova, 13e joueuse mondiale, et la Russe Pavlyuchenkova. De nombreux sièges sont vides en cette fin de journée, et pourtant les absents ont eu tort de ne pas assister à ce combat acharné entre deux excellentes joueuses. En effet, le spectacle fut impressionnant, et la gagnante n’est autre que la future finaliste de Roland-Garros… Mais cela, personne ne pouvait le deviner.
Le soleil décline déjà après une journée forte en émotions, lors d’un voyage dans les allées d’un des tournois les plus anciens et prestigieux du circuit mondial. Cette atmosphère unique s’est répandue tout au long de ces deux semaines de compétition, entre surprises, moments intenses et respect même dans l’adversité. En quittant tranquillement les allées du stade, on se dit que même le « Roland-Garros de l’ombre » fait rêver.