CINÉMA

Une belle fin : nature morte et banalités vivantes.

John May est un fonctionnaire discret qui mène une vie modeste. Son travail consiste à retrouver et à réunir les proches des personnes mortes dans la solitude. Les seules choses qui semblent l’émouvoir sont les photos et les objets de ces défunts. Il vit (ou plutôt survit) uniquement pour ce travail qu’il effectue méticuleusement. Son quotidien morose est donc bousculé lorsque son patron décide de le licencier. Il ne lui reste que quelques jours pour boucler le dossier de Billy Stoke, alcoolique peu fréquentable mort en silence. Au cours de son enquête et de ses rencontres, il s’ouvre petit à petit aux vivants et s’accorde quelques changements dans sa routine obsessionnelle.

Still-Life

Version Originale / Condor

Still Life est le second long-métrage de Uberto Pasolini, producteur et réalisateur italien exerçant à Londres. Le titre est une expression anglaise pour dire « nature morte », mais on peut y supposer un autre sens plus littéral qui s’applique bien au film : « la vie continue ». Le titre français, Une belle fin, est donc, en plus d’être peu charmeur, presque aberrant.

L’histoire en elle-même n’est pas inintéressante mais elle est traitée d’une façon peu crédible. Ce qui se veut intense et profond stagne en surface. Tout est plat. À peine à un quart d’heure du début du film, on est envahis par les clichés maladroits, les situations et les transitions bateaux. Par exemple, un plan large du fonctionnaire en imper-cravate et attaché case sur le trottoir, qui ne fait rien et ne sert qu’à illustrer comme l’a fait une centaine de films avant lui. Ou encore, la scène de repas qui nous dit sans aucune subtilité combien ce type est à la fois obsessionnel et triste.

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Version Originale / Condor

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Version Originale / Condor

Capture d’écran 2015-04-25 à 18.37.35 copie

Version Originale / Condor

Même si le point de départ avait un potentiel d’originalité, la mise en scène est aussi triste que se veut l’esthétique du film. En effet, le travail de l’image est un peu trop cohérent, on a affaire à une abondance de couleurs ternes (domination du gris et du bleu) pour insister sur le quotidien fade du héros.

L’évolution du personnage de John May est le principal enjeu du film mais, malgré une bonne volonté évidente, elle s’exprime à travers les défauts de la mise en scène. Au début du récit, l’homme est une sorte de fantôme, il s’entoure des morts à travers leurs portraits et leurs affaires personnelles. Il ne fait que croiser les vivants, il ne s’intéresse pas à eux, ni même à sa propre existence à en juger par la rigidité de son repas (une tranche de pain et du thon en boite avec un thé noir) et à son vide intérieur. Puis, doucement il prend vie. Il tente (en vain) de remplacer le thon en boite par un vrai poisson, commande un chocolat chaud à la place de son thé, tousse après avoir gouté à une gorgée de whisky… Ce choix de signifier le plaisir et la vie à travers la nourriture est assez judicieux. Malheureusement, on reste dans la pure illustration, rien n’est dissimulé. La majorité des plans veut nous montrer une pensée, une émotion sur le visage ingrat d’Eddie Marsan. C’est presque un affront, ce silence et ces images qui disent une chose bien précise que l’on décrypte comme des enfants.

Si le but était de faire un film aussi fade que son personnage principal, c’est réussi. Quoique celui-ci est capable de créer des émotions, mais plutôt de l’exaspération ou du désespoir. On aimerait se perdre dans les eaux profondes de John May et explorer les possibilités du scénario. Mais rien ne se cache sous le costume de fonctionnaire dépressif. Tant pis, la vie continue.

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