MUSIQUE

Rencontre avec Grand Blanc

Le dénuement, la froideur et les soubresauts des villes du nord quand la vie est partie, autant d’éléments d’une fiction aux étranges rappels du réel qui ont présidé à la création du projet Grand Blanc. Originaires de Metz, les quatre membres de Grand Blanc poursuivent leur parcours à un rythme effréné qui les emmènera cet été sur les scènes françaises et canadiennes. Entre deux dates, sur le canapé d’une chapelle à Saint-Brieuc pendant Art Rock, nous avons fait le point.

On vous a croisés aux Trans Musicales à Rennes en décembre, qu’est-ce qui a évolué depuis pour vous, comment se passe ce début de tournée des festivals ?
Ben : Déja on est programmés sur les festivals, et s’en est suivi un travail sur le live, on a essayé de mettre notre set au niveau, on a beaucoup tourné depuis, et je crois que c’est un peu grâce aux Trans, entre autres. C’est devenu plus sérieux, plus soutenu, on travaille plus et on est plus heureux.

C’est une évolution énorme en quelques mois, en quelques années, est-ce que c’est pas difficile de prendre la mesure de ce qu’il se passe ?
Luc : Les deux à la fois, de toute façon t’as pas le choix, c’est que des choses super positives, tu prends le train en marche, on est devenus musiciens de scène avec Grand Blanc, tout était à faire mais c’était super, tout est toujours à faire. On s’est créés petit à petit mais dans le sens qu’il faut, on est content de la manière dont on avance.
Ben : Après c’est le bordel, parce qu’il y a plusieurs facettes de ce métier qu’il faut apprendre, c’est la scène qui porte le projet mais il y a d’autres choses à gérer. Je crois qu’on commence à bien y arriver, on est en train de bosser sur un album.

D’ailleurs comment ça se passe pour l’écriture, comment vous faites entre vous ?
Ben : Le bordel, de plus en plus le bordel, on a construit le groupe sur des morceaux que j’avais déjà avant que Grand Blanc existe, à un moment on a plus eu ça et du coup, là, on a essayé vraiment de bosser dans le fragment, pas en essayant de prendre des décisions à quatre mais en emmenant chacun des choses de notre côté : une bribe de texte sur une bribe de rythme, sur une bribe de synthé, méthode fragmentaire.

Vous apportez une certaine singularité au paysage musical français, avec une nouvelle chanson française, est-ce que vous en vous rendez-compte ?
Ben : C’est l’addition de choses qui ne sont pas singulières à elles seules, c’est l’addition de tout ce qu’on aime. Au final, la cold-wave qu’on sort souvent sur nous, on la trouve pas singulière parce qu’on en écoute avec nos amis, la variété française on en écoute, on va voir des concerts de ces trucs là donc ça ne l’est pas non plus. L’électro qu’on met beaucoup dans les parties rythmiques non plus, donc pour nous, non, tous les éléments sont venus naturellement. Après, le fait que tous les quatre on soit venus faire un projet commun alors qu’on amène des choses très différentes, c’est ça la singularité, on a juste fait ce qu’on avait dans la tête.

C’est toujours un peu chiant de devoir se définir, non ?
Camille : C’est très chiant, et il y a une raison évidente à ça, c’est que quand tu dis à quelqu’un : « dans quelle case te ranges-tu ? », il va te dire « moi je ne suis dans aucune case », tu ne fais pas de la musique pour te ranger dans une case.
Ben : Enfin tu peux, ça arrive.
Camille : Oui tu peux, si tu es un groupe qui veut faire du Rockabilly, tu fais du Rockabilly, et voilà. Mais après nous évidemment on fait de la musique, on la donne, et les gens peuvent faire ce qu’ils veulent avec. S’ils ont envie de dire que c’est de la cold-wave, ils le disent, si ils veulent dire que ça ressemble à Joy Division, ça nous fait hyper plaisir, on est super flattés mais on sait que c’est faux.
Ben : Et puis on tape un peu dans la musique des années 80 parce qu’il y a eu un moment, une variété française un peu indé, underground, qui est allée regarder ce qu’il se passait outre-manche, avec de gros partis-pris contemporains et en chantant en français. On est allés cherchés des trucs qui nous intéressaient.

