Ayant pour producteur exécutif Spike Lee mais passé un peu inaperçu, Manos Sucias est un long métrage réalisé par le jeune américain Josef Wladyka : un thriller haletant d’un réalisme fou, le récit d’un voyage dangereux partant de Buenaventura, en Colombie.
A Buenaventura, beaucoup de personnes vivent dans les bidonvilles. Il est rude de s’y faire de l’argent. C’est une des villes les plus dangereuses du monde de par son taux de criminalité très élevé. Les militaires, para-militaires et forces armées révolutionnaires s’y affrontent et le trafic d’armes et de stupéfiants s’est établi. Depuis le plus grand port de Colombie, trois hommes embarquent pour un voyage infernal. Ils ont pour ordre d’aller transporter une torpille de cent kilos de cocaïne vers le Panama sur une petite barque à moteur, avec pour seule couverture auprès des douaniers, un filet de pêche.
Manos Sucias, que l’on traduit par « les mains sales », c’est l’histoire de deux hommes, deux frères séparés qui n’ont pas eu la vie facile et qui se retrouvent à voguer ensemble sur les côtes colombiennes, bien déterminés à acquérir l’argent à la clé de leur sale travail. En se retrouvant sur cette même barque, les deux hommes apprennent le présent de chacun. Une certaine tension pèse. La mer est agitée dans le Pacifique. Le danger est partout. Leur vie est en jeu. Ils rêveraient d’une vie meilleure et discutent de football ou de rap pour se changer les idées, mais la réalité est telle que le trafic de coke est le seul moyen de sortir de la misère dans laquelle ils vivent.
Ces deux personnages principaux du nom de Delio et Jacobo, nous font passer beaucoup d’émotions. Le dialogue est au coeur du film et leur jeu d’acteur est impeccable tout comme la photographie. La musique quant à elle, est tout bonnement magnifique. Elle illustre ce drame social avec justesse et c’est beau, très beau. Les plans séquence sont très présents, c’est un choix judicieux qui fonctionne très bien. Le prix du meilleur réalisateur au Tribeca Film Festival est amplement mérité, car ce réalisateur a su allier deux genres différents, mêlant suspense de thriller et vie réelle aux aspects documentaire à travers des pratiques quotidiennes de la région qui sont tout sauf banales. On est face à un film qui est tout le contraire d’insignifiant.
C’est un film touchant, mais nous ne sommes pas face à un film sans imperfections. Il est vrai que le réalisateur a parfois choisi la facilité (certains enchaînements sont prévisibles), mais il a su mettre la tension de côté aux moments où il le fallait. Il est difficile de parler en mal de ce film, et ce, certainement du fait qu’il a ce côté si tristement réaliste. Du déjà-vu ? Peut être. Ce sujet a certainement du être traité auparavant, mais Manos Sucias aurait mérité qu’on parle un peu plus de lui ; de ce road trip en mer sans morale apparente, riche en violence et imprévus qu’on prévoyait sans savoir sous quelle forme ils se manifesteraient.