Le festival Papillons de Nuit s’est tenu les 22, 23 et 24 mai à Saint-Laurent-de-Cuves dans la Manche. Comme chaque année, le festival a proposé pour sa quinzième édition une programmation riche et éclectique, mêlant concerts emblématiques et belles découvertes.
Au cœur du bocage normand, cela fait désormais 15 ans que chaque année le petit village de Saint-Laurent-de-Cuves se transforme en terre musicale, attirant toujours plus de monde comme à l’occasion de l’édition 2014, marquée par un record d’affluence avec près de 70.000 festivaliers. Grâce à une équipe de bénévoles efficace et soudée, le festival nous offre chaque année une programmation enrichissante. Cette année, les Papillons de Nuit ont accueilli 65.000 festivaliers pour les trois jours. Par ailleurs, l’équipe organisatrice a proposé de nouvelles innovations comme le paiement dématérialisé, une première pour un festival national !
Le festival s’ouvre avec la prestation sautillante et joyeuse du Celtic Social Club. Même si ce concert permet d’installer une ambiance conviviale sur le site, nous rejoignons la scène Thécia pour assister au concert du pianiste prodige Benjamin Clementine. Élégant et charismatique, ce britannique des quartiers nord de Londres à la voix de ténor a envoûté la foule au gré de ses belles ballades comme Condolence ou London, que l’on retrouve sur son premier album At Least for Now sorti en début d’année. Accompagné pour certains de ses morceaux par sa violoncelliste Barbara, il installe une atmosphère enchanteresse et harmonieuse. Une reprise de Charles Aznavour pour Emmenez-moi vient conclure sa prestation et emballer le public qui l’accompagne en choeur. Selah Sue prend alors le relais sur la scène Vulcain. Cette jeune belge, reine du ragga-soul, enflamme littéralement le public qui danse au rythme de son groove inépuisable. Mêlant jazz, hip-hop, soul et blues, Selah Sue dessine une prestation éclectique où l’on retrouve aussi bien les traits de son premier album éponyme, que l’univers de Reason, son dernier album, bercé par de nouvelles influences. Pendant ce temps-là, sur la scène Erébia, Grand Blanc installe une ambiance glaciale, sombre et angoissante. Dans la langue de Bashung, ces lorrains offrent avec froideur des sonorités puisant dans le rock new wave des Joy Division tout en dévoilant des textes poétiques qui sombrent dans les ténèbres.
Nous quittons alors cette austérité gaciale pour aller nous réchauffer au son des marseillais qui viennent d’envahir la scène Thécia. Les papas du rap français IAM déchaînent le public avec leurs fameux titres Petit frère, Les raisons de la colère ou encore l’indémodable Je danse le MIA. Toujours énergiques, les samouraïs du rap Akhenaton, Shurik’n, Kheops, Imhotep et Kephren offrent un retour au source parfaitement maîtrisé qui fait danser un public conquis. Des rois du rap on passe à la reine Christine and The Queens sur la scène Vulcain. Devant le succès de son premier album Chaleur Humaine, Héloïse Letessier a.k.a Christine and the Queens était attendue par un public échauffé. « Tu n’as jamais été aussi nombreux », indique-t-elle au public. Adepte des shows à l’américaine, elle offre une prestation aussi bien musicale que théâtrale et dansante, ajoutant quelques touches d’humour en échangeant avec son public. Elle dévoile tour à tour ses tubes Saint Claude et Christine mais aussi des titres plus délicats et intimistes comme Half Ladies ou Nuit 17 à 52. Entourée de ses deux danseurs, la jeune artiste expose une chorégraphie en synchronisation avec une vidéo de leur même danse projetée en arrière. Le spectacle est total, captivant et impeccable. La soirée se termine pour nous avec le set voyageur et envoûtant du beatmaker caennais Superpoze. Ce jeune génie de l’électro vient tout juste de dévoiler son premier album Opening, sur lequel on retrouve un changement de cap puisque l’artiste a travaillé principalement au piano, abandonnant en partie la quête de samples et l’omniprésence de beats hip-hop. Alchimiste des sons et architecte des rêves, il nous convie à un voyage vaporeux sur fonds de nappes électroniques aériennes et contemplatives.
La deuxième journée s’ouvre sous le soleil avec le caennais Malo’ soutenu par la salle de musiques actuelles du Cargö (Caen). Le jeune Malory Legardinier aka Malo’ est venu charmer la foule, les cheveux aux vents, armé de sa guitare et de sa voix singulière. Découvert grâce au succès de son duo My paradise réalisé avec la belge Noa Moon, il a débuté son parcours musical en Australie où il a enregistré en autodidacte son premier album The Old Way. Lorsqu’il revient en France, il compose son deuxième album Be/Être. Ce jeune dandy délivre sur scène une musique poétique et attachante, oscillant entre sonorités pop et folk. On se dirige vers la scène Vulcain pour le show d’Izia. La fille de Jacques Higelin, vêtue d’une robe qui a fait jaser, déploie toute son énergie communicative pour dévoiler les titres de ses trois premiers albums. Peu convaincue par sa prestation pourtant endurante, je me dirige vers la scène Erébia pour redécouvrir sur scène le duo franco-cubain Ibeyi. Composé des soeurs jumelles Lisa-Kaindé (chant, piano) et Naomi Diaz (percussions, choeurs), le duo Ibeyi mélange soul, rythmes cubains, pop et chants Yoruba, offrant ainsi une prestation pleine de sincérité et d’harmonie. Les deux filles du grand percussionniste cubain Anga Diaz du Buena Vista Social Club ensorcellent avec grâce et beauté le public de la scène Erebia. De retour à la scène Vulcain, la foule attend déjà monsieur Carl Barât and The Jackals. L’élégant cofondateur des Libertines Carl Barât nous présente ainsi son nouveau groupe auditionné sur internet. Rock punk nerveux et guitares épaisses et saturées sont au rendez-vous pour un spectacle qui fait danser le public. Le british reprend aussi bien des titres des Libertines, des Dirty Pretty Thing que ceux de sa nouvelle formation.
Avide de découverte, je me dirige alors vers la scène Erébia pour explorer l’univers du dandy de la soul, Faada Freddy. Doté d’une voix hors du commun, l’ancien membre du groupe Daara J est entouré sur scène d’un choeur gospel de qualité. Mêlant avec habileté harmonies vocales et percussions corporelles, ce rappeur et chanteur sénégalais offre sans aucun doute une des plus belles prestations de la journée. Au même moment, sur la scène Thécia, les deux petits jeunes de Carbon Airways ambiancent la foule par leur présence scénique irréprochable. Âgés de 17 et 19 ans, Enguérand et Éléonore créent la surprise en offrant de l’électro-punk brute et dansante. Tête d’affiche de ce samedi, c’est l’heure de retrouver la bande de Brian Molko. Placebo offre un set bien mené, puisant aussi bien dans leurs titres emblématiques (The Bitter End) que dans les morceaux de leur dernier album, moins convaincant à mon goût. En guise de rappel, le groupe nous offre une reprise de Running Up That Hill de Kate Bush. La soirée se clôture de nouveau avec un beatmaker caennais, Fakear. Habituellement seul face à ses machines, ce génie de la MPC est entouré sur scène de musiciens (violoncelle, batterie, basse, clavier) pour nous offrir un voyage onirique permis par ses titres voyageurs comme Morning in Japan, la Lune Rousse et certains titres de son nouvel EP Asakusa.
On attaque la dernière journée du festival avec les gagnants du tremplin régional, les caennais de Beach Youth. Née fin 2013, cette énième formation caennaise a fait du chemin depuis ses premiers pas en remportant cette année le tremplin Phénix Live, mais aussi en s’exportant en Angleterre. Les quatre garçons offrent une pop tropicale rafraîchissante dans la veine des mélodies de Two Door Cinema Club. Dévoilant une pop ensoleillée, ils ont proposé une prestation d’une surprenante maturité malgré leur jeunesse et leurs sourires timides. Autre Normand, Lewis Evans occupe de son côté la scène Thécia. Pour ce concert original, le dandy liverpuldien qui a grandi dans la Manche a travaillé avec le Normandy (SMAC de Saint-Lô), une chorale de collégiens de Brécey et cinquante musiciens de l’Harmonie du Cap Lihou de Granville. Le beau projet « Lewis Evans & The Orchestra Choir Of Love » reprend les titres pop de Lewis Evans mais aussi de jolies reprises comme Love Letters de Métronomy. C’est alors l’heure d’accueillir Black M. J’essaye de chasser toutes mes mauvaises pensées et malgré l’absence de qualité musicale indéniable, le rappeur a au moins le mérite de faire impeccablement son boulot et de réveiller une foule venue en nombre pour l’applaudir. Sur la scène Thécia, Shake Shake Go délivre sa pop-folk légère et bucolique. Mené par la charmante Poppy Jones, le groupe franco-gallois séduit le public à coups de ballades mélodieuses.
L’heure tourne, il est temps d’aller accueillir Ms Lauryn Hill … malheureusement en retard de 45 minutes. L’ex-Fugees arrive sur scène … froide … faisant ses balances sur scène. Agaçant ainsi une partie du public qui n’hésite pas à la huer, la diva soul a malgré tout fait danser la foule avec des titres comme Killing Me Softly et Doo Wop (That Thing) mais aussi en reprenant certains tubes de Bob Marley. Au même moment, la scène Erébia assiste à un véritable show de la part des jeunes prodiges du rap français Bigflo et Oli. Maîtrisant à la perfection la scène, Florian et Olivio nous dévoilent les titres de leur premier album qui vient tout juste de sortir, La Cour des Grands. Abordant avec maturité des problèmes contemporains, les deux frères toulousains distillent avec leur plume des textes loin des clichés, abordant les thèmes de la religion, de l’actualité, de l’avortement ou encore de la mort. Un beau spectacle pour de jeunes rappeurs ! Electro Deluxe entre sur scène, n’hésitant pas à tacler gentiment Mr Lauryn Hill. Mêlant funk, électro et swing, ce collectif mené par le charismatique crooner James Copley apporte un véritable vent d’énergie sur la scène Thécia. Pieds nus, Yannick Noah prend le relais en enchaînant ses tubes repris en choeur par le public. De notre côté, on se dirige, pour clôturer le festival, vers la scène Erébia pour assister au set de La Fine Equipe. Signés sur le label Nowadays Records, ces beatmakers marseillais enflamment la foule. Enchaînant des titres à l’énergie réelle, LFE offre un show riche, dansant et épicé qui nous plonge au cœur d’un électro-jazz énergique, puisant toujours sur un fond groovy et flirtant avec la soul, le hip-hop, le funk et l’électro.