Comment est né le projet ?
Ben : C’est une rencontre d’amis, le projet est né avec des guitares et des bières, dans la coloc de Luc où il y avait la place pour se mettre à dix avec des guitares, et des voisins à faire chier.
Luc : Ouais, parce que Vincent et moi on est ingés son, enfin on l’était, et du coup on avait un petit home studio chez moi, c’était assez simple et rapide de s’enregistrer, d’essayer des choses avec des beats électroniques, de mettre quatorze effets sur une voix. C’est un peu comme ça que le son de Grand Blanc est né, en bidouillant les effets.

Être ingénieur du son, ça doit être super intéressant pour monter un projet en tant que musicien dans un groupe ?
Luc : Oui, Grand Blanc ça a commencé par l’envers du décor, si tu fais sonner brut des lignes de guitare, des lignes de voix, c’est plus du Grand Blanc.
Ben : Dans Grand Blanc, la musique ne sort jamais comme ça, tu peux les chanter sur une guitare mais ça ne sert à rien, on sait comment on veut que ça sonne.
Camille : On refuse toujours les sessions acoustiques, on essaie d’en faire le moins possible parce qu’on a envie de rire au nez des gens.
Ben : Oui, on l’a déjà fait avant, on trouve ça très cool, on a même joué une fois au début à la scène nationale de Metz en acoustique, c’est cool, et puis là c’était un gros projet, mais ce n’est pas ce qu’on a envie de faire, un jour peut-être. On a peut-être pas la culture, on ne fait pas de la noise, on avait déjà fait de la musique entre nous où c’était de la guitare électrique à l’archer, de la musique à la Neil Young, on était contents de faire ça mais comme on a pas les références on a l’impression de faire « du … ». Avec Grand Blanc on fait un truc à notre sauce, on reste dans ce qu’on sait faire parce que c’est là où on s’amuse le plus.

Beaucoup d’artistes sont attachés à une ville, à un endroit où ils ont démarré, est-ce que pour vous, Metz, c’est quelque chose d’important ?
Ben : Oui, Metz c’est l’un des personnages de notre disque, c’est la matière de notre disque. On a fait un disque au début de l’âge adulte, on a réglé des comptes avec l’adolescence, elle s’est passée à Metz, on avait des choses à dire, c’est comme quand tu écris un bouquin. Tu commences par un roman d’initiation, après tu as d’autres thèmes qui te viennent parce que les cycles sont longs. Metz c’était très important sur l’EP, ça collait aussi très bien avec cette mythologie froide de l’est, on l’a gardé parce que c’était notre culture mais on ne se réduit pas à ça. On n’est pas un groupe régionaliste.
Camille : Et puis la vision de Metz qu’on propose ne correspond pas à la réalité, c’est vraiment un personnage, c’est un lieu rêvé, un décor fantasmé, avec des églises, des usines, des centrales nucléaires, des bunkers, et du foot.
Ben : C’est pas l’enfer, mais il y a tout ça, et on voulait raconter ça, on a omis tout ce qui était « normal », banal à Metz pour garder tout ce qui était exotique et on a fait d’un lieu qu’on aimait pas un lieu avec une esthétique, avec un visage qu’on avait envie d’aimer.

Vous parliez d’un album en préparation, comment vous envisagez tout ça ?
Luc : On est un peu partis loin des concerts, se mettre dans la petite maison de campagne de Vincent, dans l’Oise pour recommencer à écrire, faire de la musique ensemble. On est contents de ces trois/quatre semaines qu’on a passé, ça a été assez productif et ça faisait longtemps qu’on n’avait pas eu le temps de faire de belles choses ensemble. On a pas mal de choses, il faut qu’on fasse le tri dans tout ça, qu’on digère ce qu’on a mis sur maquettes, ça va rentrer assez vite dans les clous. On va essayer de rentrer cet été en studio, et on espère une sortie tout début 2016.
Camille : Après je préfère dire qu’il n’y a pas de date prévue, ne pas crier sur tous les toits qu’il va sortir en janvier.
Ben : Oui, ça c’est notre envie à tous, après il va falloir voir si on en est capables et si on va le faire !

Co-fondateur, directeur de la publication de Maze.fr. Président d'Animafac, le réseau national des associations étudiantes. Je n'occupe plus de rôle opérationnel au sein de la rédaction de Maze.fr depuis septembre 2018.

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