Le 12 avril dernier, Hillary Clinton a annoncé ce que tout le monde supposait déjà : elle se présentera pour gagner la Maison Blanche lors de l’élection présidentielle de 2016. Favorite des sondages, elle paraît intouchable pour remporter les primaires démocrates. Mais garde dans un coin de sa tête son cuisant échec de 2008.
« Les Américains ont besoin d’une championne, et je veux être cette championne ». La phrase paraît quelque peu bravache, mais la mise en avant d’Hillary Clinton n’est pas le plus important dans son clip de campagne. Annoncée sur les réseaux sociaux et non dans un clinquant meeting dont les Américains ont le secret, la candidate malheureuse à la primaire démocrate de 2008 joue la carte de la modestie cette fois-ci. Elle qui avait été critiquée à l’époque comme ayant l’attitude d’une femme voyant son investiture comme un acquis, elle a décidé d’apparaître cette fois-ci avec un clip de campagne mettant en avant dans toute leur diversité les forces vives d’une Amérique qu’elle veut mettre en mouvement pour assurer son élection. En 2008, Hillary Clinton avait sous-estimé le besoin de changement exprimé par les Américains. Celui-ci était bien entendu incarné par ce jeune sénateur de l’Illinois, au charisme irrésistible qu’est Barack Obama. Face à cela, Hillary Clinton apparaissait comme un nouvel avatar d’une des dynasties politiques dont la politique américaine a le secret.
Repartir de zéro
L’objectif d’Hillary Clinton : reconstruire une nouvelle image. Plus humble, plus accessible : Hillary Clinton souhaite apparaître plus proche des Américains. Elle veut affirmer une image chaleureuse alors que la plupart de ses détracteurs ont tendance à la dépeindre en « Dame de fer » épisodiquement arrogante. Pour cela, elle ne devrait pas hésiter à mettre en avant sa vie personnelle, elle qui a récemment eu le plaisir de devenir grand-mère. Le clan Clinton sera derrière elle : son ex-président de mari, Bill Clinton, jouera sûrement de son influence d’ex-président le plus apprécié d’après la plupart des sondages et sa fille, Chelsea, qui n’a encore jamais eu de mandat politique et apportera une touche plus jeune à cette campagne.
La campagne d’Hillary Clinton devrait tourner autour de deux thèmes principaux : la lutte contre les inégalités et la défense des classes moyennes, qui sentent peu les effets de la reprise économique. Toute la stratégie sera de faire paraître cette campagne plus modeste qu’elle ne le sera. Les meetings devraient être moins nombreux, moins clinquants qu’à l’accoutumée ; les idées de son programme seront plutôt disséminées au compte-gouttes dans les médias.
Un statut de commander in chief
Aux Etats-Unis, la tendance veut que le Président soit le garant de l’unité et de la conservation des valeurs du pays. Les électeurs ont plutôt tendance à porter leur choix sur des candidats ayant des personnalités fortes. C’est ce piège dans lequel était tombé Hillary Clinton en 2008, passant pour cassante et austère. Secrétaire d’État de Barack Obama durant quatre ans, elle a pu prouver depuis qu’elle était capable de diriger.
Mais avant de prétendre conquérir la Maison Blanche, Hillary Clinton devra repasser par la case primaires. Un obstacle qui ne devrait pas vraiment en être un. C’est une autoroute qui semble s’ouvrir devant elle. Ses éventuels concurrents – l’actuel vice-président Joseph Biden, le sénateur du Vermont Bernie Sanders ou l’ancien gouverneur du Maryland Martin O’Mailey – ne semblent irrémédiablement réduits qu’à jouer le rôle de sparring-partners. Dans les sondages, ils accusent au moins 47 points de retard dans les intentions de vote… Cette absence de concurrence peut constituer un avantage, dans le sens où elle ne sera pas obligée de durcir son discours pour rendre clivante la campagne et pourra apparaître comme rassemblant l’ensemble de la famille démocrate. Par contre, voyant le manque de suspense, les médias américains risquent de se focaliser sur la primaire républicaine qui se jouera à couteaux tirés.
En effet, côté républicain, aucun favori ne semble pour le moment émerger. Quatre candidats principaux devraient se rendre coup pour coup. Marco Rubio, gouverneur de Floride, a longtemps fait figure de favori à la candidature. Mais derrière lui, on trouve aussi Scott Walker, gouverneur du Wisconsin, fervent défenseur de la baisse des impôts et des dépenses publiques et quasi porte-parole de la National Rifle Association (NRA – le lobby US des armes) ou bien encore Rand Paul, libertarien et figure de proue du mouvement Tea Party, en croisade contre le pouvoir central, accusé de prendre trop de place dans le quotidien des Américains. Dernier candidat à émerger : Jeb Bush. L’ancien gouverneur de Floride, jusqu’en 2007, fils et frère de Président est de plus en plus hype dans les rangs républicains. Si d’aventure il gagnait, cette élection présidentielle 2016 pourrait nous offrir un duel étonnant entre deux dynasties politiques : Clinton vs Bush.
Un passé comme handicap
Cependant, Hillary Clinton va devoir faire face à de nombreuses attaques. Son passé pourra vite devenir un boulet. L’ancienne secrétaire d’État est une vieille routière de la politique, qui fréquente les lieux de pouvoir et les plateaux télés depuis plus de 25 ans. Difficile alors de changer son image auprès de certaines franges de l’électorat malgré le renfort de spots publicitaires et de nombreux meetings.
Une affaire pourrait lui porter préjudice : l’attaque, le 11 septembre 2012 contre le consulat américain de Benghazi, en Libye. Elle était alors secrétaire d’État et les Républicains lui ont souvent reproché de ne pas avoir pris les mesures suffisantes pour assurer la sécurité de cette représentation diplomatique. Dernièrement, elle a été épinglée pour avoir utilisé sa boîte mail personnelle pour échanger avec des collaborateurs, ce qui remet en cause la sécurité de tels messages. Cela constitue même une pratique interdite pour des motifs à la fois de sécurité et d’archivage. La presse risque de vouloir continuer à chercher la petite bête, Hillary Clinton ayant toujours eu une relation conflictuelle avec les journalistes.
Dernier handicap : celui de son âge. Hillary Clinton aura 69 ans l’année de la présidentielle. Seul Ronald Reagan a été élu à un âge plus élevé. Par ailleurs, sa santé a été fragilisée dans le passé. Alors qu’elle était secrétaire d’État, elle avait été hospitalisée pour un caillot de sang qui s’était formé à proximité de son cerveau, ce qui avait fait craindre le pire. Les Républicains ne manqueront pas de venir la chercher sur ce terrain. Hillary Clinton constituera bel et bien la femme à abattre de cette élection